DIMITRI ROUCHON-BORIE, Le chien des étoiles.

le chien des étoiles Dimitri Rouchon-Borie Le Tripode

Echappe-t-on un jour à son destin ?

Telle pourrait être la question prédominante du deuxième roman de Dimitri Rouchon Borie. Son premier, Le démon de la colline aux loups, nous avait particulièrement bouleversé par sa narration et sa noirceur. Avec Le chien des étoiles, l’auteur renoue avec une certaine part de noirceur mais aussi avec une tendresse incroyable pour ses personnages principaux, des êtres abimés par la vie qui trouve refuge dans l’amour qu’ils se portent.

Après une bagarre dont il réchappe de justesse, Gio, 20 ans, retrouve son camp. Peu loquace et doté d’une force physique prodigieuse (il revient d’entre les morts après avoir reçu une blessure mortelle à la tête), il renonce à la loi des gitans et, lors d’une bataille pour venger l’affront qui a été porté à sa famille par la fameuse agression, il fuit avec deux acolytes de fortune, Dolorès et Papillon. L’une est une jeune fille de 16 ans qui a bien compris que son corps vaut de l’argent, l’autre un jeune garçon muet recueilli par la famille de Gio.

Tous trois s’enfuient par le train et sont accueillis dans un bidonville par une faune dont les lois sont peu ou prou les mêmes que dans son ancienne famille. Mais à eux trois, ils forment une famille dans laquelle ils placent de nombreux espoirs et un amour grand comme l’univers. Évidemment, le passé, ou le destin, les rattrapera.

Un monde sauvage.

Une fois encore, Dimitri Rouchon-Borie nous place face à des hommes et femmes à l’existence chaotique. Une fois encore, il relate leur vie avec brio, force, tendresse mais également poésie. Ces deux dernières semblent pourtant à mille lieues de l’existence des protagonistes qui s’acharnent à trouver une forme de sérénité, d’espoir dans un monde qui leur laisserait enfin un peu de répit. La relation liant Gio, Papillon et Dolorès est une bouée de sauvetage lancée dans cette mer tempétueuse qu’est leur vie. L’espoir les unis, celui d’un endroit où se poser et croire en un avenir moins sombre.

La narration, plus classique que dans Le démon de la colline aux loups, reste cependant attachée à la condition sociale des personnages (comprendre qu’elle a ses propres codes et couleurs), mais avec une liberté de ton parfois philosophique (qui tranche avec les préjugés relatifs justement avec la classe sociale des personnages et leur niveau d’éducation), s’attachant à des points d’ancrage à partir desquels les psychologies se développent. Si la cruauté en est un, la beauté des détails paraissant presque anachroniques ou antinomiques au monde réel (celui du livre) surgit et éblouit le roman par sa pertinence décalée. Il devient alors très dur de ne pas s’attacher au trio, de les aimer comme des frères et sœurs et de vouloir les protéger.

Mais le destin est chose trop puissante pour que les contes de fées finissent bien. Par ces coups de putes propres à l’existence, la mort et la violence rôdent en permanence. Malgré tout l’amour d’un boxer expatrié, malgré un retrait loin des hommes, la violence et la crainte de ceux qui sont « différents » finissent par tout brûler. Le destin s’avère trop puissant pour que le roman s’achève sur une note positive.

Un optimisme, malgré tout.

La noirceur l’emporte au final. Pourtant, il reste un soupçon d’optimisme, très faible et ténu, néanmoins présent en sous-face. Une rédemption est évoquée, et la mort se fait plus douce. Avec un tact infini, déjouant les pièges de la facilité, Dimitri Rouchon-Borie laisse à penser que son personnage central trouve la paix. Avec beaucoup d’amour, Gio sauve les âmes de ses amis, et la sienne par la même occasion. Si nous sentions que tout était joué d’avance, la fin du livre nous montre une autre voie possible, une voie de secours que nous pouvons emprunter en toute quiétude malgré la folie qui nous entoure.

Sans atteindre la force brute de son premier livre, l’auteur nous démontre toute l’étendue de son art en se remettant en question et en affinant encore son propos (à savoir pouvons-nous échapper à notre conditionnement familial et social). La force brute se transforme donc ici en un torrent tumultueux avec des recoins plus apaisés. Ce n’est que lors des crues que ceux-ci se trouvent à nouveau en proie aux courants irascibles. Rien ne dit pourtant qu’un jour ce torrent ne prendra pas l’apparence d’une rivière plus indolente et que le destin finira, lui aussi, à laisser ces Hommes de peu à une vie plus heureuse.

Le chien des étoiles, 227 pages, éditions Le Tripode

Patrick Béguinel

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