SATYRIASIS AND THE NYMPHO
L’assassin aux dents blanches (déjà disponible chez Les disques Normal)
Objet musical et poétique non identifié, L’assassin aux dents blanches de Satyriasis and the nympho vient grandement perturber la platitude des sorties actuelles par un parti pris radical et totalement DIY. Punk et doux, ce disque s’avère une réelle claque à la démarche radicale et assumée.
Les disques normal possède le bon goût de toujours surprendre avec des groupes et des artistes venus d’on ne sait où. Nous nous souvenons notamment de la claque Tycho Brahe et son album Le temps qui passe qui explorait déjà une poésie à fleur de peau et dont les paysages musicaux, entre bidouilles presque bancales, instruments jouets et art de la composition « pop » faisaient mouche à tous les coups.
Satyriasis.
Nous retrouvons un peu de ces aspects sur L’assassin aux dents blanches, à ceci près qu’ici, tout se fait dans l’épure et un minimalisme forcené qui ne rend que plus percutantes les voix et les paroles. N’attendez de Satyriasis and the nympho pas de morceau tout cuit d’avance : il faut les apprivoiser, faire corps avec eux, faire cœur avec eux également. Dans ce disque, tout s’exprime directement depuis le creux du ventre et du siège des ressentis pour sortir, sans filtre, par la bouche.
Evidemment, des filtres, il y en a, nul ne peut produire une telle poésie sans l’avoir maintes fois pensée et façonnée. Les mots nous giflent, nous fouettent, nous mettent à genoux. Dur de rester de marbre. Certains détesteront, c’est une évidence. D’autres, comme nous, adoreront. Car ici, les images font naître des émotions violentes, nous tordent d’une délicieuse douleur, celle de nous prouver que nous ne sommes pas encore totalement morts (ou passifs à tout ce qui nous entoure).
Electrochoc.
Satyriasis and the nympho en effet nous électrocute avec ses arpèges de guitare électrique, avec ces effets sur la voix (qui se démultiplie, se chevauche, se succède avec une rare pertinence), avec des choeurs angéliques, avec un travail sur le son saisissant (il est parfois crade, frisant en haut de crête, dérapant sur certaines voix, qui elles-mêmes sont trafiquées, tout comme il est parfois justement dosé, limpide et lumineux). Le beau et le laid se suivent et ne se ressemblent pas, augmentant la magie de l’objet, sa musicalité et son empreinte artistique à nulle autre pareille.
Le jeu de « chanté juste/chanté faux » est aussi l’une des particularité du disque, notamment sur le poème fleuve De l’origine à l’horizon, titre durant plus de quatorze minutes et d’une beauté (peu importe ce que l’on met derrière ce mot) à faire fondre la banquise. Lui aussi donne un relief insoupçonné à un titre qui aurait pu, sans cela, virer rébarbatif mais qui, au contraire, agit comme un électrochoc salutaire.
Tour de force technique et texte hallucinant, cette pièce monumentale à elle seule vaut le détour. Mélancolique, crue, poétique, désespérée, jusqu’au boutiste, De l’origine à l’horizon est d’une force peu commune et nous balance des paroles au fort pouvoir évocateur (le gimmick « De ton con s’éjacule l’horizon » en étant un exemple parfait). Le texte nous ébranle, nous fait vaciller, nous touche de plein fouet, nous révèle des sens cachés qui ne peuvent que nous ravir.
Sincérité et expression intime.
Les autres titres, eux aussi cryptiques, ne sont pas en reste. Ils alternent chant en français et en anglais avec la même finesse et avec un impact identique. Tout ici est au service de l’émotion (vécue ou transmise), du ressenti et de l’expression de ceux-ci, qu’elle soit métaphorique ou pas. On ne sait pas comment un tel disque peut se vendre, car trop radical. Les disques Normal s’en fiche royalement et prend encore le risque de sortir un OMNI pour la simple beauté de celui-ci.
Quoi qu’il en soit, pour nous, L’assassin aux dents blanches est un authentique coup de cœur, preuve, une fois encore, que la sincérité et l’expression intime sont garantes d’un art qui n’a rien de commercial. Ce qu’il devrait toujours être, finalement.
Line-up :
Textes en français, clips musicaux, modèle et visuels : RowenaM.
Textes en anglais, musique, voix, enregistrement et mixage : Yokiko Kamurasa.
Voix additionnelles : Doriane Debert
Poème « Matricule Papillon » dans « De l’Origine à l’Horizon » : Sébastien.
Bandcamp : https://lesdisquesnormalrecords.bandcamp.com/album/lassassin-aux-dents-blanches
Revoir la vidéo de I like the way you move when you walk away
Patrick Béguinel