BENJAMIN FOGEL L’interview premiers pas d’auteur

benjamin fogel premiers pasQuestions à Benjamin Fogel

Nous avons posé quelques questions à Benjamin Fogel, notre auteur du mois. Dans cette interview, nous revenons sur ses premiers pas dans le monde de la littérature, ce qui a façonné son univers, quelles ont été les pierres fondatrices de sa culture, avant de revenir, dans une deuxième partie, au coeur du sujet, à savoir son dernier roman en date Le silence selon Manon (paru aux éditions Rivages).

L’interview.

Litzic : Salut Benjamin. Première question rituelle, comment vas-tu ?

Benjamin Fogel : On vit une période étrange, avec encore beaucoup d’incertitudes sur la situation sanitaire. J’ai l’espoir que l’on s’en sorte collectivement rapidement, que l’on se prenne un shot de « retour à la vie sociale », et en même temps il y a l’anxiété du monde que l’on va retrouver. D’un point de vue personnel, je me sens privilégié. Depuis un an, je suis quasi confiné en famille, avec ma femme et ma fille, que j’ai le temps de voir grandir. Je lis, j’écris. Il y a un aspect cocon qui me plaît d’une certaine manière, mais qui contribue à une certaine déréalisation.

L : Avant de parler de tes actualités, à savoir la sortie de ton nouveau roman et la sortie en format poche de ton précédent, peux-tu nous expliquer un peu ton parcours en tant qu’auteur. Qu’est-ce qui t’a mis les pieds à l’étrier ?

Benjamin Fogel : À 20 ans, je ne vivais que pour la musique et les concerts. À l’époque, mon seul objectif dans la vie était de voir sur scène tous les meilleurs groupes du monde. Je craignais de louper des prestations d’exception. J’enchaînais les concerts – je pouvais ne pas me nourrir pour mettre de l’argent de côté pour m’acheter des places. Puis, une nuit, je me suis réveillé avec un acouphène ultra aigu. Le sifflement me déchirait le cerveau, et rapidement les médecins m’ont préconisé de ne plus m’exposer au bruit. Privé de ma passion initiale, j’ai fait une sorte de transfert sur l’écriture. Les soirs où j’aurais dû assister à un concert, je les passais derrière mon ordinateur à écrire.

Maupassant, John Irving…

L : Quels sont tes premiers souvenirs de lecture ?

Benjamin Fogel : Mes premiers souvenirs de lecture viennent essentiellement des mangas : Akira de Katsuhiro Ōtomo, Ghost in the Shell, Appleseed et Orion de Masamune Shirow, puis Gunnm de Yukito Kishiro. Aujourd’hui encore, ce sont des œuvres qui me nourrissent beaucoup. Anticipation, post-apo, cyberpunk, intelligence artificielle : on y trouve beaucoup des thématiques qui m’animent encore aujourd’hui.

L : Et ton premier « choc » littéraire ?

Benjamin Fogel : Mon premier choc littéraire, c’est incontestablement le Horla de Maupassant. Sa narration resserrée, sa progression dans l’angoisse, son mélange des genres : c’est avec ce livre que j’ai compris que j’allais adorer la littérature, que j’allais y retrouver le même plaisir que dans la BD. C’est aussi de là que vient mon goût pour les anagrammes et les jeux sur les noms des personnages. Le Horla, c’est le « Hors-là », tandis que « ce horla » est une anagramme du « choléra », qui dévastait la population. Depuis, j’ai toujours aimé cette idée des noms porteurs de sens cachés ou de sous-texte.

L : Quels sont les auteur.e.s qui t’ont fortement marqué ?

Benjamin Fogel : Il y en a des centaines. J’essaye de répondre spontanément. John Irving avec Le Monde selon Garp – c’est de là que viennent les titres de La Transparence selon Irina et du Silence selon Manon, mais aussi de certains livres de Playlist Society. Alain Damasio, pour le mélange de science-fiction et de critique sociale. Virginie Despentes, pour la capacité à se projeter dans des personnages de bords politiques différents du sien, tout en conservant la question politique comme cœur du roman. Michel Houellebecq aussi – mon désir d’inclure de « l’essai » au sein du texte vient forcément d’Extension du domaine de la lutte et des Particules élémentaires.

Au feeling

L : As-tu des œuvres de chevet, des romans qui ne te quittent jamais réellement ?

Benjamin Fogel : Absolument pas. À vrai dire, je n’ai jamais compris le concept d’œuvres de chevet. Il y a tellement d’œuvres du passé qui nous sont encore inconnues, et tellement de livres, de films, de disques qui sortent au quotidien, que je préfère vivre dans le flux, sans ancrage à un livre phare, qui serait toujours à portée de main.

L : Comment procèdes-tu pour écrire ? Pars-tu d’un plan rigoureux que tu suis scrupuleusement ou bien y vas-tu en ayant seulement l’idée de départ ?

Benjamin Fogel : Je structure énormément. Je décompose, j’essaye d’identifier les rouages, de poser des poids et des contrepoids, je recherche un équilibre. Ce n’est que lorsque la structure me paraît solide que je me lance dans la rédaction à proprement parler.

L : As-tu une « hygiène » particulière d’écriture ? Si oui, combien d’heure par jour t’accordes-tu pour écrire (nous parlons uniquement de l’aspect roman ici) ?

Benjamin Fogel : Je n’ai pas une méthode stricte. Je m’impose d’écrire régulièrement, mais jamais à des heures régulières. Je n’ai pas de créneau d’écriture, et rarement des jours pour lesquels j’anticipe qu’ils seront dédiés à la lecture. Ce que j’aime, c’est pouvoir écrire dès qu’un espace-temps se libère. Me dire que j’ai une heure de libre entre deux impératifs, et que c’est le moment, qu’il faut y aller. En vrai, j’écris dès que l’occasion se présente.

Playlist Society

L : Tu t’occupes aussi du site Playlist Society, qui est aussi une maison d’édition consacrée à culture, avec pas mal de titres consacrés au cinéma (mais pas que). Peux-tu en parler aux lecteurs de Litzic ?

Benjamin Fogel : Après avoir été mon blog perso et un webzine culturel, Playlist Society s’est transformé en une maison d’édition en 2015. Nous publions des essais sur le cinéma, la musique, la littérature, en cherchant un juste milieu entre vulgarisation et rigueur universitaire. On essaye de gagner sur les deux tableaux : être à la fois ultra pop et particulièrement sérieux. Pour moi, il y a un vrai alignement entre ma démarche d’auteur et mon travail d’éditeur.

L : Aujourd’hui, les livres qui y sont édités ont un beau succès (voire très bon succès critique). Vous devez en être particulièrement fier au sein de Playlist society ?

Benjamin Fogel : C’est une immense joie. Nous avons publié 26 titres, et il n’y en a pas un seul dont nous ne soyons fiers. Nous avons une chance inouïe d’être autant épaulé par les médias, par les librairies, et d’avoir un public fidèle, composé de personnes qui, pour certaines, achètent toutes nos sorties. En revanche, il faut relativiser ce succès. Cela reste le marché de l’essai culturel. Même quand un livre est un succès, les ventes sont modestes. Playlist Society reste une activité que je mène en parallèle d’un travail salarié. Ce serait impossible d’en vivre.

L : Tu es un peu un acharné du travail non ? Comment parviens-tu à t’organiser avec tes mille activités ?

Benjamin Fogel : Je ne crois pas aimer le travail pour le travail. Mais j’aime les projets, c’est sûr : voir les choses se construire peu à peu au fil du temps. Là encore, je n’ai pas de méthode particulière, si ce n’est d’essayer de jamais me laisser déborder. Dès que je peux traiter un sujet, je le traite.

Relire le portrait subjectif de Benjamin Fogel

Relire quelques lignes de Le silence selon Manon

Relire la chronique du roman Le Silence selon Manon

Visiter Playlist society (dont Benjamin Fogel est le co-fondateur)

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