HSHOUMA, Tabous, vous avez dit tabous ?
L’histoire
C’est une histoire intime et universelle à la fois que nous raconte dans HSHOUMA, l’auteure Zainab Fasiki : à la fois la sienne, avec ses ressentis, ses aspirations, sa vision du monde et celle de tout un peuple, le peuple marocain.
Elle nous invite à faire connaissance avec ce Maroc qu’elle aime et qu’elle respecte, et ces Marocaines, ces Marocains qu’elle admire et qu’elle révère. Zainab Fasiki a des rêves tout à fait réalisables pour le Maroc et ses habitants. Elle nous parle d’amours plurielles, de sexe, de genre, d’anatomie, de plaisir, d’orientation sexuelle, de consentement, d’acceptation des autres et d’espoir.
Je dessine, donc je suis
Ce roman graphique tricote un univers de noirs, de blancs et de rouges intenses, vifs et percutants qui bombardent nos rétines chétives et emplissent notre champ de vision étroit. Les dessins sont des lignes qui cohabitent, s’entrecroisent et se répondent dans un dialogue immersif qui suscite en nous des émotions tonitruantes.
Nous sommes emportés dans le tourbillon visuel de HSHOUMA, nous vibrons avec les mots de Zainab Fasiki qui accompagnent les illustrations, expliquent, éduquent, témoignent comme les paroles d’une déclaration des droits de tous les êtres humains au respect et à la tendresse au Maroc, mais aussi partout sur le globe.
HSHOUMA signifie « c’est honteux » et « c’est illégal », mais une société ne peut pas avancer si elle possède des tabous colossaux en guise de chaînes. Comment marcher dans la bonne direction si l’on vous refuse le chemin le plus palpitant et sain pour votre corps et votre esprit.
La considération pour toustes
Notre monde n’est sans doute pas parfait, mais les artistes sont là pour l’enchanter. Zainab livre sa vérité, sa vision d’un monde plus tolérant et plus altruiste et son envie d’une société marocaine plus ouverte, plus sensitive et plus à l’écoute de tous et toutes.
Son message est primordial, universel et doit être diffusé le plus largement possible. Elle nous parle de son Maroc idéal, de son peuple, de son âme, mais elle parle à tout le monde. Elle nous parle en français, parce que dans sa langue, les mots de l’amour, du sexe, du corps ont été pervertis. Ce qui manque à beaucoup d’êtres humains, c’est la considération. On choisit pour eux, on les met dans des cases, on les formate ou on leur répète que c’est comme ça et que rien ne doit changer en vertu des traditions obscures et archaïques édictées par des esprits obtus.
Nous sommes chair, nous sommes sang, nous sommes tendres, rêveurs et charmants, alors nous avons toutes et tous besoin d’être libres : libres d’aimer, de choisir, de disposer de notre corps sans aucune restriction. Chacun chacune s’appartient. Chacun chacune doit faire des choix de vie qui lui conviennent, doit pouvoir choisir son partenaire, doit pouvoir lui tenir la main dans les rues du monde, doit pouvoir l’embrasser en public, doit éduquer ses enfants sur les questions importantes de sexualité, de corps, d’amour et de respect. Sans ces préceptes vitaux, aucune société ne peut dire qu’elle est équilibrée. Elle ne peut pas non plus pérenniser ses strates s’il y a le moindre dysfonctionnement.
Pour conclure
HSHOUMA est un coup de poing dans le plexus du patriarcat. Zainab Fasiki défend le droit de toustes de disposer de son corps, d’être accepté tel que l’on est, de ne pas imposer sa vision du monde aux autres, de respecter la parole de l’autre, d’arrêter l’hypocrisie dormant dans des interdictions de toute parole sur les sentiments, l’amour, la sexualité saine et assumée.
Le sexe n’est pas honteux. L’amour ne doit pas être un tabou. Les marques de tendresse ne sont pas un crime. Le seul crime est de laisser les gens dans l’ignorance. L’ignorance est le meilleur moyen de manipuler les masses. Ne pas éduquer les gens, c’est les pousser à se livrer à des actes ignominieux. Chacun doit pouvoir vivre sa sexualité sans être jugé, accusé ou condamné.
Ce roman graphique transpire l’espoir et invite à libérer la parole. Oui, décidément, dessiner c’est résister !
HSHOUMA, corps et sexualité au Maroc, de Zainab Fasiki, Massot Éditions, 106 pages, septembre 2019
Florent Lucéa
Florent Lucéa a rejoint l’équipe Litzic. Il chronique pour vous les BDs qui lui ont tapé au coeur et à l’oeil. Peintre, dessinateur et auteur protéiforme, il apporte son regard à la fois curieux et pertinent sur ce que l’on nomme communément le Neuvième art. Il a été notre auteur du mois en mai 2019.
Depuis 2021, il dirige également la collection encre sèche des éditions Ex Aequo
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