[ AUTEUR DU MOIS ] YANN RIDORDEL-HEALY troisième partie

Interview de notre auteur du mois de décembre, troisième partie.

Nous vous dévoilons aujourd’hui la troisième et dernière partie de l’interview que nous a accordé Yann Ricordel-Healy, notre auteur du mois de décembre. En fin d’article, vous pouvez retrouver pas mal de liens qui vous permettront d’approfondir tranquillement la découverte de notre dernier auteur de l’année. Et vous pouvez également retrouver les deux premières parties de son interview ICI et .

La troisième partie de l’interview.

LITZIC : Tu nous parles d’écriture dans ta dernière réponse. Celle qui est la tienne nous semble particulièrement « ordonnée » en ce sens ou l’idée de départ est exploitée à fond, suivant un cheminement de pensée qui est le tien propre. Quelle(s) similitude(s) peux-tu y trouver, par exemple, avec le groupe Autechre par exemple qui destructure, dans la forme, sa pensée ? Y a-t-il des ponts, selon toi, entre une écriture explosée et une ordonnée ?

Yann Ricordel-Healy : Eh bien cet aspect ordonné vient du fait, je pense, que pour moi l’essentiel du travail se fait dans la tête. Quand je trouve une idée, j’y réfléchis parfois pendant plusieurs semaines, sans rien écrire. Je commence à construire des phrases dans ma tête, et comme j’ai plutôt bonne mémoire, je n’ai pas besoin de prendre de notes. Ce qui fait que quand je me mets au clavier, je sais quel est la situation de départ, le développement, et la fin. Ça fonctionne particulièrement bien pour la forme très courte que je pratique. Je pense que d’autres écrivains, qui sont sur des formats plus longs, travaillent beaucoup plus « au fil de la plume », en allant délibérément au-devant de l’accident de parcours qui va les emmener sur des terrains imprévus.

J’aime beaucoup improviser quand je joue de la batterie, en groupe, mais pas du tout quand j’écris, qui est une pratique solitaire. Peut-être ai-je peur d’être emporté trop loin, sans personne pour venir à mon secours, comme un navigateur solitaire en perdition… Là où un pont entre Autechre et mon écriture peut s’établir, c’est que contrairement aux apparences, tout est chez eux absolument travaillé, patiemment composé, même l’ « accident » est le résultat d’une construction. Or il m’arrive, comme je l’ai évoqué plus haut, d’introduire dans une écriture globalement très réfléchie des sortes de fulgurances, des accélérations de rythme, des ruptures dans le registre de langue, de passer sans transition d’un registre soutenu à un registre vulgaire et même grossier. Mais là aussi c’est une construction, une recherche dans le style que je n’ai pas fini d’exploiter, je pense.

« Dans mes passions, l’écriture et la photo sont premières ex aequo ! »

L : De la même façon, tu parles de photographie (et je suis moi-même passionné de photos). Penses-tu que l’instantanée d’un cliché répond également à une notion d’écriture de l’instant ou bien au contraire s’en démarque-t-il complètement ?

Yann Ricordel-Healy : Beaucoup de gens, depuis les années 60, ont réfléchi au sens que transmettent les images, c’est ce que l’on appelle la sémiologie. Roland Barthes, par exemple, s’est intéressé à l’image publicitaire qui à son époque commençait à saturer l’espace visuel, il a voulu savoir si elles fonctionnaient, précisément, comme un langage. Mon avis, c’est qu’on peut dans une certaine mesure seulement s’approprier une image par les mots, en la décrivant, en l’interprétant, mais qu’il y aura toujours une part de l’image qui échappera à la sphère du langage. Il y a quelque chose chez elle qui « parle » à nos instincts les plus enfouis, qui existe en dehors du langage, qui le précède.

« …j’aimerai quand même de temps en temps sortir du souterrain… »

L : Penses-tu que tes études t’ont permis d’appréhender l’écriture d’un point de vue rigoureux (tu parlais notamment du besoin de rédiger un plan lorsque tu écris un article sur l’art contemporain), par opposition à une écriture peut-être plus spontanée (les deux ayant évidemment des vertus) ?

Yann Ricordel-Healy : Eh bien comme je l’ai dit plus haut, dans mes fictions, même lorsque je donne l’impression de lâcher la bride, c’est prémédité. En fait en ce qui concerne l’écriture, je suis vraiment dans le contrôle, même à la limite dans une certaine angoisse. Il est certain que même si j’ai toujours aimé écrire, mes études d’histoire de l’art ont pour moi été une voie d’accès vers une écriture maîtrisée, assumée. Ce qui m’a frappé dès les premiers cours en amphi, c’est l’extrême richesse du vocabulaire dont dispose cette discipline pour, simplement, décrire les choses. J’étais presque amusé d’apprendre, par exemple, que pour une façade d’église gothique ou d’un bâtiment de la Renaissance, le moindre petit élément décoratif porte un nom bien précis.

Par ailleurs, il y avait les dissertations à rendre aux examens, des exposés oraux à préparer : c’est une filière où l’on doit énormément rédiger, c’est une excellente formation pour un écrivain. Une écriture plus relâchée, plus spontanée viendra peut-être un jour, je ne sais pas. Là où par contre je fais preuve d’une forme de spontanéité, transgressive, c’est dans les thèmes abordés : jusqu’à présent je ne m’interdisais rien, parce que je crois profondément qu’on doit pouvoir parler de tout, crever tous les abcès. Comme je l’ai dit plus haut, mes nouvelles plus récentes, qui sont encore inédites, sont moins violentes.

« …et surtout avoir des retours… »

L : Tu parlais de ton passé de musicien en groupe, en solo, de photographie. L’art contemporain est également ton dada. Si tu n’avais pas écrit, sous quelle forme te serais-tu, à l’heure d’aujourd’hui, exprimé ?

Yann Ricordel-Healy : La photographie, c’est clair. Dans mes passions, l’écriture et la photo sont premières ex aequo !

L : Quelles sont tes actualités à venir ?

Yann Ricordel-Healy : Eh bien outre la parution toute récente d’une nouvelle intitulée « La molaire explosive » dans le fanzine Violences dont s’occupe Luna Beretta, il y a une nouvelle intitulée « Psychologie de l’incendiaire » qui je l’espère va paraître dans le prochain numéro du fanzine Hildegarde, dont Alice Popieul s’occupe toujours, désormais avec Marine Aïello, dont le thème est « le feu ». Publier dans ce genre de revues me plaît car j’ai un certain goût un peu snob pour l’underground, mais j’aimerai quand même de temps en temps sortir du souterrain, prendre l’air chez un éditeur bien diffusé tout en me laissant ma liberté, non pas pour devenir millionnaire, mais tout simplement pour aller au-devant d’un plus large public, être lu, et surtout avoir des retours, rencontrer, discuter. Rien ne m’a fait plus plaisir, après la parution de Le risque, d’être contacté par des personnes que j’avais côtoyées au lycée, et qui ont porté sur mon livre un regard toujours enrichissant. C’est la phase de la vie d’un livre qui me manque le plus.

Pour ce qui est de l’image, je sens que j’arrive à un moment où je me sens suffisamment mûr pour exposer certaines choses. Pour les mêmes raisons que pour un livre : pour échanger, discuter, en apprendre sur moi-même et les autres. Or il se trouve que la ville de Caen dispose d’un certain nombre de lieux d’expositions pas trop grand, plutôt intimes. Ça me conviendrait très bien. Donc je vais mettre ça en chantier : en route vers de nouvelles aventures !

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Retrouvez le portrait de Yann Ricordel-Healy

Retrouvez la chronique de Le risque et autres textes ICI

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Retrouver la chronique Extraplat, le pop art américain et l’idéologie ICI.

Retrouver la chronique de Les bras armés et autres textes ICI

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