CHRISTOPHE DELBROUCK, Steely Dan (aux éditions Du Layeur)

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C’est l’histoire d’un groupe…

Personnellement, nous ne connaissions quasiment rien de Steely Dan, groupe au succès populaire indéniable aux Etats-Unis, mais presque inconnu du grand public en France. Le peu que nous en savions, nous le devions à un de leurs disques, Aja (leur chef-d’oeuvre), trouvé dans les rayonnages d’un proche. Alors, quand on a entendu parler de cette biographie, nous avons sauté sur l’occasion pour en découvrir plus sur le groupe, l’un des plus gros vendeurs dans les années 70 et début des années 80 aux states.

Steely Dan, c’est avant tout deux hommes, Donald Fagen et Walter Becker. Le moins que nous puissions dire, c’est que le portrait que leur peint Christophe Delbrouck n’est pas forcément glorieux puisqu’il nous les décrit comme étant des types asociaux, mal à l’aise en société ainsi que dans leurs propres pompes, qui paraissent totalement dans leur bulle au point de paraître antipathique à la presse (et au public). Hors star system, ce duo étonnant réussira à vendre des millions de disques sans faire de concert durant une quinzaine d’années et en refusant tout passage à la télévision.

Autour d’eux, et sur chaque album, gravitent pléthore d’invités prestigieux (dont certains sont des fidèles et reviennent régulièrement), pour la plupart des jazzmen connus et d’autres à la pointe d’un genre alors en pleine mutation et évolution. Cet assemblage d’éléments hétéroclites, poussé dans ses retranchements par l’exigence « tyrannique » de Fagen a permis à Steely Dan de produire des disques en dehors des clous, sophistiqués mais sachant paradoxalement plaire au grand public.

Des enregistrements somptueux.

L’exigence de Fagen et Becker est légendaire. En effet, ceux-ci pouvaient demander à ce qu’un solo soit repris 20, 30 ou jusqu’à plus de 250 fois (un record établit une session à 275 prises !) afin d’obtenir la juste modulation, le juste souffle. En résulte des enregistrements souvent somptueux pour une musique souvent considérée, par la presse et aux débuts du groupe, d’easy listenning fade. Mais, les ventes démentiront la chose puisque chacun de leur disque, depuis leur premier jusqu’au dernier en date, les verra sans mal franchir les portes du top 40 au classement Bilboard, voire pour la grande majorité de leurs disques le top 10 de ce même classement.

Fort connu aux États-Unis, il l’est également en Angleterre où il flirte également avec les premières places des classements nationaux, mais également dans les pays scandinaves et l’Australie. Mélange de pop et de jazz, cette musique aux grilles d’accords évolutives, changeantes, ardues à jouer contraste avec un aspect « à la cool » lorsqu’on l’entend. Les textes, eux, sont souvent cyniques, sardoniques, mordants, nostalgiques, mélancoliques, humoristiques… Les deux leaders ont en effet un féroce humour, lequel sera parfois mal interprété et caution à des minis polémiques dont Fagen et Becker se foutent royalement.

Esthètes affirmés, ils vivaient le succès comme un plus, mais ne le cherchaient pas forcément. Ce qui les intéressait, avant tout, c’était de pouvoir faire de la musique et de rendre hommage au jazz dont ils étaient férus adolescents. De la même manière, ils n’ont jamais cherché à surfer sur une méthode qui marche, se remettant en doute à chaque album, en innovant sur leur son et leurs compositions. Fond et forme s’entremêlent, ce qui explique sans doute la popularité du groupe qui n’a jamais pris son public pour un con (par exemple, ils n’ont jamais voulu expliciter leurs textes, préférant que les auditeurs se laissent envahir par des sensations qu’aurait annihilé toute explication).

Un modèle.

Cette popularité ne se cantonne pas à celle du public puisque Steely Dan est reconnu par ses paires, même si ceux-ci ignorent, pendant un temps, qui en sont les membres fondateurs. Souvent, leur musique sera reprise, réinterprétée, y compris par les rappeurs, occasionnant des procès afin que les royalties soient payées en bonne et due forme (et sans scrupule de la part de Fagen, qui s’en explique très bien).

Outre la carrière de Steely Dan, Christophe Delbrouck revient aussi sur les albums solos de deux amis. Si ceux de Walter Becker restent anecdotiques, ceux de Fagen eux hériteront de la même réputation que ceux de son groupe, se hissant également aux plus hautes places des charts. Parsemé de plusieurs dizaines d’extrait d’interviews, le bouquin est à la fois exhaustif et divertissant (les extraits choisis ne manquent jamais de nous montrer la personnalité complexe des musiciens, par exemple).

Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, cette biographie se lit comme un roman, au point qu’on la dévore tant nous voulons connaître le dénouement de l’histoire. Évidemment, celle-ci n’est pas achevée. Racontée de façon extrêmement vivante, cet ouvrage nous scotche par ses qualités littéraires. Au-delà du simple aspect musical, il est aussi question d’une histoire d’amitié hors norme, en particulier dans ce business qui à tendance à les exploser.

Ce livre nous donne gravement envie d’écouter et de décortiquer la musique du groupe, en profondeur, tant les descriptions des albums sont pertinentes, justes et séduisantes. Encore une réussite des Éditions Du Layeur dont nous vous re-conseillons la lecture des très beaux ouvrages consacrés à Clint Eastwood et à Quentin Tarantino.

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