[INTERVIEW] NATHALIE STRASEELE, Des projets…
Dernière partie de notre interview avec Nathalie Straseele, notre autrice du mois de novembre.
Alors que son mois arrive à son terme, Nathalie Straseele se livre une dernière fois par le jeu des questions/réponses. Et surtout, elle nous met en haleine en nous dévoilant qu’elle travaille sur des projets qui ont pu, bonne chose due au confinement, pour l’un se terminer, pour l’autre se développer (merci la vacuité des agendas…). Elle en dit plus au cours de cette troisième partie d’interview.
Les questions.
Litzic : Comment imagines-tu la vie sans écriture (et par voie de conséquence, sans lecture) ?
Nathalie Straseele : Sans livres ? Et est-ce qu’il y aurait encore les phrases et les mots, les chansons et les discussions ?
Une petite fille, toute jeune, à peine l’âge de réfléchir me demande : « Qui est-ce qui a inventé les mots ? » ah ah !…
J’imagine difficilement la vie sans livres. Tu me fais penser à Georges Orwell, ‘1984’… au secours. Déjà le livre en format papier me paraît indispensable. Car ce peut être un objet qui traîne et qui reste, indépendant de toute autre forme ou source technologique, que l’on peut trouver n’importe où, dont on peut se saisir et que l’on peut ouvrir à n’importe quelle page.
La vie sans écriture ? J’ai passé une partie de ma vie sans écrire, sauf pour des besoins professionnels dans le monde de l’entreprise ou celui de la formation.
Donc sans parler de la vie. Maintenant que j’ai ouvert la vanne, ce serait dommage d’arrêter, cela m’occupe bien, et m’apporte beaucoup. Les phrases se feraient quand même dans la tête je suppose. Alors il faudrait pouvoir les poser. Je me débrouillerais quand même pour en faire quelque chose. Je crois. Même en l’absence de papier, de clavier, de stylo et tutti quanti. J’ai une bonne mémoire, de la suite dans les idées, et du bon sens.
L : Quel genre de lectrice es-tu d’ailleurs ? Compulsive ? Qui ne lâche pas le livre avant qu’il soit fini ou au contraire prends-tu tout ton temps pour bien saisir chaque idée développée ?
Nathalie Straseele : Certains sont avalés, et pour certains autres, on prend le temps. Il m’arrive de laisser tomber aussi, si l’écriture ne m’accroche pas. J’avais du mal à faire cela il y a quelques années, qui ne me gêne plus maintenant. J’ai toujours un livre ou deux ‘en route’.
L : Que lis-tu en ce moment ?
Nathalie Straseele : Je viens de terminer ‘Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon’ de Jean-Paul Dubois. J’ai beaucoup apprécié, j’aime son écriture.
Ma pile actuelle est constituée de ‘Grâce et dénuement’ que je n’ai pas lu encore, de Alice Ferney, et de ‘Voyage en misarchie, essai pour tout reconstruire’ de Emmanuel Dockès, prêté par une amie, et dont je trouve le propos intéressant. Je pense que je vais démarrer par celui-là, je ne connais pas cet auteur.
J’ai aussi sur la table, que je lis à petites doses, ‘Dialogue avec l’ange’, document, recueilli par Gitta Mallasz. C’est passionnant, très étonnant.
L : Est-ce que tes lectures parasitent ton écriture ? Je veux dire par là que certains auteurs n’arrivent pas à écrire quand ils sont dans des phases de boulimie de lecture, que cela déteint sur eux.
Nathalie Straseele : Alors oui, la question se pose. Lorsque j’écris, je lis peu, ou pas du tout. Je l’ai remarqué. C’est comme une protection. La musique des autres peut m’emporter et m’imprégner. Lorsque mon projet est suffisamment établi, alors il n’y a pas de problème.
Simplement il y a aussi des périodes où je préfère le cinéma, ou rien du tout, et où je lis vraiment peu. Je laisse l’esprit voguer.
« Et il y a ce projet que je ré-aborde, … un projet un peu béton donc, dont le synopsis est là depuis 2016… »
L : Ton dernier coup de cœur/coup de poing littéraire ?
Nathalie Straseele :
Romans. Nina Bouraoui, ‘Otages’.
Delphine de Vigan, ‘Les gratitudes’.
Et juste avant : ‘Soif’ de Amélie Nothomb.
Récemment j’ai bien aimé aussi ‘Il pleuvait des oiseaux’, de Jocelyne Saucier, qui se passe dans les forêts canadiennes, univers bienvenu en plein confinement. Une grande respiration.
J’ai envie de citer, que j’ai lus il y a quelques années : ‘Chaos calme’ de Sandro Veronesi, et ‘Corps et âme’, de Frank Conroy.
L : Te relis-tu à voix haute pour effectuer tes corrections ?
Nathalie Straseele : Cela m’arrive, ce n’est pas systématique. C’est intéressant. Récemment, et c’est pour un projet qui devrait voir le jour l’an prochain si tout va bien, j’ai eu l’occasion d’entendre deux personnes lire le texte que j’avais écrit. Et c’est encore mieux quand ce n’est pas moi qui lit. Si c’est bien lu 😉
Cela me permet de savoir si la mélodie des phrases fonctionne bien.
Pour les corrections, je laisse décanter, puis je relis, je relis, je relis, à différents stades de la construction.
L : Sur quel projet travailles-tu actuellement ? Y en a-t-il un (ou plusieurs) que tu as en tête mais que tu ne te sens pas prête à affronter, par peur « du monstre » supposé qu’il est potentiellement ?
Nathalie Straseele : Je viens de terminer un texte, celui que j’ai évoqué à la précédente question. Il est né sur l’initiative conjuguée d’une amie comédienne et moi-même. Il y est question d’un fait de société, sur un mode décalé. J’y ai travaillé toute cette année depuis janvier.
C’est un texte assez court, destiné à être joué. Tu seras informé de l’avancement.
Et il y a ce projet que je ré-aborde, … un projet un peu béton donc, dont le synopsis est là depuis 2016… l’autre jour cette phrase m’est venue en pensée à son propos : aborder le colosse…
L : T’es-tu un jour sentie « incapable » de te lancer dans un projet qui te semblait trop ambitieux ?
Nathalie Straseele : Ce projet, oui, mon colosse ;-)… ce doit être le cas. L’idée est restée toujours la même depuis le début. Mais en quatre ans elle a fait boule de neige. Malgré l’absence de cet élément ces dernières années ! Je voudrais réussir à bâtir quelque chose qui traduise comment l’imaginaire et la réalité s’interpénètrent. En tout cas comment cela se produit dans ma vie. Et qui parle aussi d’histoire, d’empreinte et de subjectivité. Il y a donc différents niveaux à assembler, fil, trame et texture. J’espère y arriver autant que je le souhaite. J’ai déjà réfléchi à plusieurs approches, sans en être convaincue. Cette fois, j’ai le sentiment d’avancer.
C’est un projet ambitieux pour moi.
Il me tient à cœur tout particulièrement aussi.
J’évalue le boulot restant à faire à encore une bonne année. Le plus dur est fait, car les personnages et les instances sont identifiés et stabilisés désormais, l’histoire l’est également à 70 %, et j’ai déjà plein de pages écrites.
Je pense en faire un roman graphique, pour la souplesse de la narration.
« Du fait de la grande disponibilité côté agenda, oui, peut être que le confinement sera un bienfait… »
L : Crois-tu que les deux confinements de cette année auront un impact sur ta plume ? Peut-être le ressens-tu déjà dans tes écris actuels ?
Nathalie Straseele : Non, je ne crois pas. Sur le fond, non.
Je crois sincèrement que je m’étais déjà rendue compte que je suis mortelle, que les êtres humains sont reliés dans leurs destinées, et que notre civilisation n’est pas top top…
Le message qui anime mon travail, sa teneur, ne s’en trouve pas changé.
Je sais aussi que nous sommes engagés dans une période de fin de cycles.
Une image d’entonnoir me vient. En tous cas c’est un passage pour l’humanité.
D’ailleurs je suis très heureuse de ce focus proposé par Litzic pour ce mois-ci justement, qui me permet de sentir de l’utilité à mon travail, et de faire le point, à point nommé.
Du fait de la grande disponibilité côté agenda, oui, peut être que le confinement sera un bienfait, car ce colosse dont nous venons de parler, je n’aurais peut être pas eu la force de m’y atteler si le quotidien était empli d’activités. Ce repli obligatoire m’aide en ce sens : pas grand-chose d’autre à faire… Je suis déjà à jour de mon ménage de printemps et du rangement de mes placards, je suis quasi à jour de la mise à jour de mon site internet. Et je termine quelques toiles démarrées et laissées en jachère. C’est en cours tranquillement. Et je suis à jour de la mise au point de ce texte sympathique destiné au théâtre, dont je viens de parler, et qui a pris naissance avant le confinement. Il m’a fallu vérifier au début de l’ été que le propos n’avait pas besoin d’être modifié, et bizarrement je n’ai eu besoin de rajouter qu’un tout petit bout de phrase.
En fait je me sens de plus en plus à jour, mais je ne sais pas encore pour quoi 😉
Mais j’ai du mal à travailler en ce moment, il n’est pas simple d’être dans une émotion juste. Les paradoxes sont à leur paroxysme, les peurs se font face à face, les oppositions s’aiguisent.et je ressens au fond de moi et dans l’air de l’inquiétude.
Bien sûr autre chose est là, du côté d’une prise de conscience de l’humain et du respect du vivant, et c’est infiniment heureux. Espérons qu’elle prenne vraiment de la place. J’essaie d’accompagner au mieux de ce que je peux cette énergie là. Dans mon travail, mes engagements, dans la ferveur que j’y mets autant que je le peux, et dans ma vie de tous les jours.
« En 2 mots : Good vibrations. »
L : Que puis-je te souhaiter de bon et de beau pour les jours, semaines, mois à venir ?
Nathalie Straseele : Merci de la question.
Et merci d’ores et déjà de l’intérêt montré.
En 2 mots : Good vibrations.
Joie, amour et bonne humeur.
Surtout de voir le monde aller vers un mieux.
J’aurais bien quelques vœux quant à ma vie privée.
Toutefois, sur l’aspect lié au quotidien et à la vie professionnelle, je peux en dire un peu plus, et tenter ma petite liste, c’est la période.
Alors :
à court terme, la possibilité d’exposer à nouveau …
possiblement la vente de quelques toiles, pour les finances ce serait bien
accessoirement, la possibilité de faire du yoga autrement que seule sur mon tapis…
Et,
De réussir à faire naître ce colosse, et d’être contente du résultat.
De pouvoir continuer à travailler sur des projets, avec d’autres. J’adore cela.
MERCI LITZIC
pour la littérature, et la musique.
L : Merci à toi pour tes réponses.
Relire le portrait de Nathalie Straseele
Lire les textes de Nathalie Straseele
Redécouvrir la chronique de son roman Je t’avais dit : ne viens pas avant midi, au paradis
Relire la première partie de l’interview et la deuxième
Nous parlions aussi des toiles de Nathalie Straseele.
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Nathalie Straseele
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Merci à Litzic de ce temps ensemble, et des découvertes musicales et littéraires pour moi aussi
Merci à Patrick Beguinel pour son attention
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Patrick Beguinel
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Avec plaisir Nathalie 🙂 A très bientôt. Patrick
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