JEANNE MALYSA clap de fin interview

jeanne malysa clap de fin interview

crédit photo : Caroline Hache

Fin de l’interview de notre autrice du mois.

Il est temps d’en terminer avec l’interview de notre autrice du mois qui s’est prêtée à l’exercice avec enthousiasme. On y reparle de son recueil de nouvelles Dans tous les sens et de ses autres écrits (passés ou à venir). Merci à elle pour ses réponses et son dynamisme surtout ! Clap de fin interview, c’est parti !

L’interview

Litzic : Vous avez écrit « Dans tous les sens » publié en 2020. Ce livre, qu’est-il en réalité ? Un recueil de nouvelles ou bien un roman travesti en recueil de nouvelles ?

Jeanne Malysa : Je penche plutôt pour le recueil avec un fil conducteur que sont les deux personnages Gaspard et Marianne. Après tout, ce sont eux qui ont été le point de départ de mon parcours en écriture à cent pour cent érotique (dans mes romans, les scènes sensuelles sont épisodiques, elles ne sont pas le propos principal). J’ai eu envie de les impliquer d’une autre façon que dans les nouvelles les concernant (Femme qui veut et Mise en scène) parce que je les aime vraiment. Au point qu’ils mériteraient un roman d’ailleurs… Idée à creuser.

L : Cette idée originale de combiner les deux donne un résultat unique puisque nous découvrons la psychologie de l’auteur des nouvelles de façon fragmentaire, la vôtre se cachant dans la sienne. Comment avez-vous travaillé ce « contraste » ?

Jeanne Malysa : Je vais citer Groucho Marx : « L’homme est une femme comme les autres ».
Plus sérieusement, le personnage de Gaspard était déjà bien campé dans ma tête grâce aux deux nouvelles citées plus haut. Il est à jamais associé à Marianne, sa muse, sa confidente, sa faiblesse et sa force. Cette femme, c’est un peu moi aussi, je n’ai eu qu’à me mettre à sa place et traduire les réactions que mon côté masculin imaginait sans aucune difficulté.

Parce que, pour paraphraser je ne sais plus qui (sûrement une illustre lettrée ou un célèbre artiste) : « Chaque femme possède une part masculine en elle » ou quelque chose du genre. En fait, pour faire référence au mythe de l’androgyne, cher à Platon, plus particulièrement la troisième espèce humaine composée d’un homme et d’une femme et qui aurait disparu, je me demande si elle ne serait pas en nous tous, en fin de compte… Je m’égare peut-être, non ?

« Je travaille différemment selon si c’est un roman ou un texte court. »

L : D’ailleurs comment travaillez-vous tout court ? Avez-vous une hygiène particulière ? Relisez-vous vos textes à haute voix pour vous assurer que tout colle ? Écrivez-vous d’un bloc avant de passer aux corrections ou au contraire corrigez-vous au fur et à mesure de l’écriture ? Vous remerciez vos beta lecteurs/lectrices en fin de livre. Quelle importance ont-ils pour vous ?

Jeanne Malysa : Je travaille différemment selon si c’est un roman ou un texte court. Pour les nouvelles, j’improvise du début à la fin et comme j’écris d’un seul tenant, l’ensemble reste cohérent. Parfois, il m’est déjà arrivé de devoir changer le début pour servir au mieux la conclusion.

Une fois l’écriture proprement dite terminée, que ce soit roman ou nouvelle, je procède toujours de la même manière : j’entame la phase relectureS, réécritureS avec un s majuscule (si je m’écoutais, je serais encore en train de corriger les nouvelles du recueil) ; ensuite la phase corrections avec les logiciels, puis je lis à l’envers (depuis la fin en remontant jusqu’au début), je ne veux pas lire à voix haute parce que cet exercice m’amuse trop (j’ai l’impression d’être une comédienne) et je risque de passer à côté de beaucoup d’erreurs.

Et enfin, je laisse dormir dans un tiroir. Je laisse reposer la pâte plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Et quand je le reprends, je crie au secours tellement mon texte est à revoir.
C’est là qu’intervient le travail de mes bêta-lectrices/lecteurs. Je leur demande de relever les incohérences, les répétitions, les incompréhensions, les lourdeurs de phrase. Autant dire que c’est un boulot de dingue (je le sais puisque je suis aussi bêta-lectrice et même alpha-lectrice).
C’est la moindre des choses de les remercier. Ils m’apportent un sentiment de sécurité très confortable, d’abord parce qu’ils m’évitent de faire des bourdes et leur avis, quels qu’ils soient, me rassurent quant à la bonne direction que prennent mes écrits.

« [Mes bêta lecteurs/lectrices] m’apportent un sentiment de sécurité très confortable… »

L : Est-ce que, dans un livre prochain, nous pourrions retrouver certains protagonistes présents dans Dans tous les sens ? Nous retrouvons dans ce livre des personnages présents dans des livres de vous plus anciens. J’ai l’impression que vous les aimez beaucoup vos personnages ?

Jeanne Malysa : Oui, je les aime. Et les secondaires aussi, ils sont tous importants car ils servent mes histoires et me le rendent bien. Ils ont un énorme potentiel et je compte bien l’exploiter au maximum mais pas ad nauseam ! J’adore écrire des textes dans lesquels se croisent des personnages qui n’ont a priori rien à faire ensemble. Je n’ai pas encore eu le temps de le faire avec mes romans, uniquement avec mes nouvelles. Je crée exprès des situations pour qu’ils interfèrent entre eux parce que j’aime les revoir et les utiliser. Et puis j’adore cette idée qu’ils ne restent pas dans le noir après le mot fin.

L : La variété des situations est au rendez-vous. L’imagination, en écriture comme en sexe, est une qualité qu’on ne peut démentir. Mais, question peut-être un peu tirée par les cheveux, les idées les avez-vous toutes eues avant d’écrire ce livre ou bien certaines sont-elles apparues lors de la rédaction de certains textes ? (je pense aux quatre dernières nouvelles notamment).

Jeanne Malysa : Elles me sont venues au moment où j’ai couché sur le papier (enfin, l’écran) le premier mot de chaque texte. Comme je le mentionne plus haut, mes nouvelles sont de l’improvisation pure. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais écrire. Je devais seulement être en accord avec le titre.

Pour Balle, par exemple, je cherchais en quoi cet objet pouvait être l’instrument d’un texte érotique, et puis j’ai pensé aux enfants de la balle, et tout a coulé de source : une femme très âgée à la fin de sa vie, ancienne dompteuse de fauves, se remémorant son seul amour perdu trop tôt.

Pour les quatre dernières (afin de faire le compte d’un mois de trente jours), je ne me voyais pas du tout recommencer quatre nouvelles histoires différentes, après en avoir rédigé 26 (pour chaque lettre de l’alphabet) et j’ai décidé de garder les mêmes personnages avec une continuité, une histoire courte de 4 épisodes. Pour deux raisons : la première est que j’étais totalement à sec d’idées, la seconde est que cela me donnait l’impression d’une ébauche de roman. Je suis un peu en manque depuis quelque temps…

« Un jour égal une lettre de l’alphabet égal un texte. »

L : Avez-vous écrit ce livre à la manière de l’Inktober ?

Jeanne Malysa : Oui, je m’étais donné ce défi. Un jour égal une lettre de l’alphabet égal un texte. J’ai donc mis trente jours à écrire ce recueil (un peu plus de 500 000 signes espaces compris ; voilà que je me vante, coucou ego chéri !). J’avais dressé la liste des mots sans réfléchir – sauf pour la lettre X – pour corser la difficulté, allant de Amour, à Zèbre en passant par Inconnu, Mouvement, Savon ou Xyloglossie (je vous laisse découvrir ce que ce mot veut dire). Je me suis tenue à cette liste sans en changer un iota, là encore pour respecter la règle de l’Inktober, sinon où serait le plaisir de jouer ?

L : Je quitte votre livre à présent pour entrer dans la dernière phase de l’interview. Si vous ne deviez en citer qu’un dans chaque catégorie :

Jeanne Malysa : un livre : Un seul ? … mission impossible, mais puisque c’est bientôt Noël, un livre au titre de circonstance : « N’oublie pas mes petits souliers » de Joseph Connolly. C’est la suite de « Vacances anglaises » (Michel Blanc a adapté ce roman dans son film « Embrassez qui vous voudrez ». Jubilatoire. L’humour anglais que j’affectionne particulièrement. Une galerie de personnages. J’adore.
PS : j’ai pris au hasard dans ma bibliothèque, c’est ma seule manière de répondre à ce « un seul »

un disque : Le sacre du printemps de Igor Stravinsky, dirigé par Pierre Boulez. Un chef-d’œuvre !

un film : Je peux en donner trois ? Allez, on va dire que vous m’avez autorisée à le faire.
Le premier : Breakfast at Tiffany’s (Diamants sur canapé, titre français). La première fois que j’ai vu ce film, je devais avoir entre 12/13 ans et je rêvais de posséder une machine me permettant de le voir encore et encore et encore. Devinez quelle cassette j’ai achetée quand les magnétoscopes (oui, ça remonte à loin) sont entrés dans les foyers…

Le second : Freaks. Il y a de très rares films que je ne peux pas revoir tant ils m’ont marquée à vie. Freaks est en haut de cette liste. Il date de 1932. 1932 ! C’est un des films majeurs du genre. Enfin pour moi.

Le troisième : Planète Interdite (1956). Il peut paraître kitchissime mais pas tant que ça au regard des effets spéciaux de l’époque. L’histoire est fantastique, philosophique même et puis Robby le Robot, quoi !

« une machine à ralentir le temps »

une œuvre d’art ou un artiste : Klimt. Tout de lui. Je rêve d’aller à Vienne pour voir ses œuvres. J’ai eu la chance d’avoir été invitée à une exposition de ses dessins érotiques. J’en rougis encore.
Et un autre : Jérôme Bosch. Ce peintre du XVe siècle est un extraterrestre, j’en suis convaincue. Si un jour, j’avais la chance d’aller au Prado, je resterais des heures devant son triptyque « Le Jardin des délices ». Captivant. Hallucinant. Subjuguant.

L : Ce livre date de 2020 et vous êtes très prise par vos deux collections. Néanmoins, êtes-vous en cours de réflexion ou d’écriture d’un ouvrage futur ? Mettre en valeur les textes d’autrui, en recevoir beaucoup en lecture également, ne nuit-il pas à votre capacité d’imagination ? Peut-être qu’au contraire cela la renforce ? Mais n’est-ce pas trop frustrant ?

Jeanne Malysa : J’en ai plusieurs en cours de réflexion/élaboration/recherches et un dont j’aimerais bien terminer les corrections pour pouvoir le sortir au premier trimestre 2022. Il s’agit de la 3e saison de Thuata (je l’ai mentionné dans un précédent entretien. La raconteuse d’histoire que je suis a décidé que le mois de décembre serait pour elle et je compte bien lui donner raison ! Cela étant, nous sommes déjà à la moitié du mois et j’avance à une allure d’escargot qui ronge son frein…Voyez l’image ?

À propos, pour répondre à la question de l’imagination, j’ai la chance d’en avoir pas mal donc elle n’est pas près de s’amenuiser. J’ai des idées par milliers, ça fourmille dans tous les sens, certaines s’échappent, d’autres se font rattraper, mais elles sont là, bien au chaud, pas loin de bouillir d’ailleurs…

L : Que peut-on vous souhaiter de beau dans les jours, semaines, mois à venir ?

Jeanne Malysa : La même chose que vous, nous et eux. Avec un petit truc en plus pour moi et rien que pour moi : une machine à ralentir le temps. Si quelqu’un a ça en magasin, qu’il me fasse signe, ça m’arrangerait drôlement !

L : Je vous remercie d’avoir répondu à toutes ces questions.

Jeanne Malysa : C’est moi qui vous remercie. J’applaudis votre travail et tout ce temps investi pour animer Litzic. Et je profite de cet entretien pour vous souhaiter de très belles fêtes de fin d’année. Qu’elles vous soient joyeuses malgré cette… « bip »… de virus !

Plus d’infos

Acquérir Dans tous les sens (lire la chronique du livre)

En découvrir davantage sur Jeanne Malysa, sur ses romans/recueils de nouvelles en vous rendant sur le site des éditions Ex Aequo

Relire l’interview de Jeanne Malysa, directrice de collection et relire la première partie de son interview autrice ainsi que sa deuxième partie.

Relire la nouvelle « Blanche ».

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