[ AUTEUR DU MOIS ] L’INTERVIEW de Yann Ricordel-Healy

Première partie de l’interview de Yann Ricordel-Healy

Découvrez l’interview de notre auteur du mois Yann Ricordel-Healy. Vous y découvrirez un peu de la personnalité de cet auteur, de ses façons d’écrire, de ses influences à travers les quelques questions que nous lui avons posées. Cette interview sera publiée en deux parties, peut-être trois car l’art de Yann Ricordel-Healy ne cesse d’éveiller notre curiosité. En attendant, découvrez la première partie de cette interview captivante.

L’interview !

Litzic : Bonjour Yann. Tout d’abord, question habituelle, comment vas-tu ?

Yann Ricordel-Healy : Globalement, plutôt bien, merci.

L : Peux-tu te présenter rapidement aux lecteurs de Litzic, en expliquant qui tu es et quel est ton parcours ?

Yann Ricordel-Healy : Eh bien, mon histoire familiale un peu compliquée a fait qu’après être né au Nigeria sans y rester suffisamment longtemps pour en garder un quelconque souvenir, j’ai grandi dans une petite ville dans l’Orne, en Normandie, appelée L’Aigle. La musique m’a sauvé : dès le collège j’étais chanteur dans un groupe au style plutôt difficile à déterminer, disons simplement que c’était du « rock ». J’écrivais des paroles en français avec beaucoup de vocabulaire compliqué, tiré de mes lectures. Par la suite, à Caen puis Tours, j’ai joué dans diverses formations musicales en tant que batteur, ce qui était beaucoup plus épanouissant, car c’était la place que j’avais toujours secrètement rêvé d’occuper dans un groupe. Les styles étaient très variés, du rock plutôt conventionnel à l’improvisation, en passant par le post-rock.

Aujourd’hui je me suis éloigné de cette pratique musicale de groupe, je suis équipé d’un simple enregistreur numérique et je fais des compositions à partir de field recordings. Dès le lycée j’ai voulu fuir l’Orne en allant suivre une option cinéma-audiovisuel à Vire, dans la Manche. Ça m’a passionné, et l’internat, c’est beaucoup de très bonS souvenirs. Puis presque par hasard, ne sachant pas trop quoi faire, je me suis retrouvé à l’Ecole des Beaux-arts de Caen où nous passions l’essentiel de notre temps à fumer des roulées en buvant du café. Comme j’avais vraiment l’impression de ne rien apprendre et qu’il était largement temps pour moi de faire quelque chose d’à peu près sérieux, je suis parti étudier l’histoire de l’art à Tours, où j’ai obtenu une maîtrise en 2005.

« L’île aux trésor de Stevenson, les Histoires extraordinaires et Nouvelles histoires extraordinaires d’Edgar Poe. »

L : Quels sont tes premiers souvenirs de lecture ?

Yann Ricordel-Healy : Je me souviens de deux choses que je lisais le soir dans mon lit quand j’étais enfant et qui m’ont beaucoup marqué, je ne sais plus exactement quel âge j’avais : L’île aux trésor de Stevenson, les Histoires extraordinaires et Nouvelles histoires extraordinaires d’Edgar Poe.

L : Quand l’envie d’écrire s’est-elle manifestée chez toi ?

Yann Ricordel-Healy : Très tôt, avec mes premières lectures sérieuses. Quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais « écrivain ».

L : Tu as écrit beaucoup de critiques/théories/histoires de l’art contemporain. Qu’est-ce qui t’a emmené dans cette voie ?

Yann Ricordel-Healy : C’est le prolongement direct de mes études : la recherche que j’ai menée en maîtrise m’a laissé avec des questions que je n’ai pas voulu lâcher sur le développement de l’art à partir des années 1960, et sur le développement du monde en général. Et la passion de comprendre le monde dans lequel je vis.

L : Tu as un peu stoppé cette activité (que tu perpétues simplement dans deux revues, Inferno et Medium) pour te « lancer » à cœur perdu dans la nouvelle. Cette envie était-elle présente en toi depuis longtemps ?

« Il a ce côté « working class hero », comme John Lennon… »

Yann Ricordel-Healy : Oui : si je regarde mon parcours, cet intérêt pour l’art contemporain est une sorte de détour. Un détour qui m’a beaucoup occupé, mais un détour tout de même. Je pense qu’à terme, je me consacrerais entièrement à la fiction. C’est ce que je me dis toujours, mais il me vient toujours une nouvelle idée et l’envie d’écrire !

L : Quels critiques/essayistes ont éveillé chez toi l’envie de t’y frotter ?

Yann Ricordel-Healy : Sans hésiter Lawrence Alloway, un critique d’art qui a accompagné le mouvement « Pop » en Angleterre avant de partir vivre à New York à l’invitation du musée Guggenheim où il est devenu conservateur. Il a été extrêmement clairvoyant, à mon avis, sur les bouleversements qu’a connus le milieu de l’art aux Etats-Unis au tournant des années 1960-70, c’est l’aspect de son œuvre qui m’intéresse le plus. Le fait qu’il venait d’un milieu qui ne le prédisposait pas spécialement à évoluer dans ce genre de « sphère » me le rend encore plus sympathique. Il a ce côté « working class hero », comme John Lennon, qui a d’ailleurs écrit une chanson qui porte ce titre.

L : Quelles similitudes trouves-tu dans ces deux exercices ? Au rang des différences, nous imaginons que l’imaginaire a une place importante ?

Yann Ricordel-Healy : Oui, tout à fait : il ne s’agit pas de trop s’éloigner de la réalité des œuvres et du « terrain » ! D’autant moins quand il s’agit d’une commande de la part d’un artiste. Ceci dit, les œuvres d’art peuvent tout à fait servir de support à la fiction, à la poésie, et inversement : c’est ce que préconisait Joris-Karl Huysmans, qui a été critique d’art, qui affirmait que la manière la plus féconde de répondre à la création, d’entrer en dialogue avec elle, c’est par une autre création.

« …pour son intérêt pour les ratés, ou ce qu’on appelle les losers, et pour ce qu’il y a chez eux de magnifique. »

L : Quels sont les auteurs qui t’ont inspiré et qui t’inspirent toujours ?

Yann Ricordel-Healy : Celui que je citerai en premier est un contemporain : Tanguy Viel, que je suis depuis son premier roman Le Black Note, paru à la fin des années 90. Quand j’étais à Tours, alors que le roman venait de sortir chez Minuit, il était serveur dans un pub que je fréquentais parfois, le Donald’s Pub, où j’ai d’ailleurs pu assister à d très bons concerts. A ce moment je me suis dit : « si lui l’a fait, pourquoi pas moi ? » Plus loin dans le temps, je citerai volontiers Georges Bataille, que j’ai commencé à lire au lycée, pour son caractère transgressif, et Emmanuel Bove, pour son intérêt pour les ratés, ou ce qu’on appelle les losers, et pour ce qu’il y a chez eux de magnifique.

L : Ton auteur fétiche (tous styles confondus) ? Et ton livre de référence (tous styles confondus également) ?

Yann Ricordel-Healy : Le livre qui m’a le plus marqué, tant par son style si particulier que par un phénomène d’identification à son personnage principal, c’est Thomas l’obscur de Maurice Blanchot.

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