[ ROMAN ] DAVID LE GOLVAN, La rondette
La rondette, roman de David Le Golvan ( Éditions La ptite hélène)
Dans La rondette, David Le Golvan nous plonge dans les pensées et actes d’un homme à la recherche de son amour, contrarié, de jeunesse. Peu à peu, cette recherche vire à l’obsession, nous plongeant dans un malaise jusqu’à la délivrance ne survenant qu’une fois la dernière page tournée.
Un homme coincé dans son passé.
Alors qu’il constate sur son corps que le temps passe, un homme dans la quarantaine entreprend de retrouver celle qu’il a profondément aimée lorsqu’il était adolescent/jeune adulte. Il part donc à sa recherche via les réseaux sociaux, mais ne parvenant pas à la retrouver, malgré un protocole de recherche très strict, il enclenche un mécanisme virant à l’obsession malsaine. Petit à petit, l’engrenage l’entraîne vers un comportement maniaque et manipulateur. Bref, nous nous retrouvons bien vite en présence d’un pervers retors.
Si cette entame paraît saine (qui n’a jamais essayé de retrouver la trace d’une personne perdue de vue, surtout par le truchement des réseaux sociaux), elle devient vite anxiogène et plonge le lecteur dans un sentiment de profond malaise. Celui-ci est nourri par une plume diaboliquement précise, qui tourne et retourne le couteau dans la plaie, dans cette frustration qui conduit le narrateur aux portes de la folie.
Comme une foreuse.
La plume agit comme une foreuse qui percerait toutes les strates menant à cet état de fébrilité malsaine. Chaque couche est franchie par une succession d’aller-retour entre le passé de cet homme, certainement romancé, et son présent, par le biais de la rédaction d’un journal intime ou quelque chose d’approchant. Avec force détails, nous sentons l’homme dérailler, atteindre le point de non-retour et pour finir confiné avec lui.
La plume de David Le Golvan déploie dans La rondette toute l’étendue de son pouvoir. Et il est diabolique puisqu’il nous met dans un état de stress incroyable. Le trouble ressenti est viscéral, électrisant, car nous avons la sensation de sombrer en même temps que le narrateur, un monsieur tout le monde qui perdrait inexorablement pied avec la réalité. Qui plus est sans qu’il en ait conscience. Et c’est là que l’écriture de David Le Golvan est puissante, dans cet état de détachement conscient du narrateur, tandis que celle de l’auteur, lui, est parfaitement conscient de ce qu’il décrit.
Nervosité.
C’est au fur et à mesure des pages que nous tournons que nous sentons naître dans notre ventre une grosseur qui ne tarde pas à passer du stade de la bille à celle de la boule de bowling. L’analogie avec celle-ci n’est pas anodine car, une fois lancée, elle fait tomber une à une les quilles de la raison. S’il n’est pas dur de s’identifier au narrateur en début de livre, nous nous en détachons progressivement pour le voir avec énormément de recul à la fin du roman.
Il s’agirait presque d’un travelling arrière, partant du postulat de départ et qui nous conduirait à la toute fin de cette vie rongée par l’obsession d’un souvenir. Car c’est bien là le souci. Cet homme reste figé dans son passé (du moins le croit-on), n’avance ou n’ayant jamais avancé dans sa propre vie. Si comme lui il nous est arrivé de nous demander ce qu’était devenue cette fille qui nous plaisait au lycée et avec qui nous entretenions des bonnes relations (identification), nous ne sommes jamais allé jusqu’à essayer de la revoir (distanciation).
Nous en venons à détester ce personnage. Contrairement aux autres roman de David Le Golvan, dont certains personnages sont pourtant détestables (nous pensons à Tony de Un commerce équitable), nous ressentions toujours pour eux une forme de sympathie. Ici, aucune. Et pourtant, voyeurs, nous dévorons le bouquin. Voyeurs et pervers ? Sans doute un peu. Mais nous en prenons pour notre grade. Et c’est en cela que ce livre est jubilatoire, car il propose de ressentir de vives émotions. Et ça, en revanche, on adore !
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