[ NOUVELLES ] GUY TORRENS, Les cendres muettes.

Recueil de nouvelles de Guy Torrens, Les cendres muettes (Edilivre).

Guy Torrens est un adepte de la nouvelle. Si celles peuplant La tectonique des planques ,nous avaient fortement plu,  nous ne pouvons pas dire que Les cendres muettes nous laissent insensible. Nous y retrouvons la patte de Guy Torrens, forcément, mais avec une thématique légèrement différente.

Transmission.

Les cendres muettes s’ouvrent sur une nouvelle de 75 pages, du même titre. Cette nouvelle est celle d’un homme qui désire que ses cendres reposent là où il a passé une partie de sa jeunesse, dans le quartier de Saint-Eugène, au bord de la mer Méditerranée (Saint-Eugène est en Algérie). Nous n’en disons pas plus pour ne rien dévoiler de cette histoire mais sachez simplement qu’elle met en scène Eugène, Josette, une ancienne prostituée, et Saïd, un jeune homme, présumé Algérien d’origine, en errance à Marseille, la ville où tous se côtoient bon gré mal gré.

Cette histoire en est une sur la transmission, sur le respect et la tolérance. C’est aussi l’histoire du bilan d’une vie. Eugène y raconte son existence, pour que tous comprennent son désir de voir ses cendres dispersées à Saint-Eugène. Comme d’ordinaire avec Guy Torrens, il y a beaucoup de pudeur, de délicatesse à conter la vie de ce vieillard solitaire et taiseux, qui a gardé ses secrets jusqu’au moment de révéler à son amie et voisine Josette son choix de reposer dans le pays qui a bercé son enfance. Difficile de ne pas y voir un clin d’oeil à la propre vie de Guy Torrens, lui-même Algérien de naissance (même s’il n’a pas l’âge d’Eugène, loin s’en faut).

D’autres histoires, en vrac.

Si cette nouvelle est la plus longue, la plus « documentée », les autres qui peuplent Les cendres muettes sont plus brèves, et parfois totalement métaphoriques. Mais on y retrouve des fragments de transmission, de mémoires, de drames indélébiles. Et nous retrouvons au moins deux amis de longue (ou brève, tout dépend) date, à savoir Yukio et Kenji (ici Keiji), déjà présent dans le très beau roman Les saisons de l’après (dont vous pouvez retrouver la chronique ICI). Il y a peut-être, dans ce recueil, plus de noirceur et de mélancolie, mais toujours cette plume affûtée qui rend ces histoires captivantes, musicales, visuelles.

Le thème de l’homosexualité y est moins présent que dans Les saisons de l’après et que dans La tectonique des planques, mais la poésie y est toujours très présente. Mais ce qui lie le tout ici, c’est ce climat plus désabusé, un peu plus triste. Les couleurs sont plus ternes, pourtant, il nous est impossible de nous détacher de ces histoires, comme si elles étaient partie intégrante de notre vécu. Elles trouvent des résonances dans les petits éléments du quotidien (celui des narrateurs successifs comme du notre). Cette proximité favorise l’immersion, au point de ne faire plus qu’un dans nos pensées, dans nos tripes même parfois.

La magie des nouvelles…

la magie des nouvelles de Guy Torrens, et encore plus dans Les cendres muettes, est qu’elle nous plonge dans une extraordinaire banalité, ou dans une banalité extraordinaire, fait ressortir des éléments forts d’univers qui, souvent, n’attireraient pas l’oeil. Un peu comme s’il mettait en relief ce qui semble être plat, comme s’il exacerbait les sentiments pour les rendre plus flamboyants. Pourtant, il n’y a pas de supercherie, pas d’effet de style, tout est dans la sobriété, dans ce peu de mots qui en dit tellement plus, puisqu’il ouvre le champ des possibles et surtout celui de l’imaginaire.

Certaines nouvelles nous bousculent fortement, un peu comme si elle touchait à une part de notre inconscient. Et d’autres nous touchent tout autant par les thèmes qu’elles abordent. Aucune ne nous laisse indifférent, toutes nous concernent, d’une façon ou d’une autre. N’est-ce pas là la preuve d’un grand talent. Si vous en doutiez, Guy Torrens en déborde, de talent(s). Et nous vous invitons à le découvrir de toute urgence !

Guy torrens les cendres muettes

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Retrouver la poésie Le noyé de la Saint-Jean ICI
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Retrouver la chronique de La tectonique des planques ICI

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