JEANNE MALYSA, plus en profondeur
Suite de l’interview consacrée à notre autrice du mois.
Nous plongeons plus en profondeur dans l’univers de Jeanne Malysa, dans sa façon d’écrire, dans ses publications passées (et encore d’actualité pour certaines), dans sa vision de la littérature érotique (et son esprit rebelle ne peut que nous apparaître familier et sain). Mais plutôt que de longs bavardages, voici la suite de l’interview (absolument passionnante)!
Litzic : Puisque vous en parlez très brièvement et entre parenthèse, quels sont justement vos goûts musicaux, les derniers coups de coeur que vous avez ressentis ?
Jeanne Malysa : Les derniers ? Attendez, je consulte ma playlist…
La musique du film Dune, du fameux Hans Zimmer ; Pas trop pas Tropes de Esmerine ; Oasis de Polo et Pan ; Sensitive Kind de JJ Cale ; Tangerine de Christophe et Alan Vega ; Anesthetize de Porcupine Tree ; Compagnons de Feu Chatterton ; Mad World de Tears for fears ; beaucoup de titres de Dead can Dance ; Fire de Beth Dido… ce ne sont pas forcément des morceaux récents, mais les premiers dans ma playlist.
Les cris d’orfraie
L : Pour reparler de vos goûts littéraires variés, si je résume bien, par rapport à ces auteur. e. s variées mais aussi par rapport aussi à vos premiers écrits, vous êtes quelqu’un qui ne se limite en rien ? Je veux dire qu’avant toute chose, c’est la sensation que vous vous faites plaisir sans honte qui vous définirait ?
Jeanne Malysa : Oui, absolument. J’assume mes goûts et je me fiche bien de ce que l’on peut en penser. La vie est trop courte pour s’embêter avec ça. Dès lors que cette assomption ne blesse personne (j’ai la notion du respect chevillée au corps, mais gare à ceux qui ne me rendent pas la pareille), je me sens libre d’écrire et de lire des œuvres desquelles la « bien-pensance » pousserait des cris d’orfraie. Et à la limite, ce sont même celles-ci qui m’attirent le plus. J’ai toujours eu un côté « ne me dites pas ce que je dois penser » très jeune, quand j’ai appris que les adultes mentaient sur pas mal de choses…
L : Le genre « érotique », comme les autres genres « marqués », est très codé. Pourtant, j’ai pu voir, avec les ouvrages de Jessika Lombar par exemple, que rien n’est figé. Est-ce comme cela que vous l’envisagez vous aussi, comme un espace de possibles ? Et d’ailleurs, votre travail de directrice de collection va aussi dans ce sens ?
Jeanne Malysa : Je considère la littérature érotique comme un espace de permission, une bulle de respiration au sein d’un monde où tout est fait pour formater le corps et l’esprit. C’est un bras d’honneur à la morale des censeurs, c’est un pied de nez aux pères la vertu. C’est un genre où on peut se permettre d’exprimer ce qu’est la jouissance, le plaisir charnel, le désir, et ce, grâce à des mots crus, salaces, poétiques, musicaux, joueurs, voire un mélange de tout cela. Alors, oui le champ des possibles est large, parce que l’érotisme est partout, tout du moins pour moi, dès lors que le consentement est respecté, cela va de soi.
Se dévorer du regard est de l’érotisme ; se toucher les mains est de l’érotisme ; observer un couple s’embrasser est de l’érotisme ; allumer l’autre, c’est de l’érotisme. Des situations somme toute banales, mais magnifiées par cet état d’esprit. C’est ce que j’ai essayé d’écrire dans mon recueil Dans tous les sens justement. Trente nouvelles, trente histoires différentes mettant en scène des personnes de tous les jours qui vivent un moment de grâce orgasmique.
En tant que directrice de collection, c’est peut-être parce que je n’aime pas les carcans comme peuvent l’être les codes littéraires que je fais tout pour qu’Alcôve soit une collection originale accueillant des sujets très variés (même si j’ai donné des limites à ce que j’acceptais). Par exemple : le polyamour, l’addiction au sexe, les amours homosexuelles, la soumission masculine, la domination féminine, le libertinage au temps du Siècle des lumières, les escort-boys, la recherche de soi…
Il suffit d’aller sur le site au chapitre de ladite collection pour s’en rendre compte. Je rêve d’y ajouter l’humour mais pour l’instant, je n’ai pas encore reçu de manuscrits dignes de ce nom, hélas. Et pourquoi pas de la science-fiction, genre Barbarella. J’adorerais !
« Et pourquoi pas de la science-fiction, genre Barbarella. J’adorerais ! »
L : Je sais que votre travail de directrice de collection entrave un peu votre travail d’écriture. Mais justement, comme dans le sexe, n’est-ce pas de la frustration que résultent les plus belles choses (et donc, la question : êtes-vous actuellement sur un projet d’écriture) ?
Jeanne Malysa : Ce n’est pas vraiment de la frustration, plutôt des poussées d’envie. J’aime mon travail de directrice qui me comble, mais, parfois, je souhaiterais avoir du temps pour reprendre mes textes. La saison 3 de ma saga Thuata est terminée depuis un moment, mais la phase « corrections » s’étire en longueur parce que j’ai horreur de ne pas finir ce que je commence ; ce sont des tomes assez importants et je dois caler au moins une dizaine de jours rien que pour cela.
Et évidemment, ces dix jours, je n’arrive jamais à les avoir. J’ai aussi le désir de remanier un roman (déjà édité, mais j’ai repris mes droits depuis quelques années). Il s’agit d’une histoire de polyamour entre hommes : des jumeaux et un couple déjà uni avec comme décor Paris, ma ville de naissance. J’ai plein d’autres projets… dans mes tiroirs.
L : Pouvez-vous nous faire un petit état des lieux des livres que vous avez déjà publiés : de quoi parlent-ils ? Quels en sont les points de départ ?
Jeanne Malysa : En toute logique, je commence par les premiers.
. Une saga en 3 saisons de 2 tomes chacune (la dernière est écrite mais en cours de corrections). Thuata. C’est le nom d’un domaine en Écosse que j’ai inventé de toutes pièces et qui appartient à la famille Mc Kelloch’ depuis Robert 1er (XIIIe/XIVe siècle). La saga est contemporaine.
J’y mélange allègrement l’Histoire, l’aventure, la romance, l’ésotérisme, le fantastique, le paranormal, l’érotisme, le suspense, la passion. Chacune des saisons implique un pays et un couple. La 1re est consacrée à l’aîné de trois frères écossais et une Française dont l’origine de la famille remonte à François 1er, tous deux à la recherche d’une poussière d’étoile aux vertus étranges ; la 2e concerne le benjamin, inventeur d’un réseau social particulier et une native de Louisiane, bataillant contre un ennemi de l’ombre qui a le projet de créer le chaos sur notre bonne vieille planète ; la 3e est sur le cadet et une Allemande, la légende de Siegfried, Mozart, la Franc-maçonnerie et l’Ahnenerbe (côté ésotérique).
Pour répondre à la question de la genèse de cette saga, j’ai voulu écrire une histoire entre un Écossais (j’adore l’Écosse, ses légendes, et les kilts. Messieurs, portez des kilts !) et une Française, en me servant de la Auld Alliance. Mon imagination a fait le reste. Il ne devait s’agir que d’un seul roman, mais mon lectorat a exigé la suite des aventures des deux autres frères… alors, je m’y suis volontiers pliée.
Je précise que j’ai repris mes droits pour les deux saisons éditées. Je réfléchis actuellement à les réarticuler différemment en vue d’une nouvelle parution car ce sont vraiment des gros pavés.
Saga, roman, suspense-romance, recueil de nouvelles
. Un roman MM (MM = male/male ; MF = male/femal). Le point de départ a été l’envie de m’essayer à ce genre qui est de plus en plus lu. Paris-Londres ou Londres-Paris, c’est comme vous voulez. On dit que c’est un feel-good qui fait du bien. Il est paru chez Mix éditions (c’était avant de connaître les éditions Ex Aequo). Je me suis beaucoup amusée à l’écrire. Je vous livre la 4e de couverture afin de vous en faire une idée :
« Quand Arthur, génial inventeur français, doit coopérer avec Charles, talentueux publiciste anglais, tout devrait se passer correctement. Entre hommes civilisés, c’est souvent le cas.
Oui, mais pas dans cette histoire où se jettent pêle-mêle :
1 – un des jeux les plus anciens du monde,
2 – une patronne façon « Prada »,
3 – un boss genre « obéis, tu n’as pas le choix »,
4 – deux vikings et des lutins,
5 – deux capitales et une île.
Sans oublier les amis compatissants et les drag-queens. Et les mésanges. Ah, et aussi un fauteuil. Très important, le fauteuil… »
. Un suspense-romance : le Cuir et la Plume, édité chez Juno Publishing (même remarque). Là encore, j’implique l’Histoire de France, celle de la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale, et la contemporaine, puisque le roman se situe en pleine préparation des élections présidentielles. Il s’agit d’un suspense/policier/romance. Le point de départ de l’idée de ce livre est que je voulais travailler sur des caractères totalement opposés, sous un fond d’enquête policière.
Je vous livre la 4e de couverture :
« Lucie Fontaine est journaliste free-lance à Paris. Elle est très proche des militants pour les droits des femmes.
Pierre Cartier est capitaine à la Crim’ à Paris. Il est également l’un des associés d’un club BDSM et reconnu comme un Dominant hors pair.
L’un se voit confier une enquête sur des crimes odieux, l’autre sur une période sombre de notre histoire. A priori, aucun rapport entre ces deux affaires.
A priori, aucune chance que ces deux-là se rencontrent…
A priori. »
. Un recueil de 30 nouvelles érotiques, Dans tous les sens, paru aux éditions Ex Aequo et qui a marqué le début de ma collaboration avec Laurence Schwalm, créatrice et gérante de cette maison. Je me suis amusée durant le Nanowrimo à rédiger un texte par jour (j’étais rincée à la fin, je peux vous le dire). J’ai impliqué les héros de deux de mes histoires (Femme qui veut et Mise en scène, aussi chez Ex Aequo), en utilisant un thème symbolisé par un mot par jour, dans l’ordre alphabétique. Donc 30 sujets différents.
Recherche, rédaction et aller au bout des choses.
L : Comment travaillez-vous l’écriture ? Avez-vous besoin d’une hygiène particulière, de vous octroyer des espaces uniquement dédiés à cela ? Est-ce que la lecture (qui prend beaucoup de temps) entrave vos velléités à écrire vous-même ? Ou vous donne au contraire envie de vous y replonger corps et âme ?
Jeanne Malysa : Comment je travaille… Je ne commence jamais l’écriture d’un roman sans avoir au préalable développé mes idées par des recherches approfondies sur les sujets de mon histoire. Cette phase peut durer 4 à 6 mois, et j’adore cette période : j’apprends, je glane, j’enquête, je m’enrichis. Une fois satisfaite de ma documentation, je peaufine mes personnages, le décor, le schéma narratif, j’élabore un plan et résume chaque chapitre. Je n’ai ensuite plus qu’à écrire et les mots coulent de source. Parfois, elle s’emballe sur un point que je n’ai pas prévu et je dévie légèrement de mes rails, mais en règle générale, je m’y tiens. En revanche, pour mes nouvelles, c’est de l’improvisation pure.
J’ai la chance de pouvoir écrire n’importe où, y compris dans le bruit (tout comme ma lecture d’ailleurs). Je suis tellement concentrée dans ma tâche et mon histoire qu’il m’est facile de me soustraire, sans même m’en rendre compte, de tout ce qui m’environne. À tel point parfois, qu’il me faut quelques minutes pour reprendre pied quand la réalité s’impose à moi.
Cela étant, je suis plus productive la nuit, quand tout le monde dort et que je ne suis plus sollicitée par qui que ce soit et quoi que ce soit comme les réseaux sociaux par exemple (des vrais bouffeurs de temps, ces machins !)
Et pour répondre à la seconde partie de votre dernier point, j’ai toujours envie d’écrire, quel que soit le temps que me prend la lecture des manuscrits. J’essaye de m’organiser pour m’octroyer celui qui me manque pour ce faire, mais à peine ai-je terminé une analyse d’un texte que deux autres arrivent dans ma boîte mail. Je ne parviens pas à descendre la jauge « texte à voir ». Loin de moi de m’en plaindre, cela prouve au contraire que ma collection commence à faire parler d’elle et c’est très gratifiant.
Je pourrais à la limite consacrer un jour par semaine pour moi, mais comme je l’ai écrit plus haut, je suis incapable d’entamer un travail si je ne peux pas le finir dans la foulée. Or, une journée par semaine ne me suffirait pas.
En fait, il faudrait que je place 48 heures dans un espace-temps de 24. Si quelqu’un a une solution à ce problème insoluble, je suis preneuse…
Plus d’infos
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Relire l’interview de Jeanne Malysa, directrice de collection et relire la première partie de son interview autrice.
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