JIMMY TRAPON, Des nouvelles du nord de Paname
(Carnet de routines).
Carnet de routines, carnet intime d’un homme qui porte en lui un mal-être, une différence, une difficulté a priori insurmontable d’être bien dans son existence. Pour l’oublier autant que pour s’oublier, il boit, plus que de raison, à s’en faire saigner quand il pisse. Des nouvelles du nord de Paris, de Jimmy Trapon, et son portrait, en quelque sorte, en une dizaine de chapitres qui nous portent au plus près de ce narrateur dont nous ne connaissons même pas le prénom, mais qui, tout anonyme soit-il, ressemble à tout bon pote en perdition.
Pas le temps de s’installer dans une routine de lecture, du genre pépère, car dès le premier chapitre le ton est donné. La langue est vive, possède un côté explosif de par son vocabulaire direct, un chouia familier, qui n’a d’autre but que de rendre le narrateur proche du lecteur, comme s’il s’agissait de son frère, de son meilleur ami, celui un peu destroy, un peu border-line, celui avec qui on passe de bons moments autour d’une bouteille avant que celle-ci ne commence à devenir poison, avant que celui-ci commence à n’être plus intelligible, à n’être plus drôle.
Pourtant l’alcool, il ne l’a pas mauvais. Mais il fait ressortir tout ce que l’ébriété en dit pas de ses douleurs internes, de cette difficulté à n’être pas bien dans ses grolles, à ne pas trouver sa place dans la société. Car oui, il n’est bien nulle part, sauf dans les bras de M.J et auprès de son gosse.
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H.S (Hors Système)
Des nouvelles du nord de Paname dresse le portrait de cet homme abîmé par la vie, ou par son caractère de loser céleste. Il n’arrive pas à exprimer clairement ce qui lui pèse, cette difficulté à s’épanouir en tant qu’homme, qu’être humain, lui qui est soumis à l’attraction de l’existence telle qu’elle est définie par les conventions sociales, métro boulot dodo. Lui, il boit pour se donner du courage d’affronter le quotidien, la triste banalité d’un quotidien calibré où il a pour seule véritable compagne la solitude.
Oh, il aime sa copine, un amour comme ça, ça brûle les doigts quand on tourne les pages, c’est pur comme de la poudre à laquelle il ne touche pas. Lui, c’est la drogue liquide qui le détruit, qui fournit un alibi à ses errances, à ses balbutiements. Il a conscience, vaguement, que tout ça craint, mais la garce (la bibine) a la rancune tenace et lui colle aux baskets comme la merde dans laquelle on vient de marcher, du pied droit ou du pied gauche (aucun des deux ne porte chance).
Seule lueur de bonheur, seul moment de relâche, quand il est avec son môme. Là, il la maintient loin, la bouteille, ou du moins aussi loin possible. Parce que l’amour d’un père, ça efface tout, un moment.
L’âme.
Son âme à lui, c’est celle d’un poète. Même dans la biture, elle apparaît, la poésie. Elle est aussi tenace que l’envie de boire. Peut-être en est-elle la raison, de cette inextinguible soif de se foutre en l’air par l’alcool, la poésie. Parce que le poète, il voit la beauté dans toute chose, mais ça le rend si vulnérable. Sa sensibilité reprend le dessus, l’empêche de vivre sans avoir mal en constatant tout ce qui tourne carré, tout ce qui va de traviole.
Ce narrateur, c’est un vrai poète, celui qui voit le monde sous un autre éclairage, dans ce qu’il a de plus pur, de plus dur. La poésie ne le sauve pas, elle l’entraîne plus bas, trop sensible qu’il est pour pouvoir rester debout, fier et droit. Il doit se rapprocher du bitume du nord de Paname pour y rencontrer les étoiles du caniveau. Pourtant, pourtant, il existe une lueur d’espoir, tenace elle aussi. Comment l’appelle-t-on ? Instinct de survie? Résilience ? Peu importe. Mais ce livre n’est pas totalement noir, il possède des couleurs folles, celle de l’amour, parfois surprenant. Celui de sa copine, de ce gosse, du souvenir de sa grand-mère. Celui des potes aussi. Pas celui du boulot en revanche, ni de ses « amis » contraints (les amis de M.J) auxquels il ne comprend rien.
C’est vrai, pour trouver de l’intérêt aux autres, il faudrait qu’ils aient des choses intelligentes à dire, qu’ils soient vrais de vrai, non pas des types qui ne se souviennent pas d’où ils viennent. Le narrateur est, lui, un vrai de vrai, un seigneur. C’est cela qui le rend si attachant, si beau.
Autoportrait ?
Forcément, à la lecture, nous nous demandons si Jimmy Trapon est comme son antihéros. Forcément. Mais nous savons qu’il ne faut pas confondre l’auteur et ses personnages. Néanmoins, pour être aussi près d’une réalité, nous nous disons qu’il en faut, de l’expérience de la vie, des autres, pour taper si sincère, si juste. La poésie de la plume de l’auteur est lumineuse, son amour de LA femme est un brasier, seule oasis au milieu d’un océan loin d’être d’un bleu turquoise.
Le bouquin se lit d’une gorgée. Il est passionné, drôle, touchant, émouvant sans être pathos, et il ne déclenche aucune gueule de bois. En revanche, il crée une accoutumance qui nous dit qu’il faut que la suite arrive, vite. Une suite qui commencerait exactement là où finit le livre, là où commence la vie.
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