BENJAMIN FOGEL, Le renoncement de Howard Devoto

benjamin Fogel le renoncement de howard devotoFin de session.

Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin. Et comme dans son premier livre paru, Le renoncement de Howard Devoto (éditions Le mot et le reste), nous allons devoir dire au revoir à Benjamin Fogel pendant quelque temps, juste assez longtemps pour le voir, ou l’imaginer, planchant sur la suite et fin de sa trilogie contenant déjà les deux romans chroniqués ce mois-ci (pour rappel La transparence selon Irina, paru en poche le 07 avril, et son prequel Le silence selon Manon, paru en grand format à la même date, tous deux aux éditions Rivages). Mais alors, pourquoi parler de Howard Devoto aujourd’hui ? N’est-ce pas un poil anachronique puisque ce livre date d’il y a quelques années et qu’il n’est plus disponible à l’heure actuelle en format broché ?

Au début du roman Le silence selon Manon, Benjamin Fogel fait un tour d’horizon des différents protagonistes. En s’arrêtant sur Simon De Christo, il évoque l’architecte de Buzzcock. Simon méprise quelque peu les keupons qui gravitent autour de son petit cercle (celui de son nombril) jusqu’à une rencontre révélatrice. Et celle-ci se déroule autour du fameux musicien, une étoile filante du rock, l’un des piliers du punk Anglais, alors que Manchester n’était pas encore la ville rock que nous connaissons tous.

Howard Devoto.

Pourquoi étoile filante ? Contrairement à beaucoup d’autres, Howard Devoto n’est pas mort jeune. Contrairement à d’autres, il a simplement renoncé au monde de la musique (en tant qu’acteur, de près ou de loin) après de multiples remises en question. Quittant les Buzzcock après le premier disque de ceux-ci, il se lance dans Magazine, groupe qui révolutionna le punk en métamorphosant son esprit et sa musique en post-punk. Pionnier, pour ne pas dire géniteur de ce nouveau courant musical, Howard Devoto plaçait la barre très haute (trop?). Convaincu qu’il pouvait démontrer l’étendue de son talent, de son génie (il manquait un peu de recul sur lui-même), il porta ses projets avec l’énergie de celui qui croit usurper son monde, et qui donc s’acharne à prouver le contraire (à lui-même, parce que tous ceux qui gravitaient à l’époque autour de lui ne le considérait absolument pas comme un usurpateur).

Bref, il porta les deux groupes, puis un troisième, Luxuria, quand il quitta le deuxième, puis en solo après l’échec du troisième de ses groupes (qui fut boudé par la presse, et le public, ce qui mit un gros coup à l’ego de Devoto). Suite à l’échec de sa proposition solo, il renonça. Il quitta purement et simplement l’univers de la musique pour se consacrer au monde merveilleux des archives d’un journal. Avant un « come- back » plus de 20 ans après ce retrait du monde du showbiz. Personne ne l’attendait, personne ne se souvenait vraiment de lui, alors, pourquoi ne pas reformer Magazine ? Ce fut chose faite, à la fin de la première décennie du XXIe siècle.

Un parcours improbable.

Avouons-le tout de go, nous ne connaissions pas du tout l’histoire de Devoto et ce bouquin de Benjamin Fogel, biographie se lisant comme un roman, ou roman se lisant comme une bio, remet nos pendules à l’heure. Comme tout personnage fondamental de l’histoire de la musique, Howard Devoto était rongé par un ego surdimensionné, dont il avait conscience (ce qui le rendait en partie malheureux), et porté par une vision sans concessions de la musique, de son industrie et du star system en général.

Intransigeant avec les autres et avec lui-même, son portrait ne nous le rend pas pour autant antipathique. Nous y voyons juste un homme, avec ses forces, ses blessures, son manque de confiance bousculé par la folie Sex Pistols se transformant petit à petit en force créative démentielle. On ne peut dès lors que constater que le personnage d’Yvan De Christo, frère de Simon, ressemble étrangement à ce chanteur/compositeur punk jusqu’au bout des godasses. Comme si une boucle se bouclait, même s ce n’est évidemment pas le cas.

La fin.

En guise de mot de la fin, et avant les remerciements d’usage à Benjamin Fogel qui, malgré la période de promotion du deuxième roman de sa trilogie, Le silence selon Manon, a réussi à nous accorder le temps nécessaire pour mener à bien la rubrique L’auteur du mois durant tout ce mois de février, nous allons faire un petit lien entre Le silence et La transparence.

La transparence selon Irina découle des événements tragiques évoqués dans Le silence selon Manon. Plus de 20 ans ont passé, permettant à la transparence d’éradiquer en grande partie l’anonymat sur le réseau. Cette suppression était déjà présente dans les pensées dans les années 2020, tout comme elle est évoquée de temps à autre par certains politiques ou journalistes ou personnalités influentes du monde réel. Cette thématique n’est donc pas pure invention de la part de l’auteur. Elle trouve des bases concrètes qui nous invitent à nous poser deux minutes et à réfléchir sur notre usage des réseaux sociaux notamment.

Merci.

Peut-être que nous pouvons ainsi agir en conséquence. Nous voyons petit à petit se restreindre nos libertés individuelles, que nous sommes acteurs de ce délitement par facilité. En effet, le contentement instantané, notre ego se régalent de la crasse qui dégouline des réseaux. De même que nous nous y mettons en avant sans cesse, en quête de like, d’espoir d’une reconnaissance susceptible de nous conduire à la célébrité. Tout ceci n’est que fadaise, qu’un leurre éhonté. Et en lisant Le renoncement de Howard Devoto, nous ne pouvons que constater que tout ceci n’est que vanité. Quand, comme le chanteur, nous réalisons qui nous sommes, à force de revers, on ne peut que prendre un peu de recul et réfléchir, pour ne pas dire évoluer (dans le sens qui est bon pour nous).

Loin d’être anecdotique, nous dirions simplement que l’auteur qu’est Benjamin Fogel est à l’image de celle des plus grands. Il dépeint notre société avec une justesse implacable. Ce qui fait assurément de lui un grand écrivain. Tous ses livres sont intimement relié par un sentiment d’indépendance et de combat pour une vérité universelle, celle d’une humanité en quête d’elle-même, cherchant à taire ses mauvais penchants.

Nous sommes heureux du mois passé en sa compagnie, nous le remercions chaleureusement pour son implication et la richesse de nos échanges, ainsi que pour sa gentillesse et sa noblesse d’esprit. On attend désormais la suite de sa trilogie (et de sa carrière littéraire) avec impatience et curiosité.

Relire le portrait subjectif de Benjamin Fogel

Relire quelques lignes de Le silence selon Manon

Relire la chronique de Le silence selon Manon, et celle de La transparence selon Irina

Relire la première partie de l’interview, la deuxième et la troisième.

Visiter Playlist society (dont Benjamin Fogel est le co-fondateur)

Relire la chronique de Swans et le dépassement de soi

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