[ INTERVIEW ] CHRISTOPHE SAINZELLE, simplement
Nous avons posé quelques questions à notre auteur du mois Christophe Sainzelle, afin que vous puissiez faire un peu connaissance avec lui. Voici donc la première partie de son interview
Litzic : Salut Christophe. Première question : comment vas-tu ?
Christophe Sainzelle : Comme un type qui estime que l’être humain atteint son apogée à l’âge de douze ans. Depuis, je me débrouille avec des hauts et des bas.
L : Peux-tu te présenter afin que les lecteurs de litzic te connaissent un peu mieux ?
Christophe Sainzelle : J’ai en gros un demi-siècle au compteur. J’ai peu étudié. Je ne suis pas du sérail. Dans le monde de l’édition, je me sens comme un baudet du Poitou entouré de chevaux de course sur un hippodrome. Je me traîne en queue de peloton, mais j’aime bien cette position d’extrême outsider. J’oeuvre insouciant de la célébrité. Je ne l’envie pas, en tout cas. Je la redoute même.
L : Quels sont tes premiers souvenirs de lecture ? Quelle trace ont-ils laissée dans ta construction d’auteur et de personne ?
Christophe Sainzelle : Mon tout premier souvenir date du CP. L’histoire d’une goutte d’eau, Perlette, qui quitte son nuage pour aller visiter la Terre. Elle le regrette amèrement au fil des épreuves qu’elle doit subir, et encore plus quand elle termine son voyage dans la mer. Elle implore alors le soleil de l’aider. Magnanime, celui-ci s’exécute et ses rayons la ramènent sur son nuage. J’ai eu un choc, une révélation. Dès mon premier livre, on m’expliquait tout. C’était une métaphore de ma propre vie. Tout m’est revenu : le Paradis où je me prélassais, l’erreur que j’avais faite, impétueux et trop sûr de moi, de vouloir m’incarner en humain, les épreuves que j’allais subir. Une fois chez moi, le soir, j’ai eu les foies devant ce qui m’attendait, j’ai imploré qu’on vienne me récupérer. Autant te dire que ça n’a pas marché du tout. Et tout ce que j’avais prévu s’est avéré exact. La vie humaine, c’est quand même une suite d’emmerdements, dans l’ensemble. Je suppose que mes livres traitent de ça. Des anti-héros empêtrés dans des relations humaines et des évènements du quotidien qui les dépassent.
« Je me traîne en queue de peloton, mais j’aime bien cette position d’extrême outsider »
L : Quand as-tu pris la plume la première fois pour écrire une histoire ? Quel en a été le déclencheur ?
Christophe Sainzelle : Au CE1 ou au CE2, je ne sais plus. Une petite pièce de théâtre pour le spectacle de fin d’année. La maîtresse a demandé qu’on cherche ce qu’on pourrait jouer. Cette institutrice aimait nous mettre du scotch sur la bouche en serrant très fort ou bien nous obligeait à rester une heure sous son bureau à contempler ses bottes de cuir et ses genoux. Je me suis dit que ça serait bien de raconter la vie agitée sous son bureau, les pensées que ses bas m’inspiraient, les efforts que devaient faire mes mains pour rester tranquilles. J’ai ressenti soudain un grand désir de fanfaronner à peu de frais. En quelques heures, j’ai écrit une oeuvre vibrionnante et imagée qui bouleversait les conventions du genre, mais qui m’a valu trois heures de couloir, les mains sur la tête. Elle a préféré monter Blanche-Neige et les sept nains, ce pensum. J’ai tout de même reçu un encouragement à persévérer à travers les yeux pleins d’admiration d’une camarade de classe à qui j’avais fait lire mes alexandrins. La littérature, ce n’est pas pour les craintifs.
L : Nous nous « connaissons » depuis ton premier roman La double vie de Pete Townshend. Penses-tu que l’on puisse connaître un auteur à travers ses écrits ?
Christophe Sainzelle : Je l’espère. En tout cas, c’est ce qui m’intéresse chez un auteur. Ceux que j’aime le plus sont ceux qui se servent de leur vie comme matière. Je pense à Philip K Dick, Bukowski, Fante, Augusten Burroughs, David Sedaris, etc. Alors oui, tu peux me connaître grâce à mes écrits, même s’il y a aussi une part d’imagination et d’exagération.
« Avec le recul, il n’y a pas grand-chose de sympa à être le fils d’une célébrité. »
L : Le personnage principal de ce roman imagine être le fruit de l’union du célèbre musicien avec sa mère. Aurais-tu, toi-même, aimé être le fils d’une rock star ? Si oui, laquelle ?
Christophe Sainzelle : Sur le coup, oh la oui ! Avec le recul, il n’y a pas grand-chose de sympa à être le fils d’une célébrité. C’est trop écrasant. Il est finalement plus simple de se construire à partir de rien.
L : Ce postulat est relativement drôle, mais également touchant puisqu’il survient à cette époque charnière que l’on nomme l’adolescence. Comment s’est passée la tienne (d’un point de vue littéraire) ?
Christophe Sainzelle : À peu près comme dans la double vie de Pete Townshend, mais en plus grisâtre, moins drôle-amer. Comme je te le disais, je considère qu’on atteint notre sommet à environ douze ans, treize pour les plus tardifs, alors pour moi, l’adolescence, c’était déjà être vieux. J’avais l’impression d’être dans une maison de retraite avec peu de perspectives. Je n’étais pas adapté à ce nouvel âge. J’étais un crack jusque-là, des tas de copains autour de moi, de l’enthousiasme, et d’un seul coup, il y avait les filles à conquérir, la réussite à l’école, tout ça. J’étais has-been. Heureusement, il y avait les livres (surtout de la science-fiction et de la Série Noire) et la musique. Avec ça, on pouvait s »évader dans des mondes parallèles.
« Je vivais dans les années 80, mais musicalement j’évoluais entre 1965 et 1970. »
L : Qu’écoutais-tu comme musique à ce moment de ton existence ? Elle, la musique, occupe une part non négligeable dans tes romans (dans Le non partant, le personnage principal est un descendant de Claude Debussy), en quoi t’est-elle importante ? Que réveille-t-elle chez toi que la littérature ne fait pas ?
Christophe Sainzelle : Je vivais dans les années 80, mais musicalement j’évoluais entre 1965 et 1970. Je ne m’aventurais pas au-delà, à part quelques exceptions. J’écoutais la musique pop anglaise et américaine de l’époque, Beatles, Who, Syd Barrett, Jeffeson Airplane, Doors, etc. Elle est vitale, même si j’aime le silence aussi. Elle me donne de l’énergie, l’envie de m’y mettre, de croire que je peux arriver à bricoler quelque chose. La littérature agit plus comme un dépaysement, un élément de comparaison avec ma propre vie, un étalon. Les deux me sont toutefois essentiels.
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