Interview de Marrow

interview de marrow

crédits photos : Marrow

Nous avons posé quelques question à Marrow, rappeur canadien exigeant.

Le 21 octobre, Marrow sortait « Fission Two« , le deuxième volet de sa trilogie « Fission« . Le moins que l’on puisse dire, c’est que le rappeur canadien frappait fort avec cette nouvelle mixtape rassemblant presque une quinzaine de MC et autant de producteurs d’horizons divers (de la France au Japon). Instrus sombres et textes futuristes, en quinze titres (plus deux remixes), Marrow lâche ses coups de sa voix râpeuse comme du papier de verre. Et si l’on retiendra particulièrement l’infernal « Purpose » avec Tree Dusk Muir, l’expérimental « Oort Cloud » avec le MC japonais Senbyo ou encore le bruitiste « Oculus Red« , tous les morceaux méritent une écoute attentive et répétée. Mêlant classicisme boom-bap et expérimentations avant-gardistes, ce « Fission Two » est à coup sûr un des albums de la fin d’année. Ce qui nous a donné envie d’en savoir plus sur le natif de Kingston que la France avait connu avec « Four Four Timing« …

Les questions. (Interview’s english version on the second half of page)

Propos recueillis par Ben

Litzic : Le public français t’a souvent découvert grâce à ta collaboration avec la légende de l’underground lyonnais Grosso Gadgetto. Peux-tu nous parler de tes tout débuts en temps que MC ?

Marrow : J’ai sorti mon premier disque, une collection de chansons autoproduites, en 2006. Je venais de quitter l’université et je commençais à prendre le rap plus au sérieux. Il ne s’agissait plus seulement de freestyle à ce moment-là. Je faisais déjà des beats depuis un certain temps et j’ai monté ce projet. J’ai du mal à l’écouter aujourd’hui car, avec le recul, je trouve que c’est de la merde, mais à l’époque j’étais excité à l’idée de sortir quelque chose. J’ai sorti mon premier disque sous le nom de Routiger Slob, intitulé « Copper For Optimists », en 2009. Je venais de rejoindre l’équipe de New Cocoon en 2008. Je vivais encore à Kitchener à l’époque, une ville à l’ouest de Toronto. Je faisais des spectacles au Hive le week-end et, pendant la semaine, j’arpentais le parc Victoria, je buvais et j’essayais de trouver des filles à ramener à la maison. J’étais follement jeune à l’époque. C’était une époque légendaire.

L : C’est à partir de ce moment que tu pars à Toronto.

Marrow : Oui, j’ai déménagé à Toronto en 2011. Je venais de sortir « In The Nick of Time ». J’avais récemment quitté ma petite amie à l’époque et je recommençais à zéro dans une nouvelle ville. Ce projet était le deuxième pour lequel j’avais fait des supports physiques, étant non signé et indépendant. J’ai vendu environ 200 CD en faisant la manche à Bathurst et Bloor, en rappant le disque acapella et en le vendant au fur et à mesure. J’ai commencé à faire la première partie de groupes underground américains dans plusieurs salles de Toronto. J’enregistrais au studio Psychic Vibrations, un home studio dirigé par Deadcell, un DJ et producteur local de Dub Step et de Hip Hop. C’est à cet endroit et dans un autre studio appelé Slamsterdam à Kensington Market que j’ai enregistré « In The Nick of Time » et mon disque suivant, « Acid.Rain.Coat » en 2013. C’est le premier disque sur lequel AquariusMinded et moi avons collaboré. Il a produit le morceau titre et j’ai tourné une vidéo pour celui-ci sous la direction de « Observor », un artiste visuel et réalisateur de Toronto que beaucoup connaissent sous le nom de Jacob Weibe. Cette vidéo reste l’une de mes réalisations visuelles préférées pour une de mes chansons.

crédits photos : Marrow

L : C’est à peu près à cette période que tu commences à travailler sur des albums instrumentaux, c’est bien cela ?

Marrow : Oui, en 2014, j’ai sorti mon premier projet instrumental, un EP intitulé « Emperor Nevermind ». Mais pendant la réalisation de ce projet, j’ai continué à faire des spectacles, en ouvrant pour Non Phixion, Ceschi, Busdriver et Sole, entre autres. En 2015, j’ai sorti un EP en collaboration avec AquariusMinded, intitulé « The Gridshifters EP ». Au même moment, il formait le crew ‘Cinematic Rhythmatics’ et je l’ai rejoint peu après sa formation. C’était un petit collectif de producteurs du monde entier, dont RONINBEATS, Irah Cane, Deloise, Soul Shinobi et d’autres. J’ai sorti mon deuxième EP de beat, « Super Futures », en 2016 sous la bannière C.R.

L : Et peu de temps après, tu signes chez Milled Pavement Records…

Marrow : C’est ça. En 2018, j’ai sorti un court EP de rap industriel avec un autre membre de New Cocoon, Ilya Id, intitulé « Flux Apogee ». J’ai décidé de le proposer à quelques labels et il a été repris par Milled Pavement Records, un label alternatif de hip-hop/électronique de Portland, dans le Maine. C’était ma première sortie sur un label, tous mes précédents projets étant sortis par mes propres moyens. C’était aussi mon dernier projet sous le nom de Routiger Slob. Quelques mois après la sortie de Flux Apogee, j’ai repris mon nom d’origine « Marrow ». J’ai senti que la quasi-décennie de musique R.S. était un son que je souhaitais cesser et revenir aux origines de ce pourquoi je faisais de la musique : créer quelque chose d’original et d’évolutif. Je pense que j’étais à l’aise dans une façon de rapper pendant de nombreuses années et que je ne m’en écartais pas beaucoup. J’ai senti que cela devait changer. En 2019, j’ai sorti le premier projet Marrow en 13 ans et mon troisième album instrumental, une excursion lourde et matraquante appelée « Aviation of Pontius Pilate » sur le label internet de Chicago en cassette, Icy Palms Records et en numérique via Milled Pavement Records. J’ai ouvert pour Blockhead, Kool Keith, Heavy Metal King’s, Eternal de Wu Tang Killa Beez cette année-là. En 2020, je crois avoir sorti mon meilleur travail à ce jour : « The Damage Done ». Il s’agissait plus d’une mixtape en principe, en raison du nombre de producteurs différents impliqués. Mais quoi qu’il en soit, le temps que j’ai consacré à ce disque en dit long.

L : Impressionnant ! Raconte-nous un peu la genèse de Twin Tornadoes.

Marrow : À peu près à la même époque, j’ai créé le groupe Twin Tornadoes avec mon vieil ami Khalifa Bancroft, plus connu sous le nom de King Phoenix Pharoah, et nous avons commencé à travailler sur notre premier EP « Eyes of the Storm ». Nous nous sommes donnés de nouveaux noms spécialement pour ce groupe. J’ai pris le nom de Om Cyclonic et il s’est appelé Set’a Stormz. Nous nous connaissons depuis l’époque de Kitchener et je l’avais déjà fait figurer sur quelques morceaux de mon catalogue. Pour nos débuts, la production était sous la bannière de C.R. Ce disque détient une certaine magie, je le sens. Nous l’avons écrit très rapidement. C’était la première fois que je travaillais sur un disque entier avec un autre MC. A notre époque où les gens collaborent avec d’autres personnes qu’ils ne connaissent pas en dehors d’internet, il était important pour moi de construire un groupe avec quelqu’un que je connaissais et avec qui j’avais joué en live. En 2020, j’ai commencé à faire des instrus pour le premier album de Phoenix Pharoah.

crédits photos : Marrow

L : On en arrive à ce fameux EP réalisé avec Grosso Gadgetto. Votre collaboration a marqué les esprits ici.

Marrow : Oui, j’ai sorti un EP en collaboration avec ton ami Christian Gonzalez, connu sous le nom de Grosso Gadgetto. J’ai réalisé ce projet pendant une période de quelques mois sous l’influence d’hallucinogènes, le LSD, la psilocybine et le DMT étant les principaux. C’est mon travail le plus expérimental à ce jour. Nous l’avons sorti sur cassette chez Solium Records en France.

L : Revenons un peu sur le projet « Fission » dont le volume 2 vient de sortir. Tu disais tout à l’heure que, dès le début, il avait été pensé comme une trilogie. Peux-tu nous en expliquer le concept ?

Marrow : Le thème de la trilogie de mixtapes est la croissance, le changement, l’évolution. La pochette du volume 2 représente une tour d’habitation de mon quartier en cours de construction. J’ai pensé que c’était une métaphore visuelle appropriée pour la trilogie. J’ai utilisé le mot Fission parce que c’est l’énergie de liaison des protons et des neutrons dans le noyau de l’atome pour créer de l’énergie. Mais contrairement à la fusion, elle implique plus spécifiquement la division du noyau en petites parties instables qui peuvent être utilisées comme armes. Tout ceci est une métaphore de mon style d’écriture.

L : Comment choisis-tu les MC que tu invites sur tes titres ? Est-ce toi qui leur a proposé l’instrumental sur lequel tu les voyais intervenir ou leur as-tu laissé le choix des prods ?

Marrow : En général, je contacte quelqu’un et je lui communique l’instru sur lequel j’aimerais qu’il travaille, parfois plusieurs instrus différentes que je vais utiliser. Ça dépend.

L : Comment choisis-tu les prods de tes titres ?

Il y a des styles de production particuliers que je préfère. J’ai un groupe d’autres producteurs avec lesquels je travaille sur des projets. Et je produis certaines de mes propres chansons.

L : Les titres que tu donnes à tes morceaux ont souvent une dimension cryptique. Je pense souvent qu’un bon titre est essentiel pour faire un grand morceau. Qu’en penses-tu ?

Marrow : Je suis d’accord. Un bon titre est important. Non seulement pour introduire le morceau, mais aussi pour faire allusion à quelque chose de plus profond. Parfois, je réfléchis au titre d’une chanson pendant plus longtemps qu’il ne m’a fallu pour écrire la chanson elle-même.

crédits photos : Marrow

L : Tes textes présentent souvent un univers dystopique (on pense à « Difference Engine », « Oculus Red » ou « No Reserves »). La science-fiction tient une place importante dans tes inspirations. Quels sont les écrivains ou écrivaines qui t’inspirent ?

Marrow : J’adore la science-fiction. J’ai toujours été un grand lecteur, mais principalement de science-fiction. Philip K. Dick, Arthur C. Clark, Ray Bradbury, William Gibson, Alfred Bester et Ursula K. Le Guin sont parmi les écrivains qui m’inspirent le plus.

L : La technologie revient souvent dans tes textes. Dans « Difference Engine », tu évoques même des « nihilistic technofetishists ». Quel est ton rapport à la technologie ?

Marrow : De nombreux aspects de la technologie me fascinent, en particulier la manière dont les humains interagissent avec les machines, en tant qu’outil indépendant puis en tant que complément. La façon dont le monde numérique affecte notre état psychologique et notre détachement des environnements naturels dans les villes. L’automatisation du travail, le transhumanisme, le génie génétique, le développement de l’IA et son impact sur la société. Tout cela.

L : En même temps, la spiritualité semble tenir une place importante dans tes textes : que ce soit dans « Fall » ou « Oculus Red » par exemple. Quel est ton rapport à la spiritualité ?

Marrow : La spiritualité est une chose intéressante pour moi. Je ne crois pas en Dieu. Mais je crois en un champ d’énergie que j’appelle la Force ! Je pense que toutes les formes de vie organique ont une essence ou une « forme », comme le dit Platon. Je crois qu’il y a quelque chose de plus profond dans la matière que les atomes. Au moment de la mort, l’essence d’un être se déplace vers une autre dimension.

L : Malgré l’univers SF dans lequel tu sembles planter ton décor, on perçoit une résonance avec l’actualité. « The Explorer’s Comorbid » semble évoquer la colonisation et ses ravages et à la manière dont les Premières Nations sont traitées par les gouvernements nord-américains.

Marrow : Bien vu. Oui, « The Explorer’s Comorbid » est un récit édifiant. Lorsque mes ancêtres coloniaux blancs ont traversé l’Atlantique, les peuples des Premières nations ne savaient pas ce qui les attendait. L’occupation de l’île de la Tortue par les colons européens pendant 500 ans en est un bon exemple : une domination bien réelle d’une terre et un endoctrinement culturel de son peuple.
T.E.C. parle aussi de l’hypothèse générale de l’humanité selon laquelle nous sommes des êtres invincibles, choisis et supérieurs à tous ceux qui se trouvent dans notre sillage. Certains individus religieux vont jusqu’à croire que nous avons été créés et que nous sommes uniques dans l’Univers. C’est de la foutaise. Imaginez qu’une Amérique galactique nous rende visite. Maintenant, imaginez que nous sommes le Tchad de la Voie lactée, ou le Bangladesh. Ce serait un sacré réveil et cela unirait la Terre sous une bannière commune. Nous refusons de travailler ensemble de manière égale à l’échelle mondiale jusqu’à ce que nous y soyons obligés.

crédits photos : Marrow

L : On retrouve des références à l’actualité : la variole du singe (« No Reserves »), mais aussi la pollution et l’exploitation de la main d’oeuvre ouvrière (une phrase comme « pollution fogs our lives now below a sky contracted slave / side by side we died in traffic, not combat active » dans « The Explorer’s Comorbid »). Tu suis beaucoup l’actualité ?

Marrow : Je suis les événements mondiaux, les « nouvelles » sont souvent politiquement orientées. Je lis Reuters et certains journalistes de la presse libre. Pour moi, il est important de se tenir au courant de l’actualité mondiale, telle qu’elle se présente, factuellement, sans coloration politique.

L : Évoquons maintenant le Septième Art. Le cinéma de genre est important dans tes textes (les références à Dead Zone dans « Knew Molecules » ou à The Hills Have Eyes et Nightmare On Elm Street dans « Horror Groovy » mais aussi au cinéma asiatique dans « Fall »). Peux-tu nous en dire plus sur ton rapport au cinéma dans ta musique ?

Marrow : J’aime les films et en particulier les films d’horreur des années 80, la science-fiction et les films étrangers, les classiques : Cronenberg, Bela Tarr, Tarkovsky, Bergman, Wes Craven, John Carpenter, Kobayashi, Kubrick. J’aime aussi beaucoup les Anime de la fin des années 80 au début des années 2000.

L : On relève plusieurs références à la mythologie ou l’Antiquité dans tes textes : le minotaure, les Argonautes dans « Purpose », les pyramides dans « Blood on the leaves », Nebuchadnezzar dans « Oculus Red ». Quel est ton rapport à ça ?

Marrow : Je suis fasciné par les mythes et les légendes : les récits d’origines et la façon dont les différentes cultures ont évolué, l’histoire dont une bonne partie n’est pas enseignée dans les écoles occidentales… tout cela est très intéressant. J’aime les noms étranges des personnages importants d’autrefois. J’étudie la connaissance elle-même, apprenant de tous les domaines et disciplines et l’appliquant à mon travail. Cela inclut beaucoup d’idées et de schémas issus de l’antiquité, des mythes et des légendes.

L : On sent dans tes textes un soin particulier porté à la sonorité des mots avec ces allitérations caractéristiques de consonnes percussives. Est-ce quelque chose que tu fais sciemment ou qui te vient spontanément ?

Marrow : J’avais l’habitude de le faire sciemment. Comme toute structure de rime, les syllabes et le son des différents mots maillés en un motif étaient un jeu pour moi. J’essayais de faire le malin en faisant des jeux de mots et en accélérant la cadence. Je pense qu’avec le temps, j’ai commencé à penser à des schémas dans des structures conjointes d’allitérations et d’assonances. J’ai plusieurs « chambres » que j’utilise, différentes façons d’écrire. Si vous regardez une chanson comme Willow Tree, c’est davantage une description en vers libres de quelqu’un. Tout ne rime pas, c’est plus une succession d’images. Regardez ensuite mes vers sur « Knew Molecules ». Chaque mot est là pour une raison. C’est une suite de répliques et de doubles sens. Certaines chansons demandent beaucoup de réflexion, d’autres viennent facilement. C’est une question de temps.

L : Ceux qui suivent ton compte Instagram savent que tu es également un excellent photographe. Il y a une dimension sociale dans tes photos : ces buildings ultra modernes qui cohabitent avec ces reportages nocturnes, au cœur de la rue, de la très grande précarité avec tes photos de sans domicile fixe. Peux-tu nous en dire plus sur cet aspect de ton art ?

Marrow : J’aime les contrastes dans une image. L’ancien et le nouveau, ce qui est brisé et ce qui brille. La crise croissante de la santé mentale chez nos plus pauvres, alors que pendant tout ce temps, les nouveaux bâtiments restent à moitié vides : des mètres carrés pour les entreprises privées qui vénèrent la richesse. Nos gouvernements capitalistes ne s’investissent que très peu dans la prise en charge des plus vulnérables et des plus démunis. Cette apathie existe dans un cadre numérique de commerce et de médias d’évasion qui évolue rapidement. Nous existons pour consommer des produits. C’est de ces réalités que parle la majorité de mes photographies. Je recherche également des images qui révèlent des régions mystiques, la santé dans l’obscurité et des moments hors du temps.

L : Je crois également savoir que tu réalises toi-même tes vidéos. Ton but est d’être absolument autosuffisant ?

Marrow : Autant que possible, oui.

L : Quels sont les MC actuels et sous-côtés que tu recommanderais aux lecteurs ?

Marrow : Ka, DopeKNife, Armand Hammer, Dalek, Mathematik, Warcloud et Despot pour les artistes du début des années 2000.

L : Pour finir, peux-tu nous en dire un peu plus sur tes futurs projets ?

Marrow : Je sors ma quatrième beat tape à la fin février. Elle s’appelle « Hail Telemetry ». Le premier single, « Catalyst » est déjà sur YouTube. « Hail Telemetry » sortira sur Milled Pavement Records. En mai, je me produirai au Japon.

L : Merci pour ton temps.

Bandcamp Marrow : https://marrowraps.bandcamp.com/album/fission-two 

BenBEN

Frontman de Wolf City, impliqué dans des projets aussi divers que The Truth Revealed ou La Vérité Avant-Dernière, Ben a grandi dans le culte d’Elvis Presley, des Kinks et du psychédélisme sixties. Par ailleurs grand amateur de littérature, il voit sa vie bouleversée par l’écoute d’ « A Thousand Leaves » de Sonic Youth qui lui ouvre les portes des musiques avant-gardistes et expérimentales pour lesquelles il se passionne. Ancien rédacteur au sein du webzine montréalais Mes Enceintes Font Défaut, il intègre l’équipe de Litzic en janvier 2022.

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English version.

On October 21st, Marrow released « Fission Two », the second part of his « Fission » trilogy. The least we can say is that the Canadian rapper hit hard with this new mixtape gathering almost fifteen MCs and as many producers from various horizons (from France to Japan). Dark instruments and futuristic texts, in fifteen tracks (plus two remixes), Marrow drops his blows with his raspy voice like sandpaper. And if we will retain particularly the infernal « Purpose » with Tree Dusk Muir, the experimental « Oort Cloud » with the Japanese MC Senbyo or the noisy « Oculus Red », all the tracks deserve an attentive and repeated listening. Mixing boom-bap classicism and avant-garde experimentations, this « Fission Two » is for sure one of the albums of the end of the year. This made us want to know more about the native of Kingston that France had known with « Four Four Timing »…

Litzic : The French public has often discovered you thanks to your collaboration with the legend of the Lyon underground Grosso Gadgetto. Can you tell us more about you and your career ?

Marrow : I released my first record, a self-produced collection of songs, in ’06. I had recently dropped out of university and started to take rapping more seriously. It wasn’t about just freestyling anymore at that point. I had been making beats a little while and I threw the project together. It’s hard for me to listen to as I think it’s crap, but at the time I was excited to put something out. I dropped my first record under the name Routiger Slob called « Copper For Optimists » in ’09. I had just joined the crew New Cocoon in ’08. I was still living in Kitchener then, a city west of Toronto. In those days I was doing shows at The Hive on weekends and during the week I was hustling and freestyling in Victoria Park, drinking and trying to find girls to take home. I was mad young then. Those were legendary days.

L : That’s the moment you move to Toronto.

Marrow : Yes, I dropped « In The Nick of Time » after I moved to Toronto in 2011. I had recently left my gf at the time and was starting again in a new city. This project was the second I made physicals for, being unsigned and independent. I prolly sold 200 cd’s busking at Bathurst and Bloor, rapping the record acapella, selling as I went. I started opening up for underground acts from the U.S at several venues around Toronto. I was recording at the Psychic Vibrations studio, a home studio run by Deadcell, a local Dub Step and Hip Hop DJ and producer. That spot and another studio called Slamsterdam in Kensington Market were where I recorded both I.T.N.O.T and my follow up record, « Acid.Rain.Coat » in 2013. This was the first record that AquariusMinded and I collaborated on. He produced the title track and I shot a video for it under the direction of « Observor », a Toronto visual artist and Film Director whom many know as Jacob Weibe. This video remains one of my favorite visual accomplishments to a song of mine.

L : From this moment, you start to invest seriously in the production of instrumentals, am I correct ?

Marrow : It is. In 2014 I released my first instrumental project, an EP called « Emperor Nevermind ». During the making of this project, I continued to do shows, opening for Non Phixion, Ceschi, Busdriver and Sole, among others. In 2015 I dropped a collaborative EP with AquariusMinded called « The Gridshifters EP ». At the same time he was forming the crew ‘Cinematic Rhythmatics’ and I joined shortly after its formation. It was a small collective of producers from around the world, including RONINBEATS, Irah Cane, Deloise, Soul Shinobi and others. I released my second beat EP, « Super Futures » in 2016 under the C.R banner.

L : And soon after, you sign with Milled Pavement Records…

Marrow : That’s correct. In 2018 I dropped a short Industrial Rap EP with fellow New Cocoon member, Ilya Id called « Flux Apogee ». I decided to pitch it to a few labels and it was picked up by Milled Pavement Records, an alternative Hip Hop/Electronic label out of Portland, Maine. This was my first label release, with all my previous joints being released through my own means. It was also my final project under the name Routiger Slob. A few months after Flux Apogee dropped, I was signed to Milled Pavement Records and returned to my original moniker « Marrow ». The near decade of R.S music I felt was a sound I wished to cease and to return to the origins of why I made music: to create something original and evolving. I think I got comfortable in a way of rapping for many years and I didn’t deviate much from it. I felt that had to change. In 2019 I dropped the first Marrow project in 13 years and my 3rd Instrumental joint, a heavy, bludgeoning excursion called « Aviation of Pontius Pilate » on the cassette Chicago internet label, Icy Palms Records and digitally through Milled Pavement Records. I opened for Blockhead, Kool Keith, Heavy Metal King’s, Eternal of Wu Tang Killa Beez in that year. In 2020 I believe I dropped my best work to date at that point: « The Damage Done ». It was more of a mixtape in principle because of the number of different producers involved. But regardless, the time I put into that record speaks to it.

L : That’s impressive ! Please tell us more about the genesis of Twin Tornadoes.

Marrow : Around this time I started the group Twin Tornadoes with old friend Khalifa Bancroft, better known as King Phoenix Pharoah and we started work on our debut EP « Eyes of the Storm ». We gave ourselves new names specifically for this group. I took the name Om Cyclonic and he called himself Set’a Stormz. We know each other going back to the Kitchener days and I’d had him featured on a few tracks in my back catalog. For our debut, the production was under the banner of C.R. That record holds a certain magic I feel. We wrote it very quickly. It was my first time working on a whole record with another emcee. In this age when people collab with others they don’t know outside the internet, it was important for me to build a group with someone I knew and had performed with live. In 2020 I started making beats for Phoenix Pharoah’s debut album.

L : We come to this famous EP realized with Grosso Gadgetto. Your collaboration has marked the spirits here.

Marrow : At the end of that year I released a collaborative EP with your friend Christian Gonzalez, known as Grosso Gadgetto. I made the project during a period of a few months under the influence of hallucinogens, LSD, Psilocybin and DMT being the primaries. It’s my most experimental work to date. We dropped it on tape through Solium Records out of France.

L : « Fission » has been thought from the beginning as a trilogy. Can you explain to us the concept of it ?

Marrow : The theme of the mixtape trilogy is growth, change, evolution. The cover art for them is of a highrise development in my neighbourhood as it’s built. I thought this was an apt visual metaphor for the trilogy. I used the word Fission because it’s the binding energy of protons and neutrons in the nucleus of the atom to create energy. But unlike Fusion, it more specifically entails the splitting of the nucleus into smaller unstable parts which can be weaponized. All this is a metaphor for my style of writing.

L : How do you choose the MCs you invite on your tracks ? Is it you who proposed to them the instrumental on which you saw them intervene or did you let them choose the prods?

Marrow : I usually reach out to someone and share the beat I’d like them on, sometimes a few different beats I’m going to be using. Depends.

L : How do you choose the prods of your tracks ?

Marrow : There are particular styles of production that I prefer. I have a group of other producers that I work with on projects. And I produce some of my own songs.

L : The titles you give to your tracks often have a cryptic dimension. I often think that a good title is essential to make a great song. What do you think about it ?

Marrow : Agreed. A good title is important. To not only introduce the track, but elude to something deeper. Sometimes I’m thinking over a song’s title for a longer period than it took writing the song itself.
L : Your lyrics often present a dystopian universe (we think of « Difference Engine », « Oculus Red » or « No Reserves »). Science fiction holds an important place in your inspirations. Who are the writers who inspire you ?

Marrow : I love Sci Fi. I’ve always been a big reader, but Sci Fi especially. Philipn K Dick, Arthur C. Clark, Ray Bradbury, William Gibson, Alfred Bester, and Ursula K. Le Guin are amongst the writers who inspire me.

L : Technology often comes back in your texts. In « Difference Engine », you even talk about « nihilistic technofetishists ». What is your relationship to technology ?

Marrow : Many aspects of technology fascinate me, especially the way in which humans interact with machines, as an independent tool then as an augment. Also how the digital world affect our psychological state and our detachment from natural environments within cities. Automation of labour, Transhumanism, Genetic Engineering, the development of AI and their impact on society. All of this.

L : At the same time, spirituality seems to hold an important place in your texts : whether it is in « Fall » or « Oculus Red ». What is your relationship with spirituality ?

Marrow : Spirituality is an interesting thing to me. I don’t believe in God. But I believe in an energy field, call it The Force! I think that all organic life forms have an essence or « form » as Plato speaks of. I believe that there is something deeper to matter than Atoms. At the moment of death, the essence of a being moves onward into another dimension.

L : In spite of the sci-fi universe in which you seem to set your scene, we perceive a resonance with current events. « The Explorer Comorbid » seems to evoke the colonization and its ravages and the way the First Nations are treated by the North American governments.

Marrow : Good insight. Yes, The Explorer’s Comorbid is a cautionary tale. As my white colonial ancestors crossed the Atlantic, the First Nations People didn’t know what could possibly be in store. The 500 year occupation of Turtle Island by European settlers is a thing. A very real domination of a land and cultural indoctrination of its people.
Also T.E.C speaks to mankind’s general assumption that we’re badass, unstoppable beings, chosen and superior to all in our wake. Some religious individuals go so far as to believe that we were created and singular in the Universe. This is rubbish. Imagine a galactic America paying us a visit. Now imagine we are Milky Way Chad, or Bangladesh. It would be a hell of a wake-up call and would unite Earth under one common banner. We refuse to work together equally on a global scale until we have to.

L : There are references to current events: monkeypox (« No Reserves »), but also pollution and the exploitation of the workforce (a phrase like « pollution fogs our lives now below a sky contracted slave / side by side we died in traffic, not combat active » in « The Explorer’s Comorbid »). Do you follow the news a lot ?

Marrow : I follow world events, « news » is often politically shaded. I read Reuters and certain journalists in the free press. For me it’s important to keep up to date on global current events, as they transpire. Without a political coloring.

L : Genre cinema is important in your lyrics (references to Dead Zone in « Knew Molecules » or to The Hills Have Eyes and Nightmare On Elm Street in « Horror Groovy » but also to Asian cinema in « Fall »). Can you tell us more about your relationship with cinema in your music ?

Marrow : I love movies, especially 80s Horror, Sci Fi and foreign stuff, classics: Cronenberg, Bela Tarr, Tarkovsky, Bergman, Wes Kravin, John Carpenter, Kobayashi, Kubrick, I also really like late 80s to early 2000s Anime.

L : There are several references to mythology or Antiquity in your lyrics : the minotaur, the Argonauts in « Purpose », the pyramids in « Blood on the leaves », Nebuchadnezzar in « Oculus Red ». What is your relation to that?

Marrow : I’m fascinated by myth and legend: origin stories and how different cultures evolved. History, and a good portion untaught in western schools… all this is very interesting. I dig strange names of prominent people in the long ago. I study knowledge itself, learning from all fields and disciplines and applying it to my work. This includes a lot of ideas and schemes wrought from antiquity, myth and legend.

L : We feel in your texts a particular care given to the sound of the words with these characteristic alliterations of percussive consonants. Is it something you do consciously or that comes to you spontaneously?

Marrow : I used to do it consciously, like any rhyme structure, the syllables and the sound of different words meshed into a pattern is the game. I was trying to be the illest with wordplay and cadence. I think over time I just started thinking of schemes in conjoined alliterative and assonant structures. I have several chambers I use, different ways of writing. If you look at a song like Willow Tree, it’s more a free verse description of someone. Not everything rhymes, it’s about the images. Then look at my verse on « Knew Molecules ». Every word is there for a reason. It is a sequence of punch lines and double entendres. Some songs take a lot of forethought, others come easily. It’s all about time put in.

L : Those who follow your Instagram account know that you are also an excellent photographer. There is a social dimension in your photos: these ultra modern buildings that coexist with these night reports, in the heart of the street, of the very precarious with your photos of homeless people. Can you tell us more about this aspect of your art ?

Marrow : I like contrasts in an image.The old and new, the broken and shining. The growing mental health crisis among our poorest, while all the time new buildings remain half empty: square footage for the private enterprises who worship wealth. Our capitalist governments are minimally invested in providing for the most vulnerable and damaged. This apathy exists amongst a rampantly evolving digital framework of commerce and escapist mediums. We exist to consume products. These realities are what the majority of my photography speaks to. I also look for images that reveal mystical regions, health amidst darkness, and moments out of time.

L : I also understand that you make your own videos. Is your goal to be absolutely self-sufficient ?

Marrow : As much as possible, yes.

L : What are the current underrated MC’s that you would recommend to readers ?

Marrow : Ka, DopeKNife, Armand Hammer, Dalek, Mathematik, Warcloud and Despot’s music in the early 2000s

L : Finally, what’s your plans for the future ?

Marrow : I’m releasing my 4th beat tape in late February. It’s called « Hail Telemetry ». The first single, « Catalyst » is on YouTube. It’ll be coming out on Milled Pavement Records. I’ll be performing in Japan in May.

L : Thank you for your time.

Bandcamp Marrow : https://marrowraps.bandcamp.com/album/fission-two 

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