[POESIE] LAURE ANDERS, Des forêts de couleuvres/frontalière

Recueil de poésie de Laure Anders aux éditions La boucherie littéraire.

Un recueil deux en un. Deux entités distinctes, deux mondes dévoilés, avec une plume ne se ressemblant jamais totalement. D’un côté, Des forêts de couleuvres, de l’autre, frontalière. D’un côté, un presque « classicisme », de l’autre, un presque roman, une presque nouvelle. Dans les deux cas, une plume, majestueuse.

Il faut, pour contenir de telles lignes, un ouvrage qui tient dans la paume de la main, ou presque. Ainsi, il se glisse facilement dans la poche intérieure d’une veste, dans un sac à main, dans la poche arrière d’un jeans, pour être toujours accessible, pour être toujours porté sur soi. C’est important, car nous sommes saisis d’envie d’en dévorer quelques lignes à tout moment de la journée, où que nous nous trouvions. La boucherie littéraire sait faire de beaux livres, possède une classe folle dans l’art de mettre en lumière ceux qui le méritent. Et Laure Anders en fait partie.

Des forêts de couleuvres.

On en avale, des couleuvres, tout le temps, de partout. Ici, elles prennent le temps de s’insinuer dans notre esprit, de ramper dans nos songes, de venir combler les interstices. Pour nous ce recueil dans le recueil est synonyme d’une attente. Une attente qui dure à n’en plus finir, comme une langueur monotone qui berce le cœur, qui se développe, grandit, pulse dans nos veines doucement, puis plus soudainement. Le rythme est musical, mid tempo parfois onirique, hypnotisant tandis que les images naissent devant nous.

C’est vrai, nous utilisons très souvent le terme quand nous parlons de l’écriture de Laure Anders, mais ces poèmes sont encore animales. Le rapport au corps y est sensuel, vue, odorant, touché, il y est végétal (pas végétatif malgré ce sentiment d’attente qui nous entraîne plus avant dans la lecture du recueil). Il y a donc de la musique, des images, des sons, tout comme il y a de la beauté, de la violence, du corps et de l’abstraction de corps.

La plume est magnifique, nous emporte très loin, en dedans, en dehors, peu importe, nous nous y perdons. Nous n’avons plus de frontières physiques, nous nous diluons dans chaque poème ici présent, liés entre eux par des mots-clés (fruits, anatomie, sens), par un phrasé qui revient comme un boomerang nous cueillir à froid pour mieux nous réchauffer l’âme (tout en, parfois, l’irritant par un jeu de non-dits qui en disent long).

Frontalière.

Histoire en prose, Sade tapie dans l’ombre. Sado-maso, un homme, une femme, un plaisir, un amour qui fait peur. Construit comme une nouvelle, ou comme un mini roman, Frontalières nous déroute par son rapport au corps, une fois encore, mais aussi par le côté superbement réjouissant de l’analyse poétique d’un couple qui n’en est pas un, d’une histoire d’amour qui n’en est pas une, du moins pas telle que nous la concevons de prime abord.

Désir luxure, passion muette, dévorante, jeu de domination soumission, oubli de soi dans l’autre, oubli de l’autre dans le moi quotidien, l’extase n’est jamais loi de se saisir de nous. Captif de l’étrange manège, rythmé de façon tout sauf provocante de l’auteure, nous prenons notre pied, nous aussi. Mais pas de façon voyeuriste, de façon poétique. Les mots sont plus forts que les images, l’amour prend naissance n’importe où, se renforce au gré, une nouvelle fois, des (presque) non-dits. L’homme, la femme, un couple qui ne s’avoue pas s’aimer mais qui pourtant le fait bien au-delà de ce que les couples vivent d’ordinaire.

Passion.

La passion est l’élément qui lie ces deux histoires qui sont moins éloignées qu’il peut y paraître. Si le premier ensemble de textes semble plus classique dans sa forme, c’est finalement lui qui laisse une empreinte plus forte dans notre mémoire car il revient à nous de façon lancinante, quoique jamais perfide. Les mots laissent sur notre langue une saveur profonde, épicée sucrée salée amère qui donne envie d’y revenir.

Le deuxième texte, plus linéaire, plus facile à aborder, déploie une richesse de chaque instant vécu par le duo, nous en faisant profiter du point de vue de la femme. La sensibilité y transparaît bien plus que celle de l’homme, le dominateur qui nous laisse indifférent. La soumise, elle, possède une richesse incroyable dans l’expression de ses ressentis, de son abandon.

Ces deux textes, loin de nous faire avaler des forêts de couleuvres, sont des expressions d’une quête de soi qui se barricade dans ses derniers retranchements. D’une façon ou d’une autre, en s’isolant, volontairement dans une forme d’oubli, c’est soi-même que nous faisons ressortir. Sensation qui s’empare de nous, lecteurs, et nous amène à nous questionner justement sur qui nous sommes.

Au fond, peu de choses…

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