[ PORTRAIT ] MATÉO LAVINA, L’art sous toutes ses formes
L’écriture dans les veines : Matéo Lavina, entre musique et textes.
Lors de notre appel pour trouver des auteurs du mois à mettre en avant, Matéo Lavina nous a répondu. Si nous ne l’avons pas retenu pour cet exercice qui se forge une belle personnalité (grâce à vous amis auteurs et amies autrices), nous ne voulions néanmoins pas passer à côté de son talent de conteur.
Nous vous expliquons tout de suite le pourquoi de ce refus de l’inclure dans la rubrique l’auteur du mois : tout simplement parce que même si Matéo Lavina a vu certains de ses textes publiés et édités dans des revues et autres magazines, il ne possède pas, par exemple, un recueil à son nom (et pourquoi d’ailleurs ? Nous lui poserons la question lors de l’interview à venir).
Alors, nous lui avons proposé un format plus court, pour mettre en avant sa plume, son talent d’auteur mais également ses talents de musicien. En effet, cet auteur s’attaque à tout ce qui l’entoure, à l’art sous toutes ses formes, tant que le fil de l’écriture y déroule ses pleins et ses déliés. Découvrez ce petit focus en deux parties, dont la première est attribuée à son écriture littéraire.
Nouvelles.
Nous nous attardons ici sur les 5 nouvelles que Matéo Lavina nous a fait parvenir. Nous savons qu’il est aussi auteur de pièces de théâtre (depuis 2015 il a rejoint la compagnie de théâtre Les Chiens Andalous de Marion Conejero, pour qui il compose la totalité des musiques de ses pièces (Roméo et Juliette, L’éveil du printemps, Mademoiselle Else…), mais nous ne nous y sommes pas intéressés (mais nous allons probablement nous frotter à l’exercice dans quelque temps).
Mais ne nous éloignons pas du sujet de ses nouvelles. Sur les cinq qu’il nous a envoyés, trois ont déjà été publiés (Nijni-Novgorod aux Éditions Le nouvel Atila, Des nuits sans lune dans la revue Sqeeze, Vers la mer d’Azov aux Éditions le Soupirail). Les deux autres sont en revanche des textes inédits (dont Jusqu’au dernier battement que l’auteur nous a aimablement autorisés à publier). Toutes possèdent des caractéristiques communes qui rendent ces textes cohérents, homogènes.
Comme un parfum de crépuscule.
Toutes ces nouvelles dégagent une atmosphère entre chien et loup. Des teintes sombres, grises, noires, des vert-de-gris aussi, des teintes qui effacent les contrastes, qui étirent les ombres, qui atténuent les formes pour nous placer en état de vigilance accrue, comme placé devant notre destin. Comme si le danger allait survenir au détour d’un chemin, de derrière un arbre, comme si le loup y était.
Ce danger pourtant, n’est pas physique. Il est métaphorique, il est intime, sorte d’illusion plutôt que vérité tangible. Il s’appuie sur une condamnation, celle de la mort le plus souvent, qu’elle soit voulue ou ordonnée. Qu’elle soit fruit d’une vie bien vécue ou fruit d’une vie fauchée en plein vol. Le deuil de l’innocence, aussi, surtout, d’une jeunesse terrassée par le poids du passé, d’une société, d’un idéal, d’un amour éteint.
Il y a des images, partout, un spleen profond, noir comme de la tourbe, comme une boue qui alourdirait chacun de nos gestes. Pourtant, l’écriture est belle, légère, décrit peu mais avec une force d’évocation parfois sidérante. Nous y sentons comme une culpabilité, de n’être pas assez ceci, d’être trop cela, peut-être même simplement… d’être.
Les mots glissent.
Avec sa plume, Matéo Lavina dresse des contours qui vacillent sous l’impact des émotions qui nous traversent. Nous sommes parfois ébranlés par la beauté d’une phrase dégageant une poésie minimaliste qui dit toute la beauté du monde. Et, l’instant d’après, comme si nous n’étions plus aux aguets, une autre phrase nous rétame en décrivant toute la laideur du monde. Ou, plutôt que la laideur du monde, son infinie tristesse ou son cortège d’illusions perdues.
Impossible de reste impassible. Impossible de ne pas prendre cette décharge mélancolique en pleine tronche. Nous pouvons essayer de l’esquiver, elle nous revient dans la face tel un boomerang que nous aurions jeté loin de nous ignorant qu’il allait, forcément, à un moment ou à un autre, revenir. Nous voilà à présent à genoux, des larmes coincées dans la gorge, un cri bloqué au bord des yeux. Et pourtant, tout ceci, tous ces mots, toutes ces images (car Matéo Lavina peint avec ses mots), possèdent une humanité à fleur d’encre.
Celle-ci nous submerge, nous terrasse, nous heurte, nous montre que derrière l’horreur d’une situation, il y a une compréhension concrète de ce qui fait l’Homme, de ce qui lui est cher, intime, particulier. C’est à cette unique condition que nous lisons avec avidité chacun des textes de Matéo Lavina puisqu’il y parle, finalement, autant de lui que de nous tous.
Relire Jusqu’au dernier battement
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