JIMMY TRAPON, 22/10, 22:10 (Jacques Flament alternative éditoriale)

jimmy trapon 22/10, 22:10

Novella.

22/10, 22:10 pourrait sembler un prolongement de Nouvelle du nord de Paname, carnet de routines, du même Jimmy Trapon. En effet, le principe est légèrement le même, c’est-à-dire reprenant, d’une certaine manière, cet aspect journal intime dans lequel le narrateur nous conte sa vie d’homme banal, mal à l’aise dans ses chaussettes, et surtout en compagnie des autres.

À la différence de son roman, 22/10, 22:10 se base sur une seule journée, du levé à 8h15 à la fin de celle-ci, à 22 heures 10. Entre les deux, un calvaire sans nom pour cet homme qui travaille dans un open space où il officie en tant que téléopérateur. Le boulot, il ne le cache pas, ne le passionne absolument pas, mais ça ou autre chose, quelle différence ? Ses aspirations sont ailleurs (la magie par exemple), et tout cas elles sont à l’antipode de cette faune qu’il méprise et supporte comme on supporte la diarrhée (c’est-à-dire plutôt mal). Mais cette journée du 22 octobre pourrait bien tout changer.

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Des recettes similaires, un fond un peu différent.

Jimmy Trapon reprend des éléments déjà présents dans son roman, en basant cette fois-ci son histoire plus précisément dans le monde du travail. Le narrateur y exprime un mal-être constant, autant vis-à-vis de ce que l’on attend de lui que dans les relations de travail. L’homme paraît légèrement asocial, en tout cas pas à sa place dans l’univers qui est le sien. Comme beaucoup, il s’interroge un peu sur le pourquoi et le comment de sa présence ici, sans non plus remettre fondamentalement en cause ses choix. Le fait qu’il soit relativement peinard lui convenant plus ou moins.

Le ton est une nouvelle fois mordant, légèrement cynique, possède toujours un humour noir discret et une poésie désabusée. Les portraits esquissés, autant celui du narrateur que de ses collègues de boulot, le sont avec une finesse et mauvaise foi (ce qui s’avère assez jubilatoire, notamment celui concernant Catherine et son cortège de lèche-cul). Impossible de ne pas ressentir, à la lecture, une forme d’universalité tant le monde de l’entreprise ici décrit ressemble à s’y méprendre à celui de n’importe quelle boîte.

Mélancolie.

Elle suinte des constats de ce narrateur comme la joie teigneuse de Catherine lorsqu’elle le coince pour ses retards, son travail mal exécuté ou tout autre excuse facile servant sa cause de cheffe en titre du service. Inutile de faire un dessin : travailler n’est une sinécure pour personne, notamment quand ce travail ne correspond en rien à des aspirations profondes, ni même à des considérations secondaires (ce qui signifie ici que même le travail alimentaire n’est plus véritablement une excuse pour accepter cette négation de soi quotidienne).

Jimmy Trapon creuse donc sa voix, avec un « à l’aise » narratif qui laisse rêveur. Aucun aspect n’est ici caricatural, les personnages, même très secondaires, apportent leur touche de réalité universelle à ce portrait d’entreprise et d’employés faisant bon gré mal gré leur taf. La fin laisse cependant un léger goût d’amertume, et peut-être de déception, tant le narrateur s’avère touchant, « tristement » sympathique et en tout point profondément humain, avec ses travers, son mauvais esprit et ses rêves en sourdine.

Le quitter s’avère à refermer une petite page d’existence, ce qui forcément rend un chouia nostalgique. Il ne reste plus qu’à attendre le prochain bouquin de Jimmy Trapon (en souhaitant que celui-ci arrive le plus rapidement possible).

Plus d’infos.

Lire un extrait de Des nouvelles du nord de Paname et la chronique du livre
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