[ INTERVIEW ] ISABELLE TEMPLER nous parle de Meurtrissures

Découvrez l’interview d’Isabelle Templer, notre autrice du mois de septembre.

Suite de l’interview consacrée à Isabelle Templer. Nous allons un peu plus en profondeur avec cette interview qui revient sur le roman Meurtrissures de notre autrice du mois. Enfin, nous disons roman, nous devrions plus exactement dire autofiction. Isabelle Templer nous raconte tout ça dans cette deuxième partie de cette interview (en trois parties).

L’interview.

L : Ecris-tu tout d’une traite et te corriges-tu à la toute fin de tes écrits ou bien te corriges-tu au fur et à mesure, après chaque session d’écriture ?

Isabelle Templer : J’essaie d’écrire au moins un chapitre par jour. Le lendemain, je relis le dernier chapitre, y apporte corrections ou enrichissements ou modifications avant d’ouvrir le suivant.

L : Te relis-tu à voix haute parfois pour voir comment cela sonne ?

Isabelle Templer : Toujours. C’est ce que j’appelle la mise en bouche.
Plus haut, je parlais de trouver sa langue, j’aurais pu dire trouver sa voix (si ce n’est sa voie). J’ai fait du théâtre dans ma jeunesse et je sais l’importance du phrasé, de la tonalité, de la respiration, du rythme… pour s’approprier un texte.
Relire à haute voix est l’épreuve du miroir.

L : Tu as sorti un roman qui s’appelle Meurtrissures. Comment t’es venue l’idée de ce roman ? Quel a été le point de départ de ton roman Meurtrissures ?

Isabelle Templer : Un chagrin immense trop longtemps contenu.
Je crois que devant ta question, je me dois d’être parfaitement sincère.
« Meurtrissures » est une autofiction, si je m’en tiens à la définition qu’en fait l’encyclopédie Larousse (L’autofiction tient autant de l’autobiographie que du roman… et en fait la forme moderne de l’écriture de soi.)
Elle m’est venue comme une évidence, au sortir de mon trou noir.

L : Sa forme est atypique. Il pourrait ressembler à un recueil de poésie, mais où chaque poème est relié à celui qui le précède (comme à celui qui le suit) pour former un tout similaire à un roman. Comment as-tu travaillé la chose ? En partant effectivement d’une base poétique ou avec l’idée première d’écrire un roman ?

Isabelle Templer : La chose, comme tu dis, s’est déroulée chapitre par chapitre, au rythme de mes souvenirs.
J’étais comme dans un état second.
La forme était là, naturelle et fluide.
Il n’y avait aucune intention consciente sinon d’expulser quelque chose qui ne m’appartenait plus sans réellement savoir si cela donnerait forme à un récit.
Et à cet instant, je pense à la peinture, (abstraite, en particulier, ma préférée) et je vois l’artiste jeter sa couleur sur la toile comme j’ai jeté les mots d’un dire qui n’attendait que les mots, subtiles couleurs des sentiments et des émotions, pour suivre le fil rouge de l’histoire de ce personnage et le regarder prendre corps.

Quant à la poésie dont tu parles, elle a été spontanée, je ne me suis pas rendu compte sur le moment, il n’y avait aucune intention ou parti pris.
La seule chose dont je me souviens c’est un sentiment d’urgence – l’urgence d’écrire pour ne pas perdre le flot de mes pensées et risquer de m’y noyer.
A postériori, je dirais que la poésie est la langue possible d’une transcendance des émotions les plus violentes vers une paix intérieure.

« Relire à haute voix est l’épreuve du miroir. »

L : L’histoire est très dure, commence de façon extrêmement noire, pour petit à petit laisser place à l’espoir. L’écriture de ce roman a-t-il été pour toi une sorte d’exutoire ?

Isabelle Templer : Sans aucun doute.
Mais cette histoire n’est pas plus dure que d’autres. Je ne dis pas cela pour minimiser certains actes odieux ou douloureux que j’ai traversés mais chacun d’entre nous a vécu dans sa vie des événements qui l’ont bousculé avec plus ou moins de force.
La grande question est toujours comment faire pour traverser nos épreuves, comment panser (ou penser) nos blessures.
La mise en mots est, bien sûr, thérapeutique.
Quand j’écris je m’entends dire.
Je pense que nous nous construisons sur nos failles. Encore faut-il ne pas avoir peur d’y descendre !
Le voyage en valait la peine, j’y ai trouvé une liberté intérieure, une légèreté et surtout la joie.

L : Les meurtrissures laissent des cicatrices, mais l’héroïne de cette histoire, courageuse, les transcende. Question un peu philosophique mais penses-tu qu’en surmontant nos blessures nous parvenons à vivre pleinement notre vie, au contraire de celui qui les ravive sans cesse ?

Isabelle Templer : La vie est ce qu’elle est, ni bonne ni mauvaise.
Le vivant dans son ensemble est en permanence confronté aux aléas les plus divers et nous, petits humains, n’y échappons pas non plus.
Deux options possibles, accepter ce qui est ou le refuser.
Accepter, c’est dire oui à la vie.
Refuser, c’est nourrir nos pensées de ressentiments, rancunes ou rancœurs. La résistance à ce qui est, créé la négativité.
Ma réponse peut paraître quelque peu simpliste mais c’est ce que j’ai découvert dans les moments les plus difficiles que j’ai traversés.
Je pense qu’il ne faut pas confondre la vie et l’ambiance de la vie.

L : Nous passons d’un livre noir à un livre bleu-vert (un peu à l’image de sa couverture). As-tu ressenti ce basculement ? Etait-il prémédité ou bien ta plume t’a-t-elle surprise ?

Isabelle Templer : Pendant le temps de l’écriture, j’étais dedans et il fallait suivre l’impérieux mouvement des souvenirs qui piétinaient à ma porte. Je suis restée enfermée environ un mois. J’ai écrit plus d’un chapitre par jour. J’en rêvais la nuit et me réveillais pour noter fébrilement, un mot, une phrase, une émotion.
Une fois écrit, j’ai posé le manuscrit et suis repartie dans la vie.
J’ai mis un peu de temps avant de le relire.
Je l’ai lu à haute voix, et là, s’est faite la transformation.
ELLE m’a touchée mais ce n’était plus moi.
ELLE n’est plus qu’un personnage que je regarde avec compassion.

« La grande question est toujours comment faire pour traverser nos épreuves, comment panser (ou penser) nos blessures. La mise en mots est, bien sûr, thérapeutique. »

L : Ce livre est aussi une histoire d’amour. De celui qui sauve un être, de l’amour de soi-même aussi qui permet de guérir. Il s’agit là d’une héroïne mais il aurait aussi pu s’agir d’un héros, non ? D’ailleurs, le mot héroïsme est, je trouve, assez juste quand on lit le parcours de cette femme ?

Isabelle Templer : Merci de cette réflexion. Tu as raison.
Il n’est, en effet, question que d’amour : amour raté, manqué, recherché, expérimenté, donné, repris, inconditionnel pour arriver au plein amour, celui qui nous fait nous rencontrer.
Je tâtonne ma vie comme tout un chacun.
Ma représentation de l’héroïne ou du héros me renvoie plutôt à des personnages mythiques, modèles possibles d’actes vertueux.
Je ne m’y retrouve pas forcément mais merci de faire d’ELLE une héroïne.
S’il est une vertu que je lui reconnais c’est le courage, nourri par son insatiable curiosité pour tout ce qui touche à l’humaine condition.
Notre histoire est unique et pourtant si universelle.

L : J’ai la chance d’avoir pu lire des travaux que tu n’as pas encore publié. Où en es-tu de leur correction, de leur avancée ?

Isabelle Templer : Mon recueil de nouvelles « ESQUISSES » traîne depuis longtemps dans mon tiroir. C’étaient des essais, des ébauches timides avant d’oser faire le grand saut pour un quelque chose de plus abouti, un roman peut-être… tandis que j’observais Guy TORRENS, mon ami que tu as cité dans ton introduction, galoper devant moi avec son 1er, 2ème, 3ème roman… j’étais bien sûr jalouse !!!
Mais le temps me manquait.
Ta sollicitation me l’a fait ressortir du tiroir.
Peut-être vais-je le publier si je trouve un éditeur.

Et, je peux aujourd’hui t’annoncer que je viens d’écrire un nouveau roman « Une vie arrêtée », durant cette période de repli et de silence que fut le confinement.
Chargée que je suis de tant de récits de vie chaotique, j’ai repris la plume.
Un roman, un vrai, travestissement de réalités trop souvent rencontrées.
Je l’ai relu au bord de la mer tyrrhénienne et j’ai été surprise de me sentir si proche de l’héroïne car s’en est une, elle.

« Je tâtonne ma vie comme tout un chacun. »

L : La poésie y est encore présente, notamment dans la musicalité du texte, dans son rythme. Tu nous disais avoir été danseuse, j’imagine que tu apportes beaucoup d’importance à tout cela ?

Isabelle Templer : J’ai trouvé au travers du langage poétique l’expression possible de l’image et du son, des couleurs et des notes, du mouvement et du rythme.
En résumé, l’expression de la vie dans sa beauté même la plus cruelle.
Je n’aurais pas forcément fait le parallèle avec la danse mais tu as peut-être raison.
Le corps est le véhicule qui nous permet d’appréhender le monde mais il a ses limites. L’expression artistique sous toutes ses formes permet d’extrapoler, d’imaginer, d’inventer, de déformer en bref, de dépasser les limites purement physiques.
Entre la danse et la poésie peut-être n’y a-t-il qu’un pas… de deux, une pirouette ou un grand écart ? entre ces deux modes d’expressions, il y a l’élégance, la beauté.
En tout cas, j’ai toujours besoin de mettre de la légèreté, de la pétillance, de l’humour dans ma vie.
Dans la vie courante, cela permet souvent de désamorcer des situations délicates, mode d’expression également pour exprimer mon amour à tous ceux que je croise.

L : D’ailleurs, tes écrits sont-ils inspirés dans certaines musiques ? David Le Golvan nous disait dans une de ses interviews qu’une certaine musique donnée pouvait l’accompagner durant la rédaction d’un de ses livres. Qu’en est-il pour toi ?

Isabelle Templer : Si la musique est importante pour mettre en mouvement le corps et l’âme, elle révèle sans aucun doute des émotions à la puissance créatrice.
Mes goûts musicaux sont totalement éclectiques, de la variété dans ma voiture pour chanter à tue-tête à la musique classique en passant par le jazz – éclectisme pour couvrir tout le spectre des émotions à faire vibrer le corps.
Mais quand j’écris, j’ai besoin de silence – silence comme espace pour s’ouvrir à la présence – silence pour accueillir cet autre qu’est le personnage – silence qui isole des bruits du monde.

L : Si tu n’avais pas écrit, vers quelle forme d’art te serais-tu tournée pour t’exprimer ?

Isabelle Templer : La question de l’expression est au cœur de mon histoire. J’ai fait 20 ans de danse classique. J’avais réussi le concours du conservatoire de Paris et ma mère a refusé que j’y entre.
J’ai tenté le théâtre : 2 ans à l’école Charles Dullin – j’ai échoué au concours de la Rue Blanche, fin de l’histoire.
Et je trouve aujourd’hui dans l’écriture, non pas une consolation mais bien une véritable liberté d’expression sans les contraintes infligées au corps (la danse) ni à la mémoire (le théâtre).

L : Si tu ne devais en citer qu’un dans chaque catégorie :

Un seul choix dans chaque catégorie, c’est cruel !

Un livre :

Laurent GAUDE « Danser les ombres »
Toni MORRISSON « Beloved »
Tant pis, j’en ai mis deux.

Un film :

« Le choix de Sophie » avec Meryl Streep d’Alan Pakula

Un groupe ou un album musical :

Leonard COHEN – Bob DYLAN

Un artiste ou œuvre d’art

Miro – Soulages

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Relire le portrait subjectif d’Isabelle Templer

Relire la nouvelle Nostalgies (première et deuxième partie)

Relire la chronique de Meurtrissures

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EXCLU ! Isabelle Templer était en interview sur Radio Activ, dans l’émission B.O.L. Voici le podcast

 

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