[Interview] JESSIKA LOMBAR, l’itinéraire d’une auteure érotique

Interview de notre auteure du mois JessiKa Lombar.

Nous vous dévoilons les premières questions, et donc les premières réponses, de JessiKa Lombar à notre interview. Mais avant de vous le dévoiler, JessiKa nous a demandé de placer cette citation. Alors nous vous la notons avant que vous lisiez la suite de cette interview qui vous en dira plus sur la démarche littéraire de notre auteure érotique. Juste après celle-ci, découvrez avec nous l’itinéraire d’une auteure érotique.

 » Le cerveau d’une femme est une caverne à fantasmes, une mine d’érotisme inépuisable, un gisement de scénarios nourri par une imagination débordante, fertile et incommensurable. Derrière chaque femme se cache une coquine. Il suffit de savoir la révéler. Alors, rien ne pourra l’arrêter. »

L’interview.

Litzic : Première question, comment vas-tu ?

JessiKa Lombar : Je vais bien malgré la crise sanitaire qui a complètement bouleversé ma vie comme c’est le cas pour beaucoup d’entre nous. C’est la première fois que je suis à l’arrêt total au niveau professionnel, la première fois que je suis au chômage et que je dois réfléchir à une reconversion. Toutefois, je profite de cette période pour développer mon activité littéraire. Cette parenthèse forcée m’a permis de terminer et publier mon 3ème roman et de commencer et terminer le 4ème. Alors, il faut regarder le bon côté des choses. Tout n’est pas totalement négatif, en tous les cas en matière de créativité.

L : Quels sont tes premiers souvenirs de lecture ?

JessiKa Lombar : Depuis toute petite, les livres m’accompagnent. Ma promenade favorite, alors que j’étais encore enfant, me menait systématiquement à la librairie près de chez moi. J’y restais des heures et adorais tourner les pages ou renifler l’odeur de l’encre. L’olfactif est le sens le plus développé chez moi. Les premiers souvenirs marquants de lecture remontent à mon entrée en 6ème. Mon professeur de Français, qui était aussi mon professeur de musique, a été une sorte de mentor. Il m’a donné le goût des œuvres théâtrales et surtout de la poésie. Il m’a aussi encouragé à écrire et m’a appris à ressentir la musique pendant plusieurs années d’affilée. Il y a comme ça des personnes qui jalonnent votre existence et qu’on n’oublie jamais. Cet homme en fait partie et je n’ai jamais eu l’occasion de le remercier. Tout naturellement, j’ai poursuivi mes études en suivant une filière littéraire. Mon rêve était de devenir professeur de philosophie mais la vie a bousculé mes projets. Cela restera un de mes seuls regrets.

L : Quel est le premier livre à t’avoir marqué ?

JessiKa Lombar : Il m’est totalement impossible de faire un choix. Il y en a beaucoup trop. Je peux citer quelques-unes de mes œuvres favorites telles que L’Iliade et l’Odyssée d’Homère, Andromaque de Racine, À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, Candide de Voltaire, Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, Le parfum de Patrick Süskind, L’arrache-cœur de Boris Vian ou encore Ravage de Barjavel. Si je cherche au plus loin de ma mémoire, alors je pense à un livre de contes que ma mère me lisait le soir avant de m’endormir. Je me souviens encore de son odeur caractéristique et des images que j’ai visionné des centaines de fois.

L : De la même façon, quel auteur t’a profondément remuée ?

JessiKa Lombar : Les poètes me remuent toujours beaucoup. Baudelaire car son spleen me touche particulièrement, moi qui adore me vautrer dans la mélancolie. Il y a aussi Rimbaud, Apollinaire, Verlaine ou Prévert. La mélodie des mots, leur sensualité, leur assemblage parfois inattendus provoquent des sentiments très intenses. La musicalité d’un poème me fait vibrer. Je n’ai pas la mémoire des titres, je me souviens surtout de l’émotion ressentie.

« Le côté provocateur voire sulfureux et toute la fantasmagorie que suscitent l’auteure de romans érotiques m’ont amenée, non seulement à repousser mes limites mais à les dépasser allègrement. « 

L : Ecrivais-tu dans ta jeunesse ?

JessiKa Lombar : Aussi loin que je me souvienne, il y avait toujours un calepin et un stylo à portée de main. J’écrivais tellement qu’une excroissance de chair s’était formée sur mon majeur à l’endroit où frottait le stylo à encre car j’étais une adepte de la plume. Adolescente, je noircissais des cahiers en racontant toutes mes anecdotes, mes aventures et surtout mes états d’âme. J’étais une jeune fille hypersensible, mélancolique, maladivement timide et je n’avais pas du tout confiance en moi. Les mots constituaient mon seul moyen d’exprimer réellement ce que j’étais et ce que je pensais. Ils m’ont beaucoup aidée tout au long de ma vie, surtout dans les moments les plus difficiles.

L : Tu écris de la littérature érotique. Était-ce pour toi une évidence ?

JessiKa Lombar : C’était tout sauf une évidence. J’ai toujours su, au plus profond de moi, qu’un jour je tiendrai mon propre roman entre les mains. Tout comme, il m’arrive souvent de dire à mon mari en plaisantant, qu’un jour, il me verra à la Grande Librairie sur la 5. Je m’impose des contraintes. J’aime me soumettre à des défis que je me suis moi-même fixés. Souvent ils sont ambitieux, ils m’obligent à l’excellence. C’est ce qui me permet de vibrer et de me sentir vivante. Choisir la littérature érotique se révélait être un véritable pied de nez à ma nature discrète et réservée, à l’extrême opposé de ma personnalité. Le côté provocateur voire sulfureux et toute la fantasmagorie que suscitent l’auteure de romans érotiques m’ont amenée, non seulement à repousser mes limites mais à les dépasser allègrement. Écrire m’a obligée à me mettre en avant, à m’exposer, à me dévoiler, à me comparer, à me mettre en difficulté, à me délivrer du carcan de la timidité qui me privait de tout.

Aujourd’hui, quand je confie que j’écris des histoires érotiques à des personnes qui m’ont connue avant, ils ont du mal à le croire, preuve que j’ai réussi à les surprendre et à prendre ma revanche sur moi-même. L’écriture a révélé la vraie personne que je suis et qui se cachait par peur d’être rejetée. Pourtant, choisir ce style littéraire me ferme beaucoup de portes. Plus on avance dans le monde moderne, plus la censure grandit et les tabous réapparaissent. On lit en secret, on cache les couvertures, on chuchote et on critique en imaginant que celle qui a écrit, a forcément vécu l’histoire comme si Maxime Chattam était lui-même un tueur psychopathe !

 » Le frein principal a été d’assumer ce que j’écrivais. »

L : J’imagine que l’envie d’en écrire provient aussi des lectures que tu as pu avoir ? Quand t’es-tu intéressée à celle-ci ?

JessiKa Lombar : Avant d’écrire mon premier roman Rose Noir, je n’avais jamais lu de romans érotiques, excepté La vie sexuelle de Catherine M de Catherine Millet, sur laquelle j’étais tombée par hasard lorsque j’avais vingt-cinq ans. Les scènes crues, notamment de pluralités masculines, m’avaient beaucoup troublée mais, à ce moment de ma vie, écrire ce style de récit était une audace qui n’aurait jamais effleuré mon esprit. Ce n’est qu’après avoir mis le point final à mon roman en 2017, alors que j’allais avoir cinquante ans, que je me suis autorisée à découvrir les œuvres érotiques les plus célèbres ainsi que les écrits d’auteurs contemporains moins connus. En les lisant avant de finir le mien, je craignais de me laisser influencer, de me museler ou d’être impressionnée. Je ne voulais surtout pas me comparer, sans doute un énième tour que me jouait le manque de confiance en mes propres capacités.

L : Comment as-tu commencé à t’imaginer écrire une histoire à toi ?

JessiKa Lombar : L’aventure a commencé à l’occasion d’un élément déclencheur plutôt dramatique qui s’est déroulé en 2005. Lorsque j’avais 14 ans, j’ai rencontré un garçon dont j’étais très amoureuse. Après quelques années formidables où nous avons découvert les premiers émois ensemble, nos chemins se sont séparés et nous avons fait nos vies chacun de notre côté. Je me suis mariée et j’ai eu deux enfants. Vingt ans après, le hasard nous a réunis et une nouvelle histoire d’amour, encore plus forte, s’est offerte à nous.

Alors que nous venions à peine de nous retrouver, il a été victime d’une mort subite. Son cœur a cessé de battre pendant plus de six minutes. Plongé dans le coma pendant trois semaines, il luttait pour survivre et moi, j’écrivais toutes les nuits, des dizaines de pages, pour conjurer le sort, pour calmer mes angoisses, pour qu’il puisse lire combien je l’aimais lorsqu’il se réveillerait. J’ai écrit avec mes tripes, avec mon cœur à vif et il a survécu. Un vrai miracle. J’ai eu envie de partager cette histoire mais je me disais qu’elle était vraiment trop triste malgré l’issue heureuse. Je l’ai donc allégée en intercalant des scènes érotiques. J’ai très vite adoré cet exercice.

« Mes personnages sont libres de faire tout ce qui me passe par la tête »

L : Quels ont été tes freins, tes moteurs ?

JessiKa Lombar : Le frein principal a été d’assumer ce que j’écrivais. Il est évident qu’on ne peut éviter les amalgames et les questionnements. Les personnes qui me connaissent, cherchent infailliblement à me comparer à mes héroïnes Par conséquent, j’ai longtemps caché la parution de Rose Noir à mes proches, ce qui était très frustrant pour moi. Seul, mon mari, mon grand amour retrouvé, connaissait le secret. Il a été mon moteur. C’est lui qui m’a insufflé l’inspiration et que je voulais surprendre.

Puis, mon éditeur m’a invitée à participer au salon du livre Porte de Versailles, Le Salon du Livre, celui dont je rêvais étant petite, une petite consécration qui, en quelque sortes, me légitimisait. J’ai attendu le jour de mes cinquante ans pour avouer à mes parents et à mes enfants qui étaient déjà adultes, la sortie de mon premier roman. Passée la surprise sur le thème et le style choisis, chacun m’a félicitée et a été très fier. Depuis, ils ne m’ont pas répudiée ! Ils me soutiennent et me lisent. Cela donne des débats très cocasses lors des repas familiaux, surtout que la tribu s’est agrandie avec l’arrivée des compagnons respectifs de mes enfants qui doivent maintenant assumer l’idée d’avoir une belle-mère auteure érotique ! Le frein est désormais devenu un moteur car j’ai à cœur de ne jamais les décevoir.

L : Quelles sont tes inspirations ?

JessiKa Lombar : Lorsque je commence une histoire, je n’ai jamais de plan défini. En revanche, je pioche mon inspiration de tout ce qui m’entoure, de ma propre expérience, de la vie ou parfois, simplement d’un visage que j’ai croisé. Par exemple, le personnage de Darius qui apparait dans mon deuxième roman Les lèvres rouges et qui devient le héros du troisième, m’a été inspiré par un homme au visage déformé par une maladie dégénérative. Je me suis demandée « Tiens, cet homme doit vivre avec cette apparence monstrueuse alors qu’il a certainement beaucoup d’amour à donner, qu’il est peut-être un amant extraordinaire mais les femmes le repoussent… », et mon imagination a fait le reste. L’homme est devenu un orphelin abandonné à la naissance à cause de sa malformation, adopté par de riches aristocrates. Puis il a endossé le costume du mystérieux Marquis masqué, réalisateur de fantasmes, maître incontestable et célèbre organisateur de nuits libertines dans son château où se pressent les femmes pour le rencontrer.

Mes personnages sont libres de faire tout ce qui me passe par la tête. J’aurais tellement aimé apprendre à faire de la harpe. Qu’à cela ne tienne, Violette, l’héroïne du second roman devient l’ambassadrice de cet instrument. Avancer dans une histoire est magique. C’est comme un puzzle dont je connais les contours mais dont j’ignore les détails. Parfois, je piétine et tout se décante naturellement pendant la nuit, occasionnant de belles insomnies. Les morceaux éparpillés se mettent en place et dévoilent un résultat souvent étonnant.
J’aime aborder des thèmes d’actualité qui permettent de réfléchir en plus de se divertir. Écrire du sexe pour du sexe ne m’intéresse pas. Je soigne l’histoire et les rebondissements pour surprendre le lecteur. La confiance en soi, les fantasmes féminins, le couple, le libertinage, le sado-masochisme, la perversion narcissique, la masculinité, la mort ou encore la mythologie sont les principaux sujets abordés.

« Pour l’écriture de Rose Noir, je mentirais si je disais que tout est inventé. »

L : Consommes-tu beaucoup de récits érotiques, de films ? Comment te documentes-tu ?

JessiKa Lombar : Je ne consomme pas vraiment de récits ou films érotiques. Entre chaque écriture de livres, je lis énormément, de tout, un peu comme s’il fallait que je me nourrisse après un long jeûne. Cela peut aller de Franck Thilliez, à Jean Teulé, en passant par Amélie Nothomb ou le nouveau prix Goncourt de Hervé Le Tellier. J’aime aussi découvrir des nouveaux auteurs que je rencontre sur les réseaux sociaux ou grâce à ma maison d’édition Ex Aequo, qui propose de nombreuses collections.
Je ne regarde pas beaucoup la télé et refuse de m’inscrire sur Netflix, trop chronophage à mon goût car je sais que je deviendrais vite accro et que ça ne me laisserait plus le temps d’écrire.

Je me documente principalement sur Internet mais aussi grâce à des ouvrages spécifiques comme ceux de Marie-France Hirigoyen traitant des relations toxiques pour Les lèvres rouges ou encore des livres plus spécifiques sur la sexologie et sur les multiples paraphilies.
Mon aventure littéraire m’a également amenée à interviewer des experts. Pour mon 3ème roman, Into vinceres, j’ai été à la rencontre d’un Maître BDSM pour approfondir certaines questions et visiter son donjon. Je suis allée jusqu’à acheter des instruments improbables, comme la roulette de Wartenberg afin de me rendre compte de ses effets. Rien de tel pour décrire ce que ressent un personnage que de l’avoir soi-même expérimenté. Quand je confiais plus haut, qu’écrire m’avait obligée à dépasser mes limites, c’était peu de le dire !

L : Ta plume est très fluide, très travaillée pourtant. Quel est le juste dosage entre ce qui est dit et ce qui est tu (mais qui justement laisse travailler l’imaginaire) ?

JessiKa Lombar : Pour l’écriture de Rose Noir, je mentirais si je disais que tout est inventé. Il a fallu que je m’appuie sur une base connue pour me rassurer et être la plus juste possible. Cela m’a aidé pour désinhiber mon imaginaire. Pour autant, je m’amuse à laisser le lecteur dans le doute. Pour séduire, il ne faut jamais tout révéler et conserver une part de mystère.
Je me souviens d’un soir où je venais de commencer l’écriture du chapitre 3 avec l’histoire de la fameuse culotte déjà portée que Katia l’héroïne livre à un de ses directeurs dans une enveloppe Kraft. Je l’ai envoyé par mail à mon mari, d’une part pour qu’il me donne son avis et aussi pour l’émoustiller un peu. Il m’a répondu « fantasme ou réalité ? ». À ce jour, il n’en connait toujours pas le fin mot.
Bien sûr, j’ai pris plus d’assurance et le réel perd du terrain par rapport à l’imaginaire dans Les lèvres rouges et Into vinceres. On peut y déceler des allusions à ce qui me plait ou à ce qui m’agace, un trait de caractère dans la personnalité d’un personnage, une anecdote, une référence à un lieu existant ici ou là. Je laisse aux lecteurs le soin de le deviner ou tout simplement de se détacher un instant de leur monde pour entrer dans le mien. L’objectif d’un auteur n’est-il pas d’entraîner le lecteur dans un univers qui le dépayse ?

radio activ interview jessika lombar

Exclu : Interview radio de JessiKa Lombar diffusée dans l’émission B.O.L diffusé sur Radio Activ ! Le podcast (pour l’heure il manque la première partie de celle-ci que nous vous remettons dès que possible):

jessiKa lombar auteure érotique

Relire la chronique de Rose noir.

Relire le portrait de JessiKa Lombar

Relire la chronique de Les lèvres rouges

Relire la chronique d’Into Vinceres et son extrait

Si vous aimez l’érotisme, Jessika en parle et casse les a priori sur son blog

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