[ DEUXIEME PARTIE ] Interview Barbara Marshall
Interview Barbara Marshall deuxième partie
Dans cette deuxième partie de l’interview de Barbara Marshall, nous évoquons sa manière de procéder dans l’écriture, de ce que va pouvoir entraîner ce confinement sur celle-ci. Et en creux vous pouvez découvrir un peu de la plume de cette auteure dont la sensibilité ne vous échappera certainement pas. Retrouvez la première partie de l’interview ICI
Suite de l’interview de Barbara Marshall.
L : Comment procèdes-tu quand tu écris ? Développes-tu un plan ou te lances-tu tête baissée dans l’action ?
Barbara Marshall : Je me lance tête baissée dans l’inaction. Blague à part, pour écrire, je dois être tranquille, c’est le premier point, et ce n’est pas aussi simple que cela en a l’air. En l’occurrence, le climat anxiogène des dernières semaines ne favorise pas le lâcher prise chez moi.
Après, un mini synopsis ou une bribe d’histoire voit le jour. Parfois, la première idée est la chute d’une nouvelle par exemple. En général, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les contraintes favorisent la germination puis la structuration d’une narration.
L : As-tu en tête une histoire qui reste ancrée en toi mais dont tu n’as pour le moment pas encore réussi à coucher sur le papier ?
Barbara Marshall : Oui, c’est le cas depuis maintenant un an. Une idée de roman que je veux situer dans la France contemporaine… Je ne t’en dirai pas plus.
L : Tu disais écrire sur l’art contemporain. Dois-je en déduire que tu le pratiques aussi ? Si oui, dans quelle discipline ? Si tu n’avais pas écrit, vers quelle forme d’art te serais tu tournée pour t’exprimer ?
Barbara Marshall : Je dessine depuis que je suis petite. Il m’arrive de temps en temps de faire des croquis ou de peindre mais cette activité reste très marginale. Je pratique l’art de vivre plus assidument ! La sculpture et la musique sont des formes artistiques qui me fascinent depuis toujours.
L : Peux-tu nous parler de ton dernier coup de cœur pour un artiste ou pour une œuvre qui t’a fortement touchée ?
Barbara Marshall : Mon dernier coup de cœur, avant confinement, s’est produit avec l’exposition sur Hans Hartung au Musée d’Art Moderne. Non seulement la scénographie était limpide mais l’expérimentation de Hartung au service du trait brouillait les frontières entre peinture, calligraphie et tag, avec un sens profondément moderne.
Qu’il se traduise en matières, en surfaces, en points, en traits ou en mots, l’Art est avant tout un regard sur le monde.
L : Si tu ne devais en citer qu’un : un livre ? un disque ? un film ? un artiste ou une œuvre d’art ?
Barbara Marshall : Un seul, très dur comme choix. Alors un seul film, sans aucun doute Matrix parce que cette trilogie n’a pas pris une ride. Mais ce serait plutôt à lire qu’à voir, et donc je choisirais La maison dans laquelle de Mariam Petrosyan pour sa foule de personnages aussi ambivalents qu’attachants et pour son univers en forme de labyrinthe onirique.
L : Tu disais avoir une idée en tête depuis un an, pour un roman. Comment fais-tu pour ne pas imploser avec cette idée en tête ? Disperses-tu sur papier, ou sur ton ordinateur, des bribes de cette histoire pour ne pas l’oublier ou bien gardes tu tout dans ta mémoire interne ?
Barbara Marshall : J’aime bien comparer ce processus à celui de la germination, avec certaines limites. Je ne maîtrise pas les éléments qui concourent à l’éclosion de l’idée, alors que pour une plante, on sait qu’il faut du terreau mais pas toujours, de l’eau, et de la lumière naturelle ou pas. Le point commun principal à mon sens est l’invisibilité. Sous terre ou dans l’inconscient, il y a un cheminement qui a sa propre temporalité. Ceci dit, je devrais m’intéresser davantage à sa croissance !
L : As-tu recours à des lecteurs extérieurs pour savoir si la tonalité de ce que tu écris est juste ou bien travailles-tu en solo, éventuellement à voix haute pour déceler ce qui cloche ?
Barbara Marshall : Je relis souvent, et je laisse de nombreux textes en hibernation ou en jachère. C’est le cas de mes deux romans parce que la relecture nécessite du recul et donc, de l’oubli. Lorsque c’est possible, j’ai recours à des lecteurs extérieurs aussi.
L : Tu disais ne pas subir de panne d’inspiration. Comment gères-tu la page blanche avant d’entamer l’écriture ? Comme une amie ou comme un défi ? Écris-tu beaucoup de brouillons ou le premier jet est-il souvent le bon (toute proportion gardée)?
Barbara Marshall : La difficulté pour moi réside plutôt dans l’avant, ou comment atteindre cette bulle préservée de la vie quotidienne. La page blanche est une invitation, un champ de neige qui attend des pas, des traces. Le véritable travail commence ensuite pour ne pas trahir l’intention de départ.
L : Comment procèdes-tu lors de la réécriture ?
Barbara Marshall : Écriture et réécriture sont étroitement mêlées dans ma façon de faire. Je relis au fur et à mesure du processus de création. Je relis aussi les différents passages de transition. C’est plutôt de la cuisine interne qu’une technique certifiée !
Par exemple, mon premier recueil de nouvelles, La couleur interdite (chez La petite édition, Collection des lauréats), qui revisite les péchés capitaux, a trouvé sa forme définitive quand j’ai imaginé un épilogue lors de la relecture.
L : Tu parlais de garder une période de créativité pour t’exprimer. Combien de temps t’accordes-tu, en temps ordinaire, par semaine, pour écrire ?
Barbara Marshall : J’essaie, et la tentative s’avère parfois vaine, de réserver les heures matinales à l’écriture. Ce n’est pas une question de temps mais de disponibilité d’esprit.
L : Les temps que nous vivons en ce moment sont relativement étranges. T’inspirent-ils des idées d’histoire(s)?
Barbara Marshall : Oui, plein ! Des tranches de vie multiples, empilées dans des immeubles, avec des huis clos inédits. Au début, j’avais l’impression de vivre un scénario de science-fiction des années cinquante, et je devais presque me pincer au réveil pour y croire. Je me disais qu’il n’y avait plus de place pour la fiction puisque nous la vivions. Puis, j’ai commencé à imaginer l’après pandémie, et cela a débloqué la créativité. Notre monde va être bouleversé d’une manière incroyable ! Si je devais retenir certains axes, ce serait ceux de la géopolitique avec l’émergence de l’Asie comme pôle de puissance planétaire, le développement d’un idéal écologique et sanitaire, et l’avènement de l’ère numérique. Le meilleur et le pire s’y côtoient dans le champ des possibles, et cette balance est fascinante.
Cependant, ce virus est gluant dans la création aussi ! Quand j’écris en « stylo libre », le corona arrive à s’immiscer à peu près partout. Seule, la poésie reste préservée, et je trouve qu’elle m’aide à traverser cette période. Peut-être parce qu’elle s’affranchit du temps.
L : Puis-je te demander sur quoi tu travailles en ce moment (si tu arrives à écrire j’entends, si ton esprit n’est pas parasité par cette crise sanitaire) ?
Barbara Marshall : Je travaille sur une nouvelle en lien avec la pandémie justement, qui sert d’ « habillage ». Comme souvent, la situation et les personnages m’importent plus que le contexte.
En parallèle, je continue l’aventure CULTURAMA, « la nouvelle destination des découvreurs défendant le meilleur de l’Art, de l’Architecture et du Design », avec le concept « Homemade » sur YouTube et la préparation de la newsletter mensuelle.
De plus, je viens de finir un sonnet, intitulé « Étincelle ». La trame du roman à venir est également sur ma table de travail !
L : Penses-tu que cet événement aura une influence sur ton écriture ?
Barbara Marshall : Inévitablement. Lorsque fiction et réel se rejoignent, le récit devient urgent d’une certaine manière. Il témoigne de notre humanité.
Quelques liens utiles :
Blog de Barbara Marshall
Son Site d’auteure
et son FB
Retrouvez le portrait de notre auteure du mois ICI
Retrouvez la nouvelle Blessure de sable ICI
première partie de l’interview de Barbara Marshall ICI