[INTERVIEW] Quelques questions à Thierry Nutchey.

À propos d’Hyperferon…

Nous vous avons parlé il y a quelques jours du roman Hyperferon, ou le silence de la moelle, paru chez L’Harmattan. Nous avons décidé de poser quelques questions à Thierry Nutchey, son auteur, afin d’en savoir un peu plus sur le pourquoi de ce roman. Vous verrez qu’il n’y est pas tendre avec une certaine catégorie professionnelle et force nous est d’admettre que nous sommes particulièrement en accord avec les dires du romancier. Mais trêves de bavardages, voici l’interview !

L’interview

Litzic : Salut Thierry, première question d’usage : comment vas-tu ?

Thierry Nutchey : Je vais bien ! Je précise que je n’ai pas fait de test, je fais cette estimation par moi-même.

L : Tu as écrit Hyperferon – ou le silence de la moelle il y a plusieurs années. Il est une forme de règlement de comptes face à l’inflexibilité du monde de la médecine, des hôpitaux. Il t’a servi d’exutoire suite au traitement que tu as subi ?

Thierry Nutchey : Oui, très clairement. J’ai connu des chimiothérapies par deux fois, des rayons, et toutes sortes d’interventions, des biopsies, des prélèvements de moelle, des ponctions lombaires et autres menus charcutages de rigueur… On m’a proposé deux fois des essais thérapeutiques pour des traitements lourds, que j’ai refusés à raison. Pour l’un de ces essais on a accusé aux Etats-Unis un professeur français très renommé pour délit d’initié (je peux donner des noms sur demande).

Il avait averti ses copains actionnaires du laboratoire des résultats catastrophiques avant qu’ils ne soient publiés, lesquels ont pu vendre leurs actions avant que le cours ne s’effondre. Ça m’a donné l’idée de départ du roman. Un type qui allait accepter un essai thérapeutique dans le seul but de le faire échouer. Comment les laboratoires réagiraient s’ils tombaient sur un cobaye pervers ? Ce marchandage suspect proposé par l’Assistance Publique pour le compte d’un labo américain, la brutalité des traitements, des médecins arrogants et pas très francs… Je pense avoir réglé mes comptes avec Hyperferon. N’hésitez pas à le recommander à votre médecin !

Qui aurait pensé qu’un jour on ferme les librairies, les théâtres, les cinémas, les musées juste pour une méchante grippe ?

L : Il a été édité en 2020 alors qu’il est écrit depuis plusieurs années mais qu’il ne trouvait pas d’éditeur. Pied de nez qu’il soit sorti pendant une période de toute puissance sanitaire ?

Thierry Nutchey : Le hasard est souvent malin. Il est clair qu’Hyperferon propose une sévère critique du pouvoir biomédical et des dérives autoritaires de la médecine. Je n’avais pas prévu qu’il sorte sous état d’urgence et couvre-feu sanitaire !

L : Ce livre est une contre-utopie qui se réalise progressivement et réellement. Aurais-tu un jour pensé qu’une telle réalité aurait pu se mettre en place ?

Thierry Nutchey : Non ! Qui aurait pensé qu’un jour on ferme les librairies, les théâtres, les cinémas, les musées juste pour une méchante grippe ? Que nous soyons enfermés, masqués, empêchés de nous déplacer, cloués au sol à ce point ? On vit une sorte de coup d’état sanitaire. Que les auteurs de science-fiction n’y aient pas pensé, on les pardonne. Mais les experts, les spécialistes, les politiques, les régisseurs du monde, ceux qui ont fermé des lits d’hôpitaux par milliers, délocalisés la fabrication des médicaments, la recherche ? La somme d’incompétence, de négligence et de cynisme pour que la situation nous échappe à ce point-là n’était pas imaginable.

L : Ce livre de voyou dégage pas mal de poésie (en tout cas à travers les yeux de Basile). Cette poésie (de drogué) contraste avec la froideur ambiante qui règne entre les êtres humains, et entre ces humains et la Sécurité Sanitaire. Est-ce une échappatoire, la poésie, l’art, à la rudesse de la vie ?

Thierry Nutchey : Sans doute. La poésie et l’art peuvent être inspirés par tout, en toutes occasions et de façon parfois troublante, par les murs d’une forteresse militaire, des photos d’émeutes, le souffle d’une infirmière qui vous fait votre piqure, les ruines d’une usine, il suffit d’une trace d’humanité. Drogués et voyous sont capables aussi de poésie !

Je suis sorti de mon expérience personnelle guéri mais avec une immense colère.

L : Le « laisser-aller » de Basile contraste avec l’aspect rigide de tout protocole. Etait-il important que son « incapacité » à prendre lui-même ses décisions (il se laisse embarquer par ses amis, par la vie elle-même) soit mise en opposition avec l’omniprésence décisionnelle de la dictature sanitaire ?

Thierry Nutchey : Basile n’a rien d’un leader effectivement, il se laisse embarquer dans la vie par ses amitiés, ses amours qu’il suit d’autant plus facilement qu’elles lui permettent d’échapper au carcan bourgeois de la famille et à une destinée de « successeur » déjà écrite. Peut-être bien que son refus de collaborer avec l’hôpital participe du même refus contre un ordre autoritaire. Basile est surtout doué pour toujours choisir entre les chemins le plus sinueux, il a un goût certain pour le vertige. Il n’a pas trop d’aptitude à la « vie normale » et encore moins au bonheur.

L : On voit pas mal de rancoeur contre le monde hospitalier, pourtant, il est censé nous sauver la vie, nous remettre sur pied. Il s’agit là d’une contre-utopie bien réelle ?

Thierry Nutchey : Je suis sorti de mon expérience personnelle guéri mais avec une immense colère. Je me suis senti maltraité, souillé par des traitements inhumains et une organisation déshumanisante, où vous n’êtes plus un individu avec une histoire, une vie, des désirs, des angoisses, une famille, mais juste un code-barre qui renvoie à des colonnes de résultats d’analyse. Je me suis révolté dans Hyperferon contre cet ordre sanitaire tout puissant qui relève effectivement de la contre-utopie dans le sens où l’utopie du « soin pour tous » laissée aux mains du business médical finit en injonction de traiter, applique froidement les protocoles écrits par les laboratoires et instaure un système sanitaire qui ne considère plus l’homme que comme un gisement de chair à traiter.

Comme lecteur je me sens très bien avec eux. On a envie d’être des leurs.

L : Que représente l’oeil des truites ? Est-ce une image de l’impression d’être surveillé par tous et tout le temps (big brother is watching you?), une image de l’âme de Basile qui porte un jugement sur ses actions ? Tout à fait autre chose ?
Thierry Nutchey : Il y a toute une mécanique autour de l’œil dans cette histoire. Il est l’organe central. Bien entendu dans un monde totalitaire, il vieille partout. L’œil d’une truite surprend Basile effectivement au début et finalement ce regard ne le lâchera plus. Il est l’œil de l’autre auquel nous ne pouvons malheureusement échapper. Il y a l’œil de Georges Bataille, l’organe de la concupiscence, l’œil qui hallucine, l’œil qui se souvient… Je ne sais pas bien à vrai dire qui est cet œil. Mais je me sens moi-même toujours observé par les absents.

L : Pourquoi Jim Harisson ?

Thierry Nutchey : J’aime bien Harrison pour les Sioux, pour la pêche à la truite, son approche des personnages comme simples acteurs du monde naturel, truites et humains au même rang. Il en découle une simplicité, une évidence, vu ainsi il n’y a plus personne à juger, alcooliques, ratés, un pauvre bougre devient notre héros, notre égal, pour rien, on va à la pêche ensemble, s’il crève sur la route on s’arrête avec lui au garage du coin changer la roue, on ouvre une bouteille, on fait la cuisine dans sa cabane… Comme lecteur je me sens très bien avec eux. On a envie d’être des leurs.

Santé !

L : Basile te ressemble sur certains aspects (tu travaillais dans un domaine artistique, tu as été malade), tu as mis beaucoup de toi dans ce livre, pourtant, ce n’est pas un livre de colère. C’est plus un livre d’alerte, non ?

Thierry Nutchey : J’aimerais inviter à une réflexion politique sur la maladie. Quand la radio vous débite qu’on a « la meilleure médecine du monde » alors que vous êtes en train de vous tordre de douleur et de vomir votre dernière chimio, vous avez envie de crier deux fois plus fort. Notre santé est un sujet trop sérieux pour le laisser aux médecins et aux laboratoires. On doit prendre la parole, ne pas les laisser seuls nous dire ce qui est bon pour nous. Tous les médecins ne sont pas pourris, mais à force de dérives le système fini par l’être.

Qui peut encore s’opposer à une industrie pharmaceutique qui pèse plus de mille milliards par an, seule capable de nous fournir les vaccins que la planète réclame ? On voit bien émerger un pouvoir biomédical de plus en plus puissant qui dicte aux états les recommandations « scientifiques » que nous devons suivre. Et montre paradoxalement ses limites criantes : des mesures moyenâgeuses — quarantaine, confinement, interdictions de circuler, masques, — d’une efficacité toute relative, une épidémie toujours pas endiguée au bout d’un an. Pas de quoi fanfaronner.

Mais on ne leur en tient pas rigueur pour autant, on a même joué des casseroles pendant des semaines pour saluer ces « héros ». Le pouvoir des médecins va devenir de plus en plus important avec des catastrophes climatiques et probablement d’autres épidémies encore qui se profilent. La période est assez propice pour observer cette situation et la discuter entre citoyens, non ?

L : Tu as écrit un autre livre, non publié. Peux tu m’en dire un peu plus sur lui ?

Thierry Nutchey : C’était un roman sur l’Afrique, un western africain. Il a failli devenir un film. Puis un éditeur l’a trouvé formidable mais il a voulu que je le ré-écrive selon ses critères que je trouvais absurdes. J’ai refusé. Il est au fond de mon armoire avec tant d’autres projets morts.

L : Travailles-tu sur d’autres projets littéraires ?

Thierry Nutchey : J’ai des idées en tête. Mais il faut que je trouve le courage de m’y mettre. De me mettre dans un drôle d’état pendant des mois, jour et nuit… J’hésite encore. Surtout que mon armoire est bien pleine !

L : Que peut-on te souhaiter de beaux pour les jours/semaines/mois à venir ?

Thierry Nutchey : Je souhaite qu’on rouvre les bars au plus vite ! Qu’on en finisse avec le virus et l’état d’urgence !

L : Cette interview complète l’interview radio diffusée sur radio-activ (podcast ci-dessous). As-tu un dernier mot à ajouter pour boucler ces deux interviews ?

Thierry Nutchey : Santé !

L : Merci d’avoir pris le temps d’avoir répondu à mes questions !

Thierry Nutchey : Merci à toi !

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Exclu : Podcast l’interview de Thierry Nutchey dans l’émission B.O.L diffusée le 17/02 sur radio-activ, à propos d’Hyperferon !

hyperferon ou le silence de la moelle questions à Thierry nutchey

Relire la chronique d’Hyperferon, ou le silence de la moelle.

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