ISABELLE TEMPLER, Nostalgie deuxième partie

Découvrez la première partie de la nouvelle Nostalgies, d’Isabelle Templer.

Afin que vous appréhendiez mieux l’univers littéraire, fortement teinté de poésie, de notre auteure du mois de septembre, Isabelle Templer nous autorise à publier sa nouvelle Nostalgies. Découvrez dès aujourd’hui la deuxième partie de celle-ci regroupant les chapitres Ils savaient, Peur de rien et Rêveries. Relire la première partie de Nostalgies.

« Nous sommes tous des ratés du rêve »
Romain Gary

Nostalgies (deuxième partie)

ILS SAVAIENT

Ils étaient comme des oiseaux planant au-dessus de leur planète
A redessiner ses mers et ses continents
A leurs goûts fantasques et délirants.

Ils savaient, complices
Que la vie est une illusion
Juste un artifice
Né du feu de leurs effusions.

Ils savaient de leurs cicatrices
Les volcans éteints
Et de leurs chagrins
Les abysses.

Ils savaient de leurs rires
Le son cristallin
Et de leurs désirs
La puissance d’attendrir.

Ils savaient de la folie
Les couleurs étincelles
Et de ce monde cruel
Le chant du Bengali.

Ils savaient les contours
De la fragilité
Du mensonge
Et de la désillusion.

Ils savaient les reliefs
De l’amitié
Des songes
Et de la Résurrection.

Ils savaient la profondeur de leurs silences
Qui dit la langue de l’absence
La ferveur de leurs regards
Qui dit les mots nectars.

Ils savaient alors, funambules
Sur le bout du chemin
Qu’il y a des crépuscules
Mais jamais le mot « fin ».

PEUR DE RIEN

Je n’ai jamais eu peur de t’aimer.

Je n’avais pas peur
De te froisser
Quand je caressais ta peau.

Je n’avais pas peur
De t’égarer
Quand je vivais mes folies.

Je n’avais pas peur
De t’abimer
Dans mes chemins caillouteux.

Je n’avais pas peur
De t’emmener
Errer dans les brumes de mes matins blêmes.

Je n’avais pas peur
De te balloter
Au vent de mes orages.

Je n’avais pas peur
De t’inquiéter
De mes douleurs aveuglantes.

Je n’avais peur de rien

Parce que j’avais l’amour de toi
Gravé, tatoué au creux de mes reins.

Parce que j’avais goûté
Le parfum salé de ta peau.

Parce que je m’étais noyée
Dans les vagues de tes bras.

Parce que je m’étais lovée
Au creux de tes rondeurs.

Parce que je m’étais glissée
Dans tes rêves les plus fous.

Parce que j’avais appris
De tes récits fantasques une Liberté au goût d’errance.

Je n’avais plus peur de rien
Parce que nous étions deux forteresses, fragiles, sensibles pourtant
Aux vents et aux tourments.
Parce que nous avions construit un rempart invisible
Pour cacher nos secrets les plus intimes.

Aujourd’hui, ton absence
Est une image en creux de notre histoire.
Et j’ai le cœur voilé de noir.

REVERIES

L’amère solitude s’insinue au creux de mes rêves tourmentés. La mémoire de mes nuits sert la conscience de mes jours.

Je retrouve sous mes doigts ce que nous avions tissé avec légèreté et qui s’était déchiré à ton absence.

Ma trace, ta trace, parallèles s’accompagnent dans la chaleur d’un petit morceau d’hiver.

De ces heures que j’emplis à me vider de rien, je retrouve nos chemins à la terre meuble et vivante que tu sculptais à l’aune de nos désirs.

Je sens sourdre le sang, glissant, collant à fleur d’herbe, coquelicot éphémère, supercherie autour de ce que l’on croit et qui n’est pas.

Une main qui glisse dans le creux de ma main complice et j’éclabousse le monde de taches aux couleurs cocaïnes.

Le fragile, le sensible, le liquide qui soutient le fort, le visible, le solide – sans une ride sinon quelques courants dus au vent : surprenant, saisissant et je comprends.

Espièglerie du geste, j’ai envie de secouer le monde pour le plaisir de voir où et comment il se posera une fois que la poussière sera retombée.

Des champignons bombés sous un tapis mouillé sera ma couche où te retrouver.

Quand le pinceau met à nu plutôt que de mettre en forme, les mots m’accrochent à une méditation passionnée où le TU et le JE se fondent en une même couleur, vibration de leur intériorité.

Effet de résonnance, l’eau de vie qui s’écoule dans ma gorge assoiffée rejoint éperdument le vertige de ma solitude habitée.

Mélange des sens, des essences en danses éperdues, la Lumière saignait dans les flaques d’eau, j’ai étouffé ses cris sous la confiance et l’abandon.

Les rides de la fatigue qui marquent ton visage aux souvenirs flagrants le rendent plus vivant. De tes yeux brûlants, j’entends le vacarme déchirant de nos émotions emmêlées.

Que reste-t-il de toi, de nous, de ce corps réduit en poussière ?
Rien que de la cendre qui s’écoule entre mes doigts, juste un rien impalpable.

Un grain de sable dans les rouages, les dents grincent de rage et la vie s’en va avec fracas.

Perdues les caresses, la peau et la tendresse. Perdus les paysages insensés d’une histoire inachevée et les petits cailloux que nous avions semés.

A t’attendre sur l’autre rive c’est confier ma peur et ma détresse au vent du soir – rêve de chimères.

L’espace, le temps – abscisse, ordonnée, de quoi ? – de rien, d’un vide sidéral. Je me glisse dans un interstice pour t’y retrouver. Inversion des mythes.

Effeuiller la marguerite, pétales éparpillés, fanés, mémoire d’un passé mutilé.
Vestale solitaire, je n’éteindrai pas la lumière qu’on avait allumée pour éclairer nos rêves.

Le temps s’était arrêté et voilà qu’une accélération m’emporte alors que je voudrais me poser là – là, sur le temps en suspend de tes derniers instants, le temps arrêté sur d’inconnus moments.

Perdue la boussole, les points cardinaux s’emmêlent et je ne suis plus que la voyageuse clandestine de ma propre vie.

Un espoir perdu, dix de retrouvés… j’entends le rire de l’océan, du vent qui arrache les lambeaux de mes peurs – mise à nu en éventail de légèreté sur les vagues de l’audace retrouvée.

Cette nouvelle, Nostalgies, est publiée avec l’aimable autorisation d’Isabelle Templer.
© Isabelle Templer– tous droits réservés, reproduction interdite.

isabelle templer nostalgies deuxième partie

SONY DSC

Relire le portrait subjectif d’Isabelle Templer

Relire la première partie de nostalgies

Nous retrouver sur FB, instagram, twitter

soutenir litzic

 

Ajoutez un commentaire