[ROMAN] JESSIKA LOMBAR, Into vinceres // dans la tête de…

Into vinceres, troisième roman de Jessika Lombar (aux éditions Ex Aequo, collection Alcove)

Après Les lèvres rouges, nous plongeons avec délectation dans la suite de l’univers érotique de JessiKa Lombar. Nous plongeons également dans « la suite » des Lèvres rouges, et de Rose noir, puisque nous retrouvons des personnages ayant peuplé ces deux précédents romans. Pour autant, comme c’était le cas des Lèvres rouges qui revenait sur la personnalité d’Edouard, personnage secondaire important de Rose noir, ce troisième roman, Into vinceres peut se lire de façon totalement indépendante (même si lire les trois romans s’avère particulièrement intéressant et crée une sorte de fidélité à l’univers de l’auteure).

Dans into vinceres, nous sommes dans la tête de Darius, énigmatique personnage que nous découvrons à la fin de Les lèvres rouges. Le marquis de Montravel, Darius donc, vit dans son château où il donne de somptueuses fêtes libertines. Mais cet être, défiguré de naissance par une maladie rare, est ébranlé suite à sa rencontre avec la belle Hélène. Celui qui cachait à la fois son visage et ses sentiments derrière un masque le protégeant des regards (et d’une certaine manière de la « vraie » vie) ressent pour la première fois l’amour. Mais peut-on s’échapper de sa propre histoire ?

Deux hommes, une femme.

Dans ce roman, JessiKa Lombar se place dans la tête de deux hommes, celle de Darius, homme ayant vécu la violence des enfants lié à sa malformation, devenu homme, vivant toujours reclus derrière son masque, et celle de Vincent que nous connaissons du premier roman de l’auteure. Chacun de ces hommes a droit à une partie du livre, celle de Vincent étant insérée entre les deux parties consacrées au sulfureux Marquis.

Avec un tact tout féminin (mais très bien senti), JessiKa Lombar se place dans leur tête et analyse, décortique, un peu de leurs tourments. Nous ne rentrerons pas en détail dans ceux de Vincent, pour ne pas révéler la suite, même indirecte, de Rose noir, mais nous nous attarderons volontiers dans celle de Darius. Cet enfant, abandonné à la naissance par sa mère ne supportant pas ce petit visage déformé, vivra l’enfer des persécutés, des différents, à l’orphelinat. Battus, moqué par celui qui s’avère être son demi-frère, il apprendra la crainte des autres, malgré des dispositions intellectuelles certaines et une curiosité sans limites. Ce garçon se forge ainsi une force mentale dans les lectures, la musique, d’autant plus qu’il a la chance d’être adopté par un couple de nobles, les Montravel, qui lui mettent à disposition tout ce qu’il faut pour grandir et s’éveiller aux arts, à la vie.

Il suit alors une éducation recluse, au domaine de ses parents adoptifs, qui lui permettent d’accéder aux arts, et qui lui fournissent une éducation, à domicile, sur mesure. Peu à peu, Darius est initié au sexe par Louise, une adepte du BDSM. L’univers de Darius sera libertin, il sera l’organisateur de parties fines, parties ayant pour vocation à permettre à chacun de vivre ses fantasmes sans craindre de jugement, à s’émanciper du poids de la vie de tous les jours.

Le masque.

Toujours retranché derrière son masque, Darius est solitaire. Certes, il possède une amitié forte avec Denis, mais il ne connaît pas l’amour. Quand le coup de foudre lui tombe dessus, ses certitudes vacillent, le menant à la conclusion que, peut-être, il doit tomber le masque. Mais on ne laisse pas derrière soit une vie entière vouée à la dissimulation. Osera-t-il se mettre à nu ?

Into vinceres est un roman certes érotique, avec tout ce que cela implique de volupté, de sensualité, de caractère excitant, mais qui pose invariablement la question de l’acceptation : acceptation de sa différence, acceptation de ses penchants sexuels, acceptation de soi-même, acceptation du deuil. La galerie de personnages créée par JessiKa Lombar est des plus attachantes. Ils sont parfois brisés par la vie, parfois en pleine reconstruction, parfois biens dans leur basket, mais tous ont enfouie au fond d’eux une envie de vivre brûlante. Ils trouvent, dans le sexe et les pratiques extrêmes, une manière de l’exprimer, de faire tomber leurs barrières. Hélas, cela dérive parfois vers des actes atroces, mais tout cela, finalement, n’est-il pas fait pour nous amener à réfléchir sur nos propres masques, nos propres faiblesses ?

Amour pour ses personnages

Avec ce troisième ouvrage, JessiKa Lombar déploie totalement ses ailes d’auteure. Nous n’avons pas l’impression d’être à proprement parler dans l’intrigue d’un roman érotique tant la plume fait voler en éclat les limites de ce genre. La psychologie des personnages est fouillée, creusée, décortiquée, avec une justesse de ton criante. Jamais manichéiste, elle parvient à être au cœur des pensées de chaque personnage, sans porter de jugement. Elle les accepte tels qu’ils sont, aussi doux que durs, aussi beaux que laids, aussi forts que faibles.

En ce sens, Into vinceres nous paraît être un livre d’amour. Mais attention, sans que cela soit cul cul la praline. Non, nous voyons bien que l’auteure aime ses personnages et que ceux-ci aiment à leur tour. Chacun sa vie, chacun ses rêves, ses espoirs, ses doutes, ses fêlures, mais tous vont dans la direction les menant à leur vérité. Même l’acte odieux d’un des personnages ne trouvera, à nos yeux, pas de raison à être totalement blâmé. Nous nous immergeons véritablement dans la psyché de ces êtres plein de fragilité, à l’image d’une réalité que les diktats nous refuse d’exprimer : oui les hommes peuvent pleurer, oui les femmes peuvent aimer le sexe sans pour autant être des « salopes ». Oui, la vie n’est pas un long fleuve tranquille mais plutôt une succession de virages qu’il convient de gérer au mieux de nos moyens.

Into Vinceres détruit les a priori du roman érotique et s’inscrit véritablement dans une littérature « classique », même si le sexe y a une place prédominante. Mais c’est aussi le cas dans la vraie vie, non ? Ce troisième roman de JessiKa Lombar possède une ampleur digne des grands romans, avec une plume aérienne, soignée, mettant en avant les tourments de l’âme de façon juste et crédible. Alors nous vous conseillons de faire voler en éclat vos préjugés quant à ce style souvent caché des rayonnages des libraires et de vous faire votre propre avis. Vous verrez, il rejoindra le notre.

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Relire la chronique de Rose noir.

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Relire la chronique de Les lèvres rouges

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