JIMMY TRAPON, interview en exclu

Première partie de la discussion notre auteur du mois.

Et voici une interview qui débute très bien. Jimmy Trapon revient sur ses premiers souvenirs de lecture, sur le début de l’écriture, sur la musique, sur les différences entre celle-ci et la rédaction d’un livre. Toujours très intéressant de voir ce parallèle révélé par un homme à deux casquettes, dont la lucidité permet à qui le lit de mieux comprendre les mécanismes de l’écriture, dans ses aspects les plus vastes. Jimmy Trapon, interview première partie, c’est maintenant !

jimmy trapon interview

L’interview

Litzic : Bonjour Jimmy. Tout d’abord, question rituelle : comment vas-tu ?

Jimmy Trapon :
Bonjour Patrick, en temps normal, je t’aurais répondu sans la moindre hésitation que tout va bien dans le meilleur des mondes. Néanmoins depuis deux ans, et encore plus aujourd’hui, il me paraît de plus en plus délicat de formuler ce genre de réponse. Je vais comme quelqu’un qui ne comprend plus tellement dans quel sens tourne le monde justement. Qui appréhende ce funeste présent et davantage encore l’avenir qui se profile à l’horizon de cette crise sanitaire. Mais j’essaie de garder de l’espoir malgré tout, je suis bien entouré, et je bosse dur sur des projets qui me tiennent très à cœur.

Litzic : Quels sont tes premiers souvenirs de lecture, pas forcément ceux de ta petite enfance, mais les premiers qui t’ont véritablement marqué ?

Jimmy Trapon : Dès lors que j’ai su lire, les livres ont très vite fait partie de mon quotidien. Avant mes dix ou onze ans, je lisais un peu tout ce qui se présentait. Je dirais que mes premiers véritables souvenirs de lecture remontent au collège où je dévorais tous les livres de Stephen King. « Charlie », « Ça », « Carrie », « Cujo » et tant d’autres.

Sitôt que j’en fermais un, j’en ouvrais un nouveau. Une fois au lycée, j’ai découvert Georges Orwell. Je me souviens avoir lu « 1984 » deux fois de suite. C’est le seul livre que j’ai recommencé directement après l’avoir fini. Je voulais être certain de n’avoir rien loupé et d’avoir tout compris. Ce livre a été une révélation pour moi, une sacrée découverte du haut de mes seize piges. J’avais lu ensuite, La ferme des animaux, Hommage à la Catalogne, Dans la dèche à Paris et à Londres, qui sont aussi des récits merveilleux.

Enfin, à cette même époque, je me souviens également que L’étranger de Camus a été un véritable coup de foudre de littérature. Tout comme l’ont été plus tard, Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit de Céline.

King, Camu, Vian

Litzic : Qu’ont-ils déclenché chez toi ?

Jimmy Trapon : Une addiction ! Je ne pouvais plus me passer de ces lectures. Il m’arrivait de lire discrètement, le livre caché sous ma table durant certains cours. Je suppose que mon regard vingt ans après déforme forcément un peu ce que ces lectures ont pu déclencher en moi à l’époque.

Toutefois, je garde en mémoire l’évasion et les émotions très fortes que me procuraient ces livres. J’étais absorbé, je disparaissais dans ces lignes noires, c’était fantastique. Le film de ces mots prenait toutes mes pensées. J’avais déjà l’amour des livres, mais ces lectures ont certainement déclenché en moi la passion des histoires.

Litzic : As-tu eu, ou as-tu encore, des auteurs de prédilection que tu suis inlassablement ?

Jimmy Trapon : Outre ceux que j’ai pu mentionner plus haut, j’ai eu d’autres périodes où des auteurs m’ont fasciné. Je pense notamment à Charles Bukowski et Boris Vian. J’ai tout lu de ces deux auteurs. Tout écouté. Tout vu. Boris Vian est un pur génie. Capable de créer des univers incroyables. Capable de passer du roman noir à des romans plus fantaisistes. Du rire aux larmes en quelques lignes. Je m’agenouille devant son œuvre. Chacun de ses livres est singulier. Il m’a tellement touché que j’ai souhaité tout savoir de sa vie. J’ai lu des biographies, des articles. Je dormais même avec le coffret pléiade de Boris Vian sur ma table de nuit. Malheureusement, j’ai dû l’enlever.

Sa ressemblance physique avec Macron me perturbait de trop. Bukowski, lui, c’est davantage pour le côté rock’n’roll du personnage. J’ai presque tous ses livres dans ma bibliothèque. Ce type décrit le réel de son époque avec un ton unique que j’ai toujours aimé, à la fois cru et poétique. Après, ces auteurs ne sont plus de ce monde donc à vouloir les suivre trop inlassablement, je risque de tourner en rond ! Parmi les vivants, aujourd’hui, je n’ai pas tellement d’auteur de prédilection. Ça doit être mon côté nostalgique.

Sa ressemblance physique (celle de Boris Vian ndlr) avec Macron me perturbait de trop.

Litzic : Quel a été le déclencheur de ton envie d’écrire ? Vers quel âge s’est-il produit, et de quelle manière ?

Jimmy Trapon : La réponse peut paraître banale, mais j’ai toujours aimé écrire. J’ai toujours ressenti cette envie. Petit, j’adorais les exercices de rédaction à l’école. Les travaux d’invention. J’aimais beaucoup avoir des carnets et des stylos dans lesquels j’écrivais un peu de tout, et puis surtout n’importe quoi. Enfant, je rédigeais des résumés de match de foot. A l’adolescence, des poèmes de mauvaises qualités. Puis vers mes quinze ou seize balais, mes premières nouvelles.

J’ignore s’il y a eu un déclencheur, j’y vois plus un processus qui s’est mis doucement en place au fil de mon parcours. A la fin de mes études, après un an dans un boulot qui ne me plaisait pas tellement, qui me prenait beaucoup de temps et d’énergie, j’ai fait le choix de refuser le CDI qui m’était proposé pour consacrer une grande partie de ma vie à la musique et l’écriture. Ce n’est pas un choix facile, aujourd’hui encore, car il faut assumer derrière de n’avoir que des boulots alimentaires avec un bac +5. Se sentir parfois un peu jugé par les regards extérieurs. Et donc devoir se justifier d’avoir favorisé un mode de vie un peu précaire plutôt qu’une carrière professionnelle classique.

Ce n’est pas toujours simple Je me souviens à l’époque avoir immédiatement participé à un concours de nouvelle d’une petite maison d’édition parisienne. Je voulais prouver que je pouvais être crédible et j’avais eu la chance d’avoir été sélectionné. Aujourd’hui, je ne regrette toujours pas ce choix.

Dix après, mon raisonnement demeure le même. Quel bonheur a tiré de ma vie si je ne la consacre pas à ce que j’aime vraiment. Je ne sais pas si je vivrais un jour de la musique ou l’écriture. Je n’y pense pas tellement. Mais je crèverais de ne pas vivre pour. De m’emmerder dans une vie où je ne suis pas épanoui. De me lever le matin, la flemme à mes côté. De passer huit heures dans un boulot où la passion n’aurait de place que le samedi, je ne peux pas le concevoir.

Bien qu’elles se complètent sans doute, les satisfactions et les émotions que la musique et l’écriture procurent sont assez différentes.

Litzic : Tu es également musicien. De la musique ou de la littérature, laquelle est arrivé le premier ?

Jimmy Trapon : Je dirais que la littérature était présente depuis bien plus longtemps, mais la musique est arrivée en premier dans l’investissement que j’y ai apporté. Mes premiers concerts et mes premiers albums sont arrivés quelques années avant la sortie de mes premiers bouquins. J’ai monté mon groupe, Dagara, en 2007 et ma première publication, ce fameux concours de nouvelles, date quant à lui de 2010.

Litzic : Y trouves-tu les mêmes satisfactions ou, au contraire, les deux se complètent-elles ?

Jimmy Trapon : Bien qu’elles se complètent sans doute, les satisfactions et les émotions que la musique et l’écriture procurent sont assez différentes. J’apprécie davantage l’adrénaline d’une scène de concert que celle d’une table à un salon du livre, par exemple. Je me retrouve beaucoup plus dans le costume de chanteur que dans celui d’auteur qui doit vendre ses livres.

L’intensité est incomparable, le partage avec le public est beaucoup plus direct, plus fort et transcendant. Mais la satisfaction de la sortie d’un livre est quelque chose d’assez magique à vivre. Ecrire un roman me prend en moyenne deux ans, deux ans et demi. La littérature est une affaire avec soi-même. C’est donc de long mois de conception, de doutes, de colère, de joie, de remises en question. Jusqu’à l’aboutissement final et la pression que provoque l’abandon de cette part de soi.

La sortie d’un album est aussi source de pression et le fruit d’un énorme travail. Mais la satisfaction va être collective. La fierté d’avoir conçu une œuvre commune. Le plaisir d’avoir allié différentes personnalités, différentes idées, différentes sensibilités dans un seul et même projet. C’est tout aussi puissant, mais c’est une satisfaction différente. Après, elles se complètent évidemment, dans la mesure où dans l’un comme dans l’autre, j’ai l’intime sensation chaque fois d’avoir donné le meilleur de moi-même, d’avoir mis mes tripes sur la table et tout ce qui va avec.

Plus d’infos.

Lire un extrait de Des nouvelles du nord de Paname et la chronique du livre
Chronique de la novella 22/10, 22:10
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