CARTOGRAPHIE MESSYL, Dessiner les contours

cartographie messyl dessiner les contoursDeuxième partie de l’interview de notre autrice du mois.

Nous entrons dans le vif du sujet. Dessiner les contours d’une personnalité, ou de son écriture, commence par les bases, puis affiner, creuser le sujet. Dans cette partie d’interview, Cartographie Messyl (ou Cécile Bellan comme vous avez pu le découvrir dans la partie 1 de celle-ci, nous raconte ses références et sa plume.

L’interview

Litzic : Quels sont les livres qui t’ont marqué enfant, puis adolescente, et enfin adulte ?

Cartographie Messyl : (Ahlala)

Lectrice précoce j’ai dévoré Les malheurs de Sophie, la bande des — puis rapidement Prévert m’a happée : son sens inégalable du décalage et de l’honnêteté ; puis, vint Rimbaud (j’avais une belle édition qui plus est, le papier était somptueux – l’objet livre associé au contenu a éveillé mon gout des mots).

Vers mes 12 ans, la révélation a été totale avec Au bonheur des dames de Zola : la vie de Denise m’a remuée. J’étais en empathie totale. Juste après Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli. Tout comme le précédent, ce fut un coup de poing magistral : la mixité sociale et culturelle, l’amour porté si loin. Je découvrais la puissance des mots. D’ailleurs j’ai encore les livres, tout comme Le Misanthrope de Molière sur lequel je peux encore lire toutes mes remarques et réflexions. J’avais appris la plupart de ses répliques, le personnage me parlait. Finalement, cette œuvre a mis en exergue mon propre décalage et a nourri mon questionnement incessant sur les apparences, les notions et valeurs relatives au vrai. Pourquoi feindre ?

Pourquoi feindre ?

Je ne peux oublier Les Cerbères de Marion Courtis découvert au plateau d’abord grâce à la mise en scène de son compagnon Serge Noyelle. La création d’un couple qui m’a d’ailleurs bien portée. Du trash, du vif, du cash. Une langue âpre, rude, juste.

La vingtaine a été marquée par Les mandarins de Simone de Beauvoir. J’ai plongé dans cette épopée, emportée par le récit politique et romanesque, une parole questionnant la liberté, la place de la femme. En tous les cas à l’époque, cela m’avait emballé !

Plus tard, La femme rompue de Beauvoir encore et 10 heures et demie un soir en été de Duras qui exposent des femmes lapidées, ravagées en pleine crise existentielle dont on perçoit cependant la force de l’absolu. Une certaine critique des pressions sociétales aussi —

Plus récemment des auteurs pacifiés – certain-e-s les pensent lénifiants – pourtant leur écriture est un baume, elle m’a notamment aidée à passer le cap du deuil. Je nommerai Une petite robe de fête, Présence pure et Noireclaire précédé du carnet du soleil de Bobin et De l’âme de François Cheng par exemple.

… évoquer les figures incontournables

L : As-tu des auteurs/autrices fétiches, des gens qui t’ont vraiment inspiré et donné envie de te mettre toi-même à l’écriture ?

Cartographie Messyl : Je ne suis pas fétichiste et ce dans aucun domaine ! Etonnamment ce sont les auteur-e-s au sens large pas forcément des poétesses ou poètes qui ont été les plus stimulants.
Je pourrai cependant louer les œuvres et le parcours de M. Tsvetaïeva et R. Char.

Puis évoquer les figures incontournables d’Artaud et de Cocteau (Les parents terribles, Œdipe roi — bijoux !). Leur sens de la non concession, du tragique habité donc vivant. La puissance d’une folie ordinaire finalement. La tourmente existentielle à son apogée. Des éclairs de lucidité désarmants. J’ai adoré.

Sinon, j’aime découvrir des univers, ils se diversifient en fonction de ce que je traverse.

Pas d’inspiration directe donc mais plutôt un plaisir évident de lire chez les autres des possibles clés d’une compréhension du monde, des formes investies de langue personnelle : des voix et leur grain.

L : Pour en revenir à ton écriture, comment la définirais-tu ?

Cartographie Messyl : C’est une expiration. Une longue expiration.

Cela peut sembler paradoxal car dans les faits mon écriture peut être rythmée, saccadée, syncopée mais il s’agit dans l’acte global d’expirer.

Je suis nageuse et j’aime me fondre dans l’eau c’est dire n’entendre que cette épaisseur de sons très très particulière. Une nappe déformée et lointaine de bruits, de paroles. Oui de toute évidence, je retourne à la source et l’expiration est un moment magique. Allonger ce temps. C’est un acte libre et solitaire. Je souhaite cette écriture libre aussi.

Voilà mon écriture ce serait une série de bulles et un bras qui fend l’eau – caresse ou claquement

C’est une expiration. Une longue expiration

L : Pour ma part, elle a un caractère farouche, écorché, dégage un sentiment à la fois d’urgence et de protection (d’elle-même ou de toi-même). Elle est également sensible, nerveuse, contemplative parfois aussi, introspective mais tout en brouillant les pistes, en restant parfois abstraite ou évasive mais en dégageant en même temps un sentiment direct qui provoque des images chez le lecteur. Elle est aussi intime tout en s’ouvrant sur l’extérieur. Ai-je bon ?

Cartographie Messyl : Eh bien ! Tu mérites un long temps de pause – de respiration justement ;))
J’ai cru que tu parlais de moi – rires
Bien sûr, tu pointes des traits saillants et évoques finalement les contradictions (apparentes) et c’est juste. Je vais piocher certains de tes mots pour répondre.

URGENCE : il en a été ainsi tout au début. Je n’avais pas le choix. Désormais, mon écriture s’apparente davantage à un chemin. Temps d’observation en interne. Je cours moins.

PROTECTION: disons à la fois une main qui se tend vers l’autre, une tentative de miroir, de reflet donc zéro filtre, aucune protection. C’est sans filet. D’autre fois, elle est bouclier symbolique que d’autres reconnaissent aussi, un espace pour se nommer. La question de la place toujours. S’en trouver une et écrire le chemin pour. Quelque chose de cet ordre.

Quelque chose de cet ordre

INTROSPECTIVE : O combien. Je suis une éponge émotionnelle et réflexive. Large panel de ressentis et de pensées. Parfois en symbiose, parfois éclatées. Je cherche à comprendre tout, tout le monde et tout le temps. Automatiquement, cela se traduit dans mon écriture. Le papier me permet de ne laisser qu’une partie de ce qui a été malaxé dans la tête et le bide.

BROUILLER LES PISTES / EVASIVE / SENTIMENT DIRECT : C’est drôle car on me dit souvent : « je ne comprends pas tout ce que tu écris et pourtant qu’est-ce que cela me parle, c’est puissant ». Ce n’est pas volontaire ou du moins conscient ce non-dit, cet implicite qui, selon moi, sont à l’origine de ce brouillage de pistes. Je crois sincèrement que je laisse à chacun la responsabilité, la possibilité voire le désir d’y glisser les mots manquants. C’est ma façon de faire du lien. Laisser des parenthèses à combler. Finalement, le lecteur co-construit quelque chose.

Et puis, se trame ces dernières années un rapport étrange avec la mémoire. Entre anamnèse et oubli, je dessine un espace-temps grignoté – d’où l’évasif peut-être.

C’est ma façon de faire du lien

– IMAGES : Tant mieux ! Pourvu qu’il y en ait. En pédagogie, j’avais été amenée à travailler sur la création d’un bouquin autour des intelligences multiples afin de trouver concrètement des outils pour aider les jeunes dans leur apprentissage. Pour faire court, il existe 8 intelligences (kinesthésique, graphique, logicomathématique, inter et intra personnelle etc.) dont la visuelle. Nous avons toutes et tous une dominante voire deux prioritaires. Je suis une visuelle. J’observe beaucoup. Je scanne. Le fait que je puisse induire des images me plait et ne me surprend pas. C’est de cet ordre dans ma tête et ça rejoint les métaphores.

– SENSIBLE / INTIME / EXTERIEUR : Pensons à Montaigne. Oui l’intime est une partie constituante du tout et les interactions sont infinies et vitales à appréhender dans leur correspondance. Enfin, il me semble.

Plus d’infos :

Retrouver Cartographie Messyl sur fb

Relire son portrait.

découvrir la chronique de fractale et un extrait du recueil ? Rain

Première partie de l’interview

Vous pouvez la retrouver dans différents « lieux » :

– Les Impromptus Tome III
– L’air de rien ( le 1)
– Cabaret HS Tour de France 2021
Anthologies sous son nom Cécile Bellan :
– Voix de femmes ( poésie contemporaine du monde / femmes – Plimay)
– Voix des Iles ( édition des Iles, par l’associaton Les Indociles) – ok en 2020 mais sortie en 2021
– Nouvelles ( Sans crispations éditions)

et encore d’autres participations :

– Que voulais- je te dire? ( éditions Mots Nomades- concours Poids Plume / livre pauvre 2020)
– Collaboration avec Insolo ( dessin) création d ‘un poézine : Gangrene du 2.1 siècle (2021)
– Résidence d’artiste à la Ferme du Buisson ( scène nationale 77) puis lecture au Festival quartier du livre de mon Opus – D’eux seul le craquement de la neige (2021)
– Création poétique sonore Cartographie d’un monde sensible ( février 2018) avec Jerome Picard ( univers sonore )

 

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