ISABELLE TEMPLER, Nostalgies, première partie

Découvrez la première partie de la nouvelle Nostalgies, d’Isabelle Templer.

Afin que vous appréhendiez mieux l’univers littéraire, fortement teinté de poésie, de notre auteure du mois de septembre, Isabelle Templer nous autorise à publier sa nouvelle Nostalgies. Découvrez dès aujourd’hui la première partie de celle-ci regroupant les chapitres Colère, Interrogation, Cri, Délires et Regrets.

« Nous sommes tous des ratés du rêve »
Romain Gary

Nostalgies

COLERE

Tu es mort, tu m’as quittée, tu m’as laissée, tu m’as abandonnée, tu m’as lâchée, tu m’as larguée, tu m’as plantée là,
Tu es parti, tu t’es évanoui, tu as disparu, tu as capitulé, tu t’es retiré, tu as déserté, tu as abdiqué, tu as lâché,
Et je me suis perdue, abîmée dans l’absence de toi.
Mon ombre dévastée se noie dans le sang de larmes amères.
Tu me fais chier,
J’ai envie de crier.
Parce que tu n’es plus là,
J’ai envie d’envoyer des mots cancrelats, des mots vipères
Qui vocifèrent des colères en l’air, ivres de nuits absurdes.
Tu me fais chier,
J’ai envie de frapper.
Parce que tu n’es plus là,
J’ai envie de hurler des menaces voraces, mangeuses de mots,
Morsures qui étouffent le chant dans ma gorge assoiffée.
Tu me fais chier,
J’ai envie de tout briser.
Parce que tu n’es plus là,
J’ai envie d’exploser les murs de pierre, en fine poussière,
Table rase sur un amour trop éphémère.
Je suis là sans toi.
Où que j’erre, hagarde, la douleur et la rage de ta peau écorchent ma peau, écorce sans âge, tombeau ouvert sur le néant.

INTERROGATION

Attrapes-tu le vent et les orages,
Mon amour, pour m’ouvrir des horizons sans toi ?
Ouvres-tu les portes,
Pour me laisser entrer là où tu n’es plus là ?
Ecartes-tu les pierres du chemin,
Pour adoucir ma route qui m’emmène loin de toi ?
Inspires-tu les mots mémoire,
Pour témoigner du chagrin inconsolable de vivre sans toi ?
Eclaires-tu les nuits d’astres rayonnants,
Pour chasser les songes angoissants de mon sommeil solitaire ?
Effaces-tu le temps et ses tourments
Pour oublier l’impression d’un abandon certain et vain ?
Inspires-tu les rêves et les fantasmes
Pour transformer mes nuits et ranimer les feux de la vie ?
Mais dis-moi où es-tu sans moi ?

CRI

Cri muet
Qui pleurer ? quoi hurler ?
Mes ongles arrachent des lambeaux de caresses oubliées
Comme l’étrave du navire arrache l’écume des mers outragées

La guerre de tranchées de mes mémoires palpite en sillons de larmes amères,
Amertume dégoulinant du masque sans bouche,
Grincement des dents sur les mots de pierre,
Pour tromper les silences qui accompagnent l’oubli.

Cri déchirant la nuit
Crachat au goût de cendre à la face d’un monde évanoui
Les oiseaux se noient dans un océan d’étoiles
Les poissons s’envolent à tire d’ailes au vent d’autan
Et je m’emmêle aux fils de mes folies arachnéennes.

Cri muet
Qui insulter ? quoi vociférer ?
Ma langue desséchée recrache la cendre de ses terres calcinées
Hurlement dément des os qui s’effritent
En pluie de désespoir sur la couche abandonnée.

Cri avide
Des mémoires de l’oubli, de la fin sans visage, sans nom, sans raison.
Sur la toile du vide, se dessine, livide, sous la trace des joies perdues,
Le chagrin que je ne saurai guérir.

DELIRES

Je suis emmurée vivante dans ce corps absurde l’abandon de tes caresses l’assèche je crie l’effroi de la mort qui t’emporte avec mes mains en vain j’implore la vie muette dans ma gorge enrouée des mots muets et froids résonnent sur les murs de ma prison l’écho du silence s’écoule en larmes impuissantes à laver les traces nauséabondes de l’oubli naissant je suis morte avant toi noyée dans le présent de l’absence où le temps se contracte et dérègle les pendules ne marquent plus ni le jour ni la nuit seule l’heure fatidique indique la perte imbécile de cet amour brulant les yeux et le cœur arrête les élans du vent et le silence toujours le silence assourdissant le silence broie mes tempes éclatées devançant l’ouragan de mon désespoir qui attend le moment définitif la peur au ventre de la perte de ton regard l’évanouissement de ton sourire dans l’air du temps qui ne reviendra pas de l’air du temps du vent s’envolent sur le flanc de l’amour les mots d’avant le temps livide de la blessure que je n’ai pas su guérir mes mains malhabiles tâtonnent la mort qui vient de là où tu t’en vas la course de mes doigts s’égratigne sur l’écorce d’un paysage déjà évanoui sans bruit la houle de mes vents intérieurs déchire la lande en vagues à l’âme secouée de rires hystériques balayant l’ombre sans passion des traces de nous qui s’effacent comme s’efface la chaleur du corps endormie à côté de moi le froid dessine des paysages d’une ère glacière du fond des âges vieillissant ma peau parcheminée d’ombres où s’incruste le temps défunt comme un suaire de poussière où mes doigts écorchent les mots de l’oubli, du renoncement et de la fin …
Je retourne là où je me suis enfermée à l’abri de mes mémoires brisées.

REGRETS

Je suis suspendue là au bord de toi,
Et tu ne reviens pas.

J’aurais aimé que tu sois mon refuge – abri protecteur de mes peines et mes douleurs passées.
Tu m’as juste épargné quelques averses avant de t’éclipser sans bruit.
Et me voilà pantelante devant les ruines de cet abri d’infortune.

Cette faille qui se creuse, subtilement participe d’un détachement du monde.

Je suis suspendue là au bord de toi,
Et je ne t’entends pas.

Silences trompeurs qui piétinent les ombres et s’insinuent sous ma peau en poèmes vibrants que tu ne liras pas.
Mon cri s’étouffe, suspendu à l’horizon qui s’efface en des nuits tourmentées.

Je suis suspendue là au bord de toi,
Et je ne te vois pas.

J’aurais aimé vieillir avec toi, de nos rides en faire une histoire de chair émouvante,
Et de nos douleurs un récit épique aux enfants que nous n’aurons pas.
Ma voix exténuée s’étouffe aux vents mauvais de mes orages.
Abstraction de l’histoire.

Tout ce que j’ai construit avec patience vient de voler en éclat,
A cause de toi.

Cette nouvelle, Nostalgies, est publiée avec l’aimable autorisation d’Isabelle Templer.
© Isabelle Templer– tous droits réservés, reproduction interdite.

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