CHRISTIAN DE METTER, couleurs de l’incendie // tout feu, toute femme

Couleurs de l’incendie, de Christian De Metter, Éditions Rue de Sèvres, 164 pages, décembre 2019

L’histoire de Couleurs de l’incendie, c’est l’histoire de Madeleine Péricourt, frappée par le destin à plusieurs reprises. D’abord, par le suicide de son frère Édouard (marqué dans sa chair par la guerre de 14-18), voilà sept ans, puis par la mort de son père, et comme si sa peine n’était pas assez grande, son fils Paul se défenestre le jour des obsèques du patriarche.

Madeleine est désemparée par le geste de Paul, elle pense même que quelqu’un a attenté à la vie de son enfant. Hélas, la marche implacable du destin ne lui laisse aucun répit. Madeleine a hérité d’un patrimoine conséquent, mais elle ne connaît rien aux affaires, et elle est trop inquiète par la santé de Paul, alors, elle fait confiance à une galerie de personnages qui ne semblent lui vouloir que du bien.

En réalité, ce sont des êtres fourbes et cupides qui montrent un visage avenant, alors que leur cœur est froid et manipulateur. Madeleine se rend compte trop tard de la terrible machination qui se joue de sa naïveté. Elle perd pied, mais elle doit se ressaisir pour Paul.

Alors, naît dans le cœur vaillant de Madeleine l’envie brûlante de consumer ses ennemis, et pour cela, elle saura s’entourer de la bonne personne, elle saura jouer elle aussi avec les mêmes armes. Rien ne pourra arrêter le brasier vengeur de cette femme de cœur.

La vengeance au cœur

Couleurs de l’incendie est la suite de Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, déjà adapté en BD par Christian De Metter. Si Au revoir là-haut se déroulait durant la Première Guerre mondiale, Couleurs de l’incendie nous propose une incursion dans l’Entre-deux guerres. Un troisième roman clôt la trilogie : Miroir de nos peines.

La BD qui nous chavire le cœur aujourd’hui est donc Couleurs de l’incendie. Tout commence comme un film noir avec une ambiance graphique très polar. Les personnages sont esquissés avec force. Ils arborent des traits anguleux et des mines patibulaires, dignes d’un film de Jacques Audiard, avec son lot de dialogues savoureux et percutants. Les rouages complexes de l’intrigue se mettent en place peu à peu et tissent un dédale alambiqué, dans lequel le lecteur se perd pour son plus grand plaisir. Nous avons en effet l’impression d’une histoire banale d’héritage contesté, puis les pièces s’abattent sur nous et nous font entrevoir toute l’horreur du machiavélique plan qui se referme sur Madeleine et Paul.

Main de Maître

Comme dans tout bon film noir, Madeleine touche le fond. Elle est la pierre angulaire de la BD. Petite chose fragile durant les premières planches, elle se révèle une redoutable jouteuse qui ne recule devant rien pour accomplir sa vengeance. Elle est un peu comme une bête blessée qui ne renonce pas devant la meute lancée à ses trousses. Pas d’hallali pour Madeleine, elle montre les crocs et défend l’honneur des siens.

Nous sommes happés par l’histoire et nous tremblons au côté de Madeleine, une femme flamme qui décide de prendre le taureau par les cornes. Elle est croquée avec sincérité par Christian De Metter. Ce dernier sublime les personnages créés par Pierre Lemaitre. Nous prenons un malin plaisir à découvrir les stratagèmes de Madeleine pour frapper ses adversaires et les pousser dans leurs retranchements.

Elle semble avoir convoqué les Érinyes, ces créatures de la mythologie grecque, figures des remords et de la justice, qui vengeaient les femmes bafouées et persécutaient ceux qui faisaient le mal. Madeleine, retrouvera-t-elle une certaine paix intérieure après cette folle épopée, elle, qui était si égarée et isolée ? À vous de le découvrir, chères lectrices et chers lecteurs.

En conclusion

Couleurs de l’incendie est un roman graphique qui rend compte admirablement de la force romanesque de l’ouvrage dont il est tiré. Adaptation de haut vol, cet ouvrage n’est pas une redondance par rapport au roman de Pierre Lemaitre, bien au contraire, il permet une autre lecture du roman justement, un nouvel éclairage, de même que le film d’Albert Dupontel avait transfiguré Au revoir là-haut.

Celle de Clovis Cornillac, qui est une adaptation de Couleurs de l’incendie, sera sans doute une autre proposition de transfiguration. Comme je le dis souvent, le neuvième art est proche du septième et vice versa. Il n’y a qu’à voir les cadrages, les effets visuels et les ambiances graphiques de chaque BD. Les genres s’empruntent des éléments, car l’art n’est pas fait de cases et de normes, la culture est multiple et elle est poreuse. Elle est donc par là même aussi indispensable que l’air que l’on respire ou l’eau que l’on boit, quoi qu’en disent les esprits étriqués.

Quant à savoir si Christian De Metter adaptera le troisième opus de la trilogie, il faudrait être un génie-espion pour le savoir. En tout cas, s’il franchit le pas, j’ai déjà hâte de m’y plonger corps et âme.

FLORENT LUCÉA

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Florent vous donne rendez-vous à la rentrée avec des nouvelles chroniques BD. En attendant, vous pouvez relire sa dernière en date, Le voyage de Marcel Grob
Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
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