A.Tracqui, H.Bozino et R.Meli, Hard Rescue, T1 : La Baie de l’Artefact
À la recherche de l’arche givrée
Caleb McKay et son équipe fusionnent avec des mines patibulaires au sein de la Hard Rescue. Ils se lancent dans une mission de tous les dangers en Antarctique. Aucun détail précis, risques maximaux, un milliardaire dans sa tour d’ivoire qui envoie les gens à une mort quasi certaine, un traître parmi la team, un groupuscule antagoniste qui veut sa peau, enfin, tous les ingrédients d’une mission vouée aux problèmes astronomiques sont réunies dans cette BD de science-fiction, digne de la chaîne américaine du canal 51 de votre poste télévisuelle.
Caleb, l’intrépide, n’est donc pas au bout de ses peines. Il lui faudra composer avec ce nid de vipères assassines aussi redoutables que les créatures badasses d’un space opéra de George Lucas, mais cette fois, vous ne quitterez pas la Terre, et il n’est pas sûr que nos héros s’extirpent vivants de cette baie de l’artefact, la source du mystère et peut-être bien leur tombeau !
Adaptation en milieu hostile
Les Éditions Critic et les Humanoïdes Associés conjuguent leurs talents pour nous livrer de la SF de haute volée. Hard Rescue, BD adaptée du roman Point Zéro (encore une adaptation, on vous assure que que ce n’est pas fait exprès ! Quand on vous martèle que les strates culturelles s’influencent mutuellement !), signé Antoine Tracqui, nous embarque dans une mission nébuleuse qui n’est limpide que pour le commanditaire de l’équipe de Caleb : un milliardaire malingre qui brûle de s’introduire dans un bâtiment étrange prisonnier des glaces de l’Antarctique. Le rythme, le suspens, le danger de chaque instant fait palpiter nos petits cœurs amateurs de SF virtuose. L’originalité réside dans le fait que l’on ne quitte pas la Terre.
Ici, pas de vaisseaux spatiaux, même si les combinaisons de l’équipe font penser à celles d’Alien, le huitième passager ou à Perdus dans l’espace. En même temps, l’Antarctique est un peu une autre planète tant les conditions sont rudes et les paysages énigmatiques. On a l’impression que la Hard Rescue évolue sur une planète glacée.
Réflexion sur la recherche scientifique
Hard Rescue nous offre du spectacle, des rebondissements, mais aussi une réflexion plus universelle. En effet, la science est un formidable moteur pour l’humanité, mais en même temps sa malédiction. Ses dérives ont toujours alimenté les creusets des artistes sensitifs du monde entier et donné ses lettres de noblesse à la science-fiction. La puissance de la SF est de proposer des fictions basées sur des recherches scientifiques, leurs évolutions et leurs applications parfois fantasques de prime abord.
Ce qui frappe les consciences, c’est que les œuvres de Jules Vernes passaient pour des folies d’un doux dingue, mais les sous-marins comme le Nautilus, les voyages en montgolfières, l’exploration sous terre, sur la lune, toutes ces pistes scientifiques qui étaient considérées comme billevesées à son époque, sont devenues concrètes et réelles pour nous.
Alors la SF serait-elle visionnaire ? Nous pouvons nous poser la question. Elle nous sert peut-être aussi d’alerte sur une course à l’échalote qui nous pousserait à faire tout et n’importe quoi au nom de la sacrosainte déesse science ! Avancer, oui ! Dans la démesure, non !
Pour conclure
Ce tome 1 nous laisse sur notre faim et, nous nous demandons ce que nous réserve le tome 2 qui sera l’épilogue de cette mini-série. Cette dernière nous prouve que des ponts existent entre littérature traditionnelle et neuvième art. Le fait de proposer à des auteurs de transfigurer leur œuvre romanesque en cases et en bulles est une façon de rendre les arts poreux, et chaque créatif collaborant à ce genre de projet ne peut en ressortir que grandi.
La collaboration multi-univers est un bel hymne à la Culture plurielle dans ces temps où d’aucuns voudraient réduire la diversité culturelle au silence en enclavant son champ d’action et sa parole. La pluralité est source de lutte de la normativité et du conformisme, et la SF permet l’évasion et la réflexion.
Veillons donc au grain tant qu’il est encore temps.
Hard Rescue, Tome 1 : La Baie de l’Artefact, d’Antoine Tracqui, Harry Bozino et Roberto Meli, Éditions Critic et Humanoïdes Associés, 56 pages, mars 2021
Florent Lucéa
Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
Depuis 2021, il dirige également la collection encre sèche des éditions Ex Aequo
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