[ INTERVIEW ] MAUDITS, concrétiser ses envies.

Interview avec Olivier, guitare et effets du groupe Maudits.

L’album homonyme de Maudits nous a fait un gros effet. La musique du groupe, mélange d’ambient, de post-rock et de metal nous ayant fait une forte impression, nous étions curieux de savoir comment le groupe avait travaillé sur ces 6 compositions sans fausse note. Olivier, guitare et effets, nous a fournis pas mal d’éléments de réponse que vous pourrez découvrir dans cette « interview Maudits ».

Interview.

Litzic : Première question, d’usage, comment allez-vous ?
Pouvez-vous m’en dire plus sur Maudits ? Qui êtes-vous ? Depuis quand existez-vous ? Quelles sont vos influences ? Vos précédentes expériences musicales ?

Olivier (guitare et effets) : ça va plutôt bien merci ! L’album est sorti depuis environ 3 semaines et pour l’instant les retours sont excellents ! On continue donc la promo et c’est un vrai plaisir d’en parler 😉
Eh bien nous sommes un trio à la situation géographique un peu éclatée, mes deux acolytes étant originaires et résidants dans le Grand-Est (Reims pour Chris le batteur et Charleville-Mézières pour Anthony notre bassiste.), et moi-même en banlieue parisienne.

Nous existons depuis fin 2018 et le groupe est née sur les cendres de notre précédente formation The Last Embrace, que j’avais formé en 1998 et que Chris et Anthony avaient respectivement rejoint en 2013 et 2010.Ce groupe était très cher à mon cœur et ce fut donc un déchirement de devoir l’arrêter. Nous étions dans une veine très progressive et atmosphérique et globalement plus lumineuse que celle de Maudits. La très belle voix de notre ancienne chanteuse, Sandy et les claviers de Pierre-Henri orientaient naturellement la musique dans ce sens ce qui était d’ailleurs parfait dans le contexte de ce projet. Maintenant avec Maudits je peux aussi pleinement exprimer ma part d’ombres et j’en suis très « heureux » 😉

Nos influences sont assez larges. Cela va de la scène doom des années 90 (les 1er Anathema et My dying bride) au Post Rock (Godspeed you! Black Emperor) en passant par le trip hop (Portishead), le Dub au sens large (Dub trio, Ez3kiel, High tone), le black metal experimental(Deathspell omega, Oranssi pazuzu) et certaines musiques de films (28 jours/semaines plus tard, Interstellar, American history X).

Le but n’étant pas de produire un pot-pourri de ces influences mais de construire notre propre style.Ce seront aux auditeurs de juger si on a réussi ou non 😉

L : Vous avez sorti un album éponyme qui fait le pont entre post rock, rock progressif, ambient et metal. Comment est né le projet ?/Comment avez-vous procédé pour la composition ? S’agit-il de compositions écrites de bout en bout ou des « collages » survenus au gré d’improvisation ? J’opte pour la première car les transitions sont sublimes.

Olivier : Le projet est né de l’envie de produire exactement ce qu’on avait envie d’entendre, avec nos ingrédients, sans se fixer de limites et ce le plus égoïstement possible 😉
Le procédé fut assez simple. J’ai ramené des squelettes de morceaux plus ou moins structurés, que j’avais bossés dans mon coin,et nous avons arrangé le tout en répétition à trois, pour leur donner la forme que l’on entend sur l’album. L’apport de mes 2 acolytes fut d’ailleurs capital. Ils ont tout deux un bagage technique très élevé, d’ailleurs bien plus que le miens, et les riffs, idées de bases, passées entre leurs mains sont sortis transformés. C’est un vrai bonheur de jouer avec eux car ils s’adaptent rapidement et fluidifient grandement par leur savoir-faire la matière première.

La composition de l’album fut rapide, efficace, et à la fois très spontanée.Par contre en studio nous n’avons rien laissé au hasard et nous savions exactement ce que nous voulions. L’enchaînement des morceaux, les transitions entre les parties et même les silences ont une importance capitale car nous abordons la conception et l’écoute d’un album sur sa globalité. Toutes les pistes, si elles sont finalement assez différentes musicalement et en terme d’ambiance, sont liées les unes aux autres et s’équilibrent pour rendre l’écoute captivante du début à la fin. C’était en tout cas notre démarche. Apparemment nous ne nous sommes pas trop mal débrouillés car pour le moment tous les premiers retours l’attestent 🙂

« Le projet est né de l’envie de produire exactement ce qu’on avait envie d’entendre, avec nos ingrédients, sans se fixer de limites et ce le plus égoïstement possible. »

L : Dans ma chronique, je parle de votre musique en disant que, pour moi, elle caractérise l’ambivalence du monde, ses contrastes entre beauté et laideur, force et quiétude, destruction et construction. Avez-vous écrit cet album sur ce même constat ? (vous avez même le droit de me dire que je suis complètement hors sujet).

Olivier : Tu as parfaitement vu juste. Nous avons abordé l’album exactement dans cet état d’esprit. Au moment de la création du projet, ma vie personnelle, professionnelle et musicale était un vrai chaos. Mon groupe de toujours, que j’avais tant chéri et pour lequel j’avais tant donné venait de partir en fumée et j’étais dans un sale état. A mon sens l’être humain est naturellement assez contradictoire et ses « armes » pour combattre les difficultés peuvent être très opposées. L’élévation et la noirceur. La beauté et la laideur. Le réconfort et la douleur. A titre personnelle je fonctionne comme ça et ce que tu entends sur l’album est l’exact reflet de cette période difficile. Les morceaux sont en quelque sorte des  » cartes postales émotionnelles » et représentent mon humeur au moment de leur conception.

L : Vous alternez moment « brutaux » avec passages acoustiques éthérés, sans que ça ne choque. Etait-il facile de lier les deux ?

Olivier : Facile pas forcément car cela demande du travail et de la réflexion pour que tout s’enchaînent de manière cohérente. Par contre cela s’est fait de manière très naturelle. Je pense aussi que notre expérience de la musique progressive, accumulée durant toutes ces années au sein de The last embrace, nous a beaucoup aidé. Ce premier album de Maudits en bénéficie certainement.

L : Avez-vous fait appel à des musiciens additionnels pour cet album ? On y entend notamment des cordes très bien senties.

Olivier : Oui effectivement. En premier lieu Emmanuel Rousseau du Whitewasteland studio (également claviériste du groupe 6:33), un vieil ami chez qui nous avons fait toute les pré-prod’,ainsi que la majorité des prises définitives de guitares et de basses.c’est lui s’est chargé desdits arrangements de cordes, ainsi que des sons électros, et claviers présents sur l’album.
Pour les parties de violons nous avons fait appel à Caroline Bugala,une musicienne avec qui nous avions déjà travaillés par le passé avec The last embrace. Son interprétation fantastique illumine vraiment l’album.
Enfin l’artiste Dehn Sora ,avec qui je joue dans Throane et Ovtrenoir,et qui s’est chargé d’une bonne partie de l’artwork, est venu poser des voix, samples et du Theremin sur « Liminal ».Son savoir-faire dans le domaine de l’ambient (allez jeter une oreille à son projet Treha Sektori) collait parfaitement à l’ambiance noire et irréelle que j’avais en tête pour ce morceau..

 » Mon groupe de toujours, que j’avais tant chéri et pour lequel j’avais tant donné venait de partir en fumée et j’étais dans un sale état. »

L : Comment avez-vous vécu le confinement ? Le disque était-il déjà dans la boîte avant ou bien l’avez-vous terminé pendant ou après ? A-t-il changé votre rapport au monde ? Et comment les événements tragiques comme celui-ci se traduisent (ou peuvent se traduire) dans votre musique ?

Olivier : L’album était déjà en boîte depuis 3 ou 4 mois lorsque la pandémie a commencé et, outre l’aspect anxiogène global, ce confinement à été malgré tout une aubaine créative.

Nous avons tous les trois des boulots à temps plein et nous nous sommes brutalement retrouvés bloqués dans nos appartements respectifs, avec beaucoup de temps devant nous. Nous avons donc pris de l’avance et passé une bonne partie du confinement à maquetter le prochain album à distance, en s’envoyant des idées par internet. On avait très peu de matos chez nous car tout est arrivé sans prévenir et ça été système D pour pouvoir s’enregistrer et s’envoyer nos parties respectives. Pour la petite histoire les basses d’Anthony (qui est encore pire que moi avec les nouvelles technologies) ont été enregistrées one-shot, avec le clic dans une oreille, et captées avec un téléphone portable posé à côté de son ampli hahah

Heureusement Chris qui était le plus outillé de nous trois à pu mixer et rattraper tout ça avec son logiciel. Et à L’arrivée ça sonne comme une vrai pré-prod !

On peut donc dire qu’on a déjà 80% du second Maudits concrètement maquetté 😉

A titre personnel cela n’a pas vraiment changé mon rapport au monde et donc n’a aucun impact direct sur notre musique. Cela fait un bout de temps que le système mondial s’enfonce dans la course à l’individualisme, l’argent et aux bénéfices à court terme. La gestion catastrophique et les conséquences de cette pandémie ne sont que la continuité de cette politique. Seulement là on commence à s’en rendre durement compte et on paye au prix fort le manque de moyens accordé au monde médical, aux hôpitaux qui ne peuvent pas gérer la situation. Et l’Etat préfèrent littéralement détruire certains corps de métiers, comme le monde du spectacle, la restauration etc, en appliquant des mesures totalement contradictoires et hypocrites comme ce couvre-feu. C’est bien connu le virus se couche à 6h du matin et se réveille à 21h. Par contre toute la journée dans les transports blindés il dort. Bref sans faire de politique de comptoir, non, cela n’a rien changé et pour moi ne fait qu’accélérer le processus destructif de ce système. Et si l’on s’en tient au monde du spectacle vivant c’est un véritable désastre. Aucun concert n’aura probablement lieu avant au moins l’été prochain. Je pense surtout à ceux qui vivent de la musique et franchement j’ai mal pour eux.

« A titre personnel cela n’a pas vraiment changé mon rapport au monde et donc n’a aucun impact direct sur notre musique. »

L : Comment pensez-vous défendre votre album vu que la scène, c’est mort pour l’instant ? Quels coups de main extérieurs sont salutaires pour défendre un projet comme le vôtre ?

Olivier : Eh bien pour le moment on fait comme beaucoup de formations et on va axer notre travail des prochains mois sur de la captation live vidéo. Dans différents endroits, différentes configurations. Nous avons même réarrangé certains morceaux pour tâcher de proposer quelque chose d’original, dans des lieux qui sortent de l’ordinaire.

Pour les coups de main pour le moment c’est limité car on se débrouille et on finance tout tout seul. Mais mes amis et collègues de Throane et ovtrenoir, notamment Dehn Sora et William Lacalmontie nous ont beaucoup aidés pour les vidéos, photos promo et divers visuels. Ils sont d’ailleurs tous deux responsables des superbes deux premiers clips pour les morceaux « Maudit » et « Verloren strijd »(dans lequel notre bassiste Anthony joue le personnage principal), et on va certainement collaborer pour les futures captations live. On essaie donc de créer notre réseau de musiciens /artistes graphiques en se donnant mutuellement des coups de main pour faire avancer les projets de chacun au mieux.

L : Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter de bon pour les jours, semaines, mois à venir ?

Olivier : De garder la foi malgré l’absence de live et que ce bouillonnement créatif, que l’on ressent depuis la naissance de « Maudits » perdure quoi qu’il se passe 😉

L : Merci d’avoir pris du temps pour répondre à ces quelques questions.

Olivier : Ce fut un plaisir merci pour ton interview !

 

Nous vous rappelons que l’album Maudits est déjà disponible chez Klonosphmauditsère et que vous pouvez relire la chronique déjà écrite à ce sujet (et y revoir la vidéo du titre Maudits).
Vous pouvez également retrouver le groupe sur Bandcamp et sur le site officiel du groupe.

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