Fred Duval, Frédéric Blanchard et Emem, Renaissance t.3 Permafrost
Essence de Renaissance.
Dans Renaissance tome 3 Permafrost nous sommes projetés sur une Terre moribonde, percluse de guerres, de dissensions, de catastrophes écologiques et sociétales et menacée par une terrible épidémie nommée la Fièvre. Celle-ci décime la population terrestre. Des nations extraterrestres se souciant du devenir de la Terre ont envoyé des émissaires à la technologie très avancée pour envahir la planète, mais cette invasion se veut bienveillante.
Trois individus partent en expédition en terrain dégivré par les changements climatiques pour trouver l’origine de la maladie, mais leurs découvertes risquent de remettre en cause toutes les fondations de la frêle confiance entre humains et créatures interstellaires.
Pendant ce temps, un jeune extraterrestre à l’âme d’ange gardien se frotte à trois criminels galactiques, issu d’un peuple interdit de séjour sur Terre. Il les traquera, car ils sont responsables d’exactions contrevenant aux lois les plus élémentaires. Cette traque se déroule en parallèle de l’expédition avec un jeu de va-et-vient qui ne vous laissera pas de répit.
Couleurs saturées estampillées années 80.
Les couleurs et les formes explosent dans cette BD menée tambour battant. Les planches superbes nous servent des décors incroyables. Les personnages se jouent de la gravité, évoluent dans des espaces aux teintes psychédéliques qui rappellent les comics américains des années 80, et même des décennies antérieures comme chez Marvel avec les X-Men ou Iron Man. Cette débauche de couleurs nous entraîne dans des mondes à l’infinité vertigineuse. Les cases se découpent avec aisance sans alourdir l’ensemble. Maîtrise et grâce sont au rendez-vous, et les relations sociales sont étudiées avec précision. Les individus se débattent dans un univers qui nous étonne, nous enchante et nous terrifie à la fois.
Nous sentons que nous sommes dans le vestibule de cette série du neuvième art. En effet, ce tome 3 achève une mise en bouche de trois tomes, et la perspective de découvrir un nouveau cycle suscite notre curiosité. Nous comprenons aisément que Renaissance a un potentiel labyrinthique avec toutes ses nations extraterrestres très variées et les multiples histoires de civilisation, d’hégémonie politicienne, de traquenards en tout genre qui n’ont pas encore été développées.
La fiction comme vaisseau de vérités.
Renaissance offre un monde de science-fiction à la hauteur des « guerres de l’étoile » et autres mythiques opéras de l’espace. Nous assistons d’ailleurs à des scènes de combat dignes de Star Trek et consort, mais aussi à des tractations politiques, à des rebondissements remettant en cause ce que nous tenions pour acquis et à une critique acerbe et sous-jacente de nos dérives sociétales. Encore une fois, je vous parle d’une BD qui démonte les travers de notre époque en passant par la science-fiction cette fois et non par le merveilleux comme dans le château des animaux (cf. chronique du 17 novembre 2020).
En effet, le virus, la montée des eaux, les guerres intestines, la Terre au bord de l’asphyxie, les murs érigés pour nourrir les séparatismes entre les peuples mettent le doigt sur nos troubles présents et à venir, et les envahisseurs, bien moins hostiles que ceux qui traumatisaient David Vincent, ont comme les humains des problèmes astronomiques.
Pour conclure.
Renaissance tome 3 Permafrost nous propose d’emprunter les pas d’individus très différents, humains et extraterrestres, qui sont mus par la même envie de sauver et de préserver ce qui peut l’être dans un futur clairement peu engageant.
Cette série, qui compte pour l’instant trois tomes, fait écho aux œuvres du genre qui l’ont précédée, se nourrit de leurs codes, tout en apportant sa touche kaléidoscopique comme un prisme dont chaque facette nous promet des péripéties infinies et un message universel très actuel. Ce dernier se retrouve dans de nombreuses créations récentes du vaste univers étendue, et qui s’étend encore, de la BD mondiale.
Florent Lucéa
Renaissance t.3 Permafrost de Fred Duval, Frédéric Blanchard et Emem, (éditions Dargaud)
Une autre chronique BD : Après le monde
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Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
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