[POESIE] LAURE ANDERS, Cent lignes à un amant.

Cent lignes à un amant, de Laure Anders, aux éditions La boucherie littéraire.

Tout d’abord, il faut un objet pour accueillir ces Cent lignes à un amant. Un petit livre, rouge, mais rien à voir avec celui de Mao. Il s’agit d’un rouge sanguin, carné, forcément. Et ce petit livre commence par 20 pages, vierges. De la même façon, il se termine par 20 pages, vierges elles aussi (hormis les mentions propres à chaque éditeur évidemment). Entre ces 40 pages vierges, 20 pages , du même rouge que la couverture, 20 pages pour cent lignes d’un poème à un amant.

Nous avions fait la connaissance de Laure Anders par son recueil de nouvelles, Animale. Nous poursuivons notre exploration de la plume de cette autrice par le versant poétique. Et nous y retrouvons la même force, la même présence, animale, forcément, la même aura. Il y a du corps, il y a le toucher, il y a l’expression des sensations, plus fortes et plus inventives que jamais. Parce que, sous le prisme de la poésie, c’est nos propres ressentis qui nous assaillent, nous déroutent, nous placent en situation d’apesanteur.

100 lignes qui commencent par « je vous embrasse… »

Enfin non, pas 100, pas tout à fait. 99 pour être précis. La dernière de ce court recueil, à lire, relire, jusqu’à la lie, jusqu’à ce que les feuilles se détachent et s’envolent, débute par trois points de suspension, rattrapant dans un souffle la quatre-vingt-dix-neuvième par un « et » qui se veut presque point final. Et en 100 lignes, Laure Anders nous place dans la position de l’amant désiré, de l’amante désirante, et nous embarque dans une volupté de chaque seconde.

Pour nous la sensation est avant tout tactile. Comme un baiser. L’humidité des lèvres, de la langue, un mélange d’haleines et de souffles, un frisson à fleur de peau. Et il y a les caresses, que l’on devine, les corps qui se frôlent dans ces baisers, les lieux qui sont traversés, la puissance évocatrice de chaque mot nous place en acteur/spectateur un peu voyeur d’une relation amoureuse, sinon charnelle, érotique en tout cas.

Sensitive.

La plume est ici sensitive, caresse ou griffe, peu importe. Nous sommes ballottés par la précision et du poids de chaque syllabe, de chaque consone et de chaque voyelle. La musique de l’amour transparaît de chaque ligne, et ce 100 fois de suite, 100 fois si différentes et pourtant si semblables, dans le fond. Jamais lassitude ne vient nous surprendre et de 100 fois nous aurions pu passer à 1000 avec la même délectation.

Sensuelles, charnelles, les images affluent, le tourbillon se saisit de nous, et Laure Anders nous transporte au plus près de ce cœur qui s’emballe lorsque nous embrassons notre amant/amante/maître ou maîtresse. La présence de l’autrice se dissipe dans une présence animale, faite uniquement de perceptions, de sentiments, puissants, incontrôlables, qui nous font chavirer d’un bord à l’autre du sentiment amoureux.

Avec ce court ouvrage, Laure Anders nous offre un livre dont la poésie ne quitte plus nos épidermes dès lors que nous l’avons lu une première fois. Ces Cent lignes à un amant sont un peu comme une passion dévorante du début d’une relation amoureuse, à l’exception près que cette passion ne s’estompe pas une fois l’habitude de l’autre acquise. Ce livre est donc une passion permanente, que nous prenons plaisir à relire, une ligne par-ci, une autre par-là, mais jamais plus d’une à la fois, comme pour créer l’attente de celle qui suivra, premier rendez-vous renouvelé à chaque lecture. Une fois terminé, il ne vous restera plus qu’à reprendre celle-ci depuis le début. Toujours. Subtile et magique.

50. Je vous embrasse avec du désir et de la peur tandis que vous slalomez entre les voitures à 160 km/h.

100 lignes à un amant Laure anders

 

Relire la chronique d’Animale.

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