JÉRÉMIE FERREIRA-MARTINS, rencontres avec Elven et l’Ankou

jérémie ferreira-martins elven et l'ankouSuite des questions à Jérémie Ferreira-Martins.

Nous vous dévoilons la deuxième partie de l’interview consacrée à notre auteur du mois. cette fois-ci, elle est articulée autour de son roman Elven. Nous y découvrons un peu plus le thème centrale du roman, mais nous en apprenons aussi un peu plus de la personnalité de l’auteur. Et nous parlons aussi de l’Ankou, et de la mort forcément, puisqu’il est un des personnages principaux de ce roman. Découvrez vite cette deuxième partie de l’interview sans tarder !

L’interview.

Litzic : Pour en revenir à Elven, comment as-tu fait la connaissance de l’Ankou ?

Jérémie Ferreira-Martins : Dans mon enfance, j’étais passionné de mythologies. J’ai de la famille à Brest et j’y allais souvent. Ma rencontre avec lui s’est donc faite au détour d’un livre, mais jamais en vrai !

L : Pourquoi avoir choisi un instituteur comme personnage principal ?

Jérémie Ferreira-Martins : L’intrigue repose sur des conflits, notamment entre le christianisme et les croyances païennes. C’est l’époque où la République se structure en France : Marianne doit remplacer Jésus dans le cœur des citoyens. L’école était un vecteur fort de cette transformation, c’est pourquoi la figure de l’instituteur était le profil idéal pour se débattre au milieu de ces courants.

L : Le maire est un personnage ambigu, notamment son rapport entre appartenance à la culture Bretonne et fonctions dictées par l’état français. Tu rends ce contraste très intéressant est crédible. Avais-tu eu « rumeur » de cette sorte de dualité ?

Jérémie Ferreira-Martins : La Bretagne possède une identité très forte, et son isolement du reste de la France l’a souvent conduite à jouer un rôle frondeur. Le maire incarne cette attitude : c’est un petit seigneur local qui est né trois siècles trop tard. Il étend son emprise sur sa région et voit la République comme une rivale. Il est un héritier des Chouans de 1792 et l’ancêtre des Bonnets Rouges !

L : L’Ankou nous rappelle le « Cavalier sans tête » de Sleepy Hollow de Tim Burton. Ce film était-il une inspiration première ou bien s’est-il imposé une fois ton histoire entamée ?

Jérémie Ferreira-Martins : Oui, ce film a été l’inspiration première. Il possède une ambiance gothique extraordinaire. J’ai écrit cette histoire dans l’intention de la faire ressentir au lecteur. Dans la nouvelle de Washington Irving que le film adapte, le héros, Ichabod Crane, est instituteur, alors qu’il est policier chez Tim Burton. Cela renvoie à ta deuxième question.

Ce fameux Cavalier est à l’origine le Dullahan, un fantôme du folklore irlandais. On revient aux mythes celtiques : la boucle est bouclée.

Ma rencontre avec [l’Ankou] s’est donc faite au détour d’un livre, mais jamais en vrai !

L : Quel rapport entretiens-tu avec la Bretagne ?

Jérémie Ferreira-Martins : J’ai toujours de la famille dans le Finistère, et j’y vais régulièrement, comme cet été. Cette région a une âme et me fascine : ses maisons, ses littoraux, sa cuisine… Elle est le berceau d’un des plus grands mythes existants et possède une aura mystique. Ce livre est un hommage à tout cela.

L : Ton livre a plu à la commune d’Elven. Est-ce pour toi une petite forme de satisfaction ?

Jérémie Ferreira-Martins : C’est un adoubement ! Je remercie d’ailleurs le conseil municipal de la commune pour sa gentillesse. J’ai enfin pu m’y rendre pour la première fois le mois dernier. L’écriture du livre s’est faite à l’aide d’un PLU actuel, un plan de 1880 et Google Streetview. L’accueil chaleureux du livre par les Elvinois m’a touché car il montrait que je n’avais pas fait n’importe quoi.

L : Une fois encore, ton roman possède un cadre très bien défini qui te permet toutes les facéties surnaturelles possibles et imaginables. Contrairement à Trajectoires croisées, le cadre historique (à l’orée du XXe siècle) n’est qu’un décor, pas une fin en soi. Comment t’es tu immergé dans la mentalité plus que plausible des habitants du village ? Comment as-tu réussi à « créer » l’image même de ce village ?

Jérémie Ferreira-Martins : Au-delà des caractères proprement bretons, c’est un roman sur une communauté rurale. On y trouve la méfiance à l’égard des étrangers, les potins car tout le monde se connaît, la solidarité paysanne… Certains personnages se détachent du lot, mais la majorité des habitants ont une vie banale de l’époque. Ce roman se déroule en 1875, une période de changements profonds : l’Ankou est l’allégorie de cette perte de repères. C’est en insistant sur la trame du quotidien, des détails insignifiants, qu’on lui donne du poids.

Au-delà des caractères proprement bretons, c’est un roman sur une communauté rurale.

L : La Bretagne était très croyante en ces temps. Pourquoi avoir fait le choix d’un instituteur protestant (et pas laïque ou athée par exemple, ou même chrétien) ?

Jérémie Ferreira-Martins : En fait, Bruno est athée. Il rencontre de simples croyants, des pratiquants fervents et des fanatiques. Mais lui croit en la République, ce qui le place en marge de la communauté. Plus largement, ce qui est passionnant quand on créé une intrigue, c’est d’installer soigneusement des repères pour les faire voler en éclats ensuite. La religion est un marqueur fort de l’identité d’un personnage, surtout dans ce contexte.

L : Comme j’aime bien les questions un peu piège, voici celle du jour ; as-tu peur de la mort ?

Jérémie Ferreira-Martins : Pas vraiment de la mienne, mais je suis terrifié par celle de mes proches. « Partir avant les miens » est une magnifique chanson de Daniel Balavoine qui résume cette idée. L’Ankou n’est pas que celui qui emporte les vivants, il peut aussi annoncer la mort imminente d’une personne qu’on aime.

L : Une nouvelle fois, sans en dévoiler trop sur ton livre, les âmes errantes trouvent d’autres corps. L’idée de « vie après la mort », comme elle pouvait être imaginée par les Celtes, est-elle une possibilité selon toi ?

Jérémie Ferreira-Martins : Je ne crois pas à la résurrection, mais à la transmission entre les générations. Notre âme n’est pas celle de nos ancêtres mais on les y retrouve par des caractères, des principes, des bibelots insignifiants. On a tous besoin de savoir que nos proches décédés ne nous ont pas été entièrement arrachés, qu’il persiste quelque chose d’eux. Chez moi, les meubles ont été fabriqués par mon père, aujourd’hui disparu. Quand leur bois craque, je me plais à penser qu’il n’est pas loin.

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Chronique Rédemption , chronique d’Elven et chronique de Trajectoires croisées

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