Entretien avec Olivier Massé, par Etienne Ruhaud.

Olivier Massé La chienneLe poète aquitain Olivier Massé poursuit une œuvre originale, par-delà les modes du moment. Ainsi des Poèmes préhistoriques (L’Harmattan, 2013), situés au Néolithique, ou de ce nouveau roman, La Chienne, publié par les soins d’Aethalidès, maison originale, audacieuse. Réécriture du mythe homérique, chant des origines mettant en scène Hélène, sans jamais la nommer, le livre prend une dimension intemporelle, universelle. Nous avons cherché à en savoir plus sur cet étrange opuscule, pour le moins singulier, riche.

L’entretien

Vous avez longtemps été professeur de Lettres classiques. Ceci explique-t-il votre attrait pour Homère ?

Il faut du temps pour appréhender une œuvre aussi ample dans ses seules études, surtout l’Iliade, d’accès certainement plus difficile de nos jours. La grande et sombre Iliade, avec ses éclairs de lumière… Et ses mystères : la guerre célébrée et haïe, Achille héros en retrait, responsable de désastres et en proie au chagrin extrême, les Troyens, des ennemis si beaux moralement, et Hélène, la cause de la guerre mise hors de cause par Priam…

Parallèlement, Hélène n’est jamais nommée. Nous ne savons pas non plus exactement où nous nous trouvons (à Troie ? Ailleurs ?). Pourquoi ? Souhaitiez-vous conférer un tour universel, intemporel, au roman ?

Oui c’est cela, un univers intemporel, onirique peut-être, ou toujours réel, qui apparait comme celui de l’Iliade aux connaisseurs du mythe, sans que cela importe au lecteur moins familier.

Dans Palimpsestes, Gérard Genette déclare que toute œuvre demeure réécriture. Êtes-vous de cet avis ?

En tout cas, avec l’Iliade pour base, sans doute réécrit-on le combat de toute vie, une vie écrasée par la force et la mort, dont on reconnait la puissance tout en la méprisant, ainsi que le relève Simone Weil.

Vous situez l’action des Poèmes préhistoriques à une époque reculée. Pourquoi ? Est-ce une façon de mieux aborder le présent ?

Je n’y avais pas pensé. Je dirais de compléter notre humanité peut-être plutôt.

Peut-on qualifier La Chienne de roman féministe ?

Un peu oui. Pour autant c’est relatif, me semble-t-il. La catégorisation étant affirmée pour être remise en question.

…avec l’Iliade pour base, sans doute réécrit-on le combat de toute vie…

Pareillement, la guerre est souvent décrite comme horrible. Peut-on parler d’un roman pacifiste ?

Oui, je le crois, tout comme l’Iliade finalement.

Pensez-vous qu’un roman puisse changer le monde ? Croyez-vous en la notion de littérature engagée ?

Il y a certainement interaction. Jusqu’où ?

Vous vous êtes d’abord fait connaître en tant que poète. On est souvent frappé par le style poétique, lyrique, de La Chienne. Vous sentez-vous d’abord poète, ou d’abord romancier ?

Merci. Oui, la poésie traduit une distance, un glissement qui peut trouver sa place dans un récit, surtout un récit de l’attente, de la contemplation, de l’émancipation lente et progressive.

Dans La Chienne apparaît, de manière récurrente, un mystérieux « homme-loup ». Que représente t-il exactement?

L’homme-loup représente la liberté : tout en représentant un point de perfection de sa catégorie (le guerrier ici), il apporte une rupture avec son monde de référence. Achille, pour le nommer, n’est-il pas comme le pendant viril d’Hélène, parfait en ses qualités attendues (force pour l’un, beauté pour l’autre) et décalé tout à la fois par rapport au groupe ?

À un moment donné, la narratrice découvre des tablettes d’écriture cachées. Cette pratique clandestine semble l’apaiser. De même, estimez-vous que l’écriture rende heureux ? Ou, à tout le moins, qu’elle atténue le malheur ?

Dans ce cas oui, j’ai voulu que le récit soit beau, que le monde créé soit beau, qu’il y ait une forme de bonheur dans le désastre.

Propos recueillis par Etienne Ruhaud, mai 2022.

olivier massé

BIBLIOGRAPHIE Olivier Massé :

Poèmes préhistoriques, L’Harmattan, 2013.

Tanka du café, Éditions du Tanka francophone, 2014.

La mort qui parle, La Crypte, 2016.

La Chienne, Aethalidès, 2021.

Étienne Ruhaud.

En plus d’être auteur et poète (Animaux, Disparaître), Étienne Ruhaud dirige, aux éditions Unicité, la collection Éléphant blanc. Féru de surréalisme, il anime également une page facebook, Surréalisme(s) dédiée au mouvement. Enfin, il tient également un blog littéraire nommé Page Paysage.

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