chronique roman, nouvelles, récit
KIM BO-YOUNG, L’odyssée des étoiles
Roman paru aux éditions Rivages
C’est un livre surprenant que nous offre ici à lire l’autrice sud-coréenne Kim Bo-Young, autrice reconnue en son pays, aux États-Unis, mais relativement méconnue sur nos terres. Avec L’odyssée des étoiles, dont le nom emprunte à la fois à L’odyssée d’Homère et à celle de 2001, l’odyssée de l’espace de Kubrick, l’autrice nous parle à la fois d’amour, de quête métaphysique et, bien évidemment, de science-fiction.
Décomposé en trois parties, le roman nous parle d’un couple et de leur enfant. Ce couple décide de coordonner leurs voyages interstellaires de manière à pouvoir se marier sur Terre. Le voyage stellaire de la fiancée est nécessaire car elle doit conduire ses parents sur une autre planète afin de pouvoir convoler en justes noces. Celui-ci obligera à faire patienter le fiancé de nombreux mois, ce qui le pousse à organiser un voyage en parallèle. Rendez-vous est donc fixée, pour le mariage, à leur retour. Néanmoins, une succession d’événements en décidera autrement et décalera, de quelques semaines/mois pour eux à des nombreuses décennies sur la Terre.
Cette dernière deviendra inhospitalière suite à des bouleversements climatiques, nucléaires, ainsi qu’à des guerres civiles résultant des deux précédents. Sans nouvelle de leur amant, les deux voyageurs reviendront de façon sporadique sur la planète, découvrant les horreurs l’ayant mutilée, tout comme ils vivront de leur côté des épreuves multiples. Seule la force de leur amour restera intacte.
En trois parties.
La première partie relate le voyage du fiancé, la deuxième de la fiancée, la troisième de leur enfant. Sous forme de lettres envoyées (on voit ici l’importance des courriers), mais pas forcément lues (pour diverses raisons, techniques pour la plupart), les amants décrivent leur quotidien en essayant de donner rendez-vous à l’autre sur Terre afin de pouvoir s’y marier.
Nous lisons leur détresse d’être loin de l’autre, de ne pas savoir si leur moitié les attendra, ni même si cette dernière est toujours en vie. Mais l’espoir les guide, un espoir si fort qu’il en est particulièrement bouleversant. Sur Terre, les choses dégénèrent et l’autrice, en s’appuyant sur ce qui se trame un peu partout dans le monde ces dernières années, extrapole un futur dévasté, on ne peut plus crédible.
La finesse de son écriture permet de ne pointer cela qu’en pointillé. Les non-dits sont nombreux, correspondant un peu, en cinéma, à des hors champ qui en disent énormément. Le pouvoir de suggestion de Kim Bo-Young permet à notre imaginaire de tisser cette histoire humaine de façon poignante. La base de science-fiction rend les vies des deux protagonistes terriblement compliquée. Usant de la vitesse lumière (ou du moins s’en approchant), elle crée un décalage permanent qui nous place en apesanteur. Par exemple, la onzième lettre écrite par le fiancé est écrite huit ans et huit mois après le début du voyage, soit environ cent quarante-cinq ans en temps terrestre. Le vertige s’empare de nous, autant que la force de l’amour qui lie ces deux êtres.
(Méta)physique.
La troisième partie nous parle du fils du couple qui se trouve être un voyageur stellaire. Sa quête, lui qui est né « hors-sol » est d’atteindre le bout de l’univers (qui est aussi l’origine du monde). Elle s’avère toujours aisée à lire, moins à comprendre puisque elle se sert de nombreuses théories que l’on a pu voir notamment au cinéma (on pense à Interstellar de Christopher Nolan par exemple) et lire en littérature SF.
Pourtant, c’est bien la quête humaine qui nous entraine à creuser les propos et nous ramener les pieds sur terre. En tant que lecteurs, il faut repenser l’existence en faisant abstraction de la Terre et imaginer une vie en suspension dans l’espace, ou la relativité du temps et des masses se trouvent bouleversée. Il n’y a plus de linéarité, et le concept même de trois dimensions intègre celle du temps en tant que quatrième.
Vitesses de déplacement astronomiques et besoin de retourner à l’origine des vies sont au menu, nous laissant, une fois de plus, en suspens. Les fans de science-fiction pure et dure seront ravis par cette troisième partie qui mêle physique et métaphysique, les moins fans trouveront dans les deux premières une matière romantique d’une beauté rare.
Singulier.
L’odyssée des étoiles s’avère un voyage de lecteur aux confins de ce qui est connu. Avec sa plume précise, légère, mais également pointue dans les développements plus abstraits, Kim Bo-Young nous fait rêver, tout en nous faisant paradoxalement cauchemarder tant les perspectives sont effrayantes. Les émotions sont donc vives à la lecture de ce grand roman de SF, humain et extraterrestre.
Un autre roman SF paru chez Rivages : L’île de Silicium