GABRIEL KEVLEC, Sous mi (nouvelle)
Découvrez la plume de notre auteur du mois.
C’est un incontournable de la rubrique l’auteur du mois : le texte de l’auteur en question. Gabriel Kevlec, afin que vous puissiez vous faire une idée de la teneur de sa plume, nous offre Sous mi, une nouvelle pleine de sens(ualité), de musique, de corps. Une très belle introduction à l’univers de l’auteur.
Sous Mi
T’ai-je déjà dit à quel point j’aime la musique ?
Ces cordes et cuivres qui font vibrer l’air, car ce n’est que cela, finalement, de l’air qui frissonne. Rien de plus que des ondes qui se propagent et m’étreignent, grâce auxquelles je bâtis des mondes oniriques sans limites, des contes en accords mineurs qui me poursuivent jusque tard dans la nuit.
Et hier soir, quelques notes m’ont porté jusqu’à toi.
Nous ont portés jusqu’à ta peau.
Le violon me raconte les cordes restreignant tes poignets et chevilles attachés, étirant ton corps dans une position à la lubricité troublante. Nu sur ce lit que ton corps traverse, tu halètes et ta poitrine se soulève en un rythme crescendo lorsque tu aperçois ce que je tiens à la main, ce bandeau de velours noir qui va venir te voler la vue et te laisser entièrement à ma merci.
Non… à notre merci.
La harpe me décrit cette femme qui se dévoile à peine tes yeux recouverts. Comme moi, elle ne peut détacher son regard de ta peau si pâle sur les vagues des draps défaits, des petits éclats de lumière que ton bracelet de perles noires et ta montre jettent sur les murs. Ton torse large se fait plage, dardant ses tétons en récifs minuscules saillant leur arrogance. Tu n’as pas encore été touché, mais tu bandes déjà, et ta queue lourde et tendue accroche nos iris taillés dans la même aigue-marine. Nos doigts s’égarent, sèment des trilles sur tes épaules, caressent les poils noirs et argents ornant ta poitrine, filant vers ton ventre, dévalant tes cuisses maintenues ouvertes par les liens.
Le piano me décrit nos langues qui te repeignent par petites touches, noires posées sur tes clavicules, ta barbe griffant nos visages, blanches remontant le long de ta gorge, s’attardant un peu sur ta pomme d’Adam qui sursaute, trahit ton émoi. Tu sens ses doigts et puis les miens, la caresse de ses cheveux blonds et lisses contre ta joue, celle de mes boucles sauvages le long de ton flanc. Et enfin, enfin, sa bouche tendre et rose sur la tienne, sa langue goûtant tes lèvres, baiser étourdissant à la saveur diabolique. Elle t’abandonne et je prends sa suite, savourant à mon tour les reliefs délicats de ta bouche léchée, embrassée, mordue, par moi, par elle, par nous, de concert, tendre harmonie qui t’arrache soupirs et frissons.
La cécité explose tes sensations, tu tressautes, et ton cul se soulève, ta queue appelant main, bouche, tout à la fois. Tu réclames. Une goutte liquoreuse sourde déjà au bout de ton gland.
Ce soir, tu es à nous.
Ce soir, tu es instrument splendide des notes les plus profondes.
Ce soir, tu vas chanter…
Elle enjambe ta cuisse, s’y agenouille avec grâce, s’y caresse lentement, maculant de cyprine ta peau vernie de sueur. Lorsqu’elle se penche, ses seins lourds te caressent et l’envie me prend d’y poser mes mains, d’empaumer cette douceur, d’y amarrer ma bouche. La pointe de sa langue vient cueillir la goutte de nacre que ta queue impatiente a crachée, et puis joue l’indécise sur ton gland, titillant, s’écartant, revenant ingénue et timide. Ta respiration se fait plus profonde. Le spectacle est à la hauteur de mon envie de toi : étourdissant. Par mimétisme, j’adopte la même position qu’elle. Tu sens contre ta jambe mon sexe roide puis ma langue qui s’ajoute à la sienne, mêlant nos salives sur ton vit dressé, pulsant sous nos assauts. S’embrasser sur toi est une folle expérience musicale, je dévale ta chair et elle t’embouche, je te suce et elle te lape, et nos lèvres dansent de ta queue à tes couilles, descendent d’une octave, chuintement de tes poils gangués de nos sirops contre nos joues, clapotis léger de notre empressement, tu combles sa gorge puis la mienne, et elle revient, elle en veut plus, le nez dans tes courtes boucles noires, et j’en veux plus, aspirant ta mouille qui point, la précipitant entre ses lèvres en un baiser qui a ta saveur.
Chef d’orchestre de ce concert improvisé, je défais les nœuds qui te raccrochent à la literie, mais laisse les cordes autour de tes poignets, entraves symboliques qui laisseront sur ta peau quelques rougeurs d’émoi. Mais veux-tu seulement être libéré ?
Sous mi, tu es soumis ; docile et aveugle, tu suis les mouvements que je t’impose. Un coussin sous ses fesses, elle s’est allongée, occupant la place chaude qui était la tienne quelques instants auparavant. Entre ses cuisses, ses nymphes dégorgent de cyprine, pétales ouverts dégoulinant de nectar. Je t’agenouille devant sa superbe, tu obéis. Dans mon ventre crépite le feu de ce pouvoir que tu me cèdes. Impérieux, je te branle avec une lenteur extrême, et te rapproche d’elle. Tu ancres tes coudes au matelas de part et d’autre de son corps, si proche et encore si loin d’elle. Et dans l’espace entre vous, je joue.
Comme ils sont beaux, mes instruments…
Ton sexe entre mes doigts devient jouet avec lequel je la caresse, la frôle, l’écarte, la frustre. Vos gémissements me ravissent. Quand je te précipite dans son fourreau, elle feule, t’enroule de ses jambes et je me pâme. Je t’empale dans sa chatte, accord parfait, et tu restes immobile, niché palpitant au fond de son corps. Tu attends l’ordre. Cet ordre.
— Baise-la.
Un coup de reins, les percussions des peaux qui claquent s’ajoutent à ma composition. Je m’hypnotise sur l’image de ta queue martelant ses chairs de garance, sa bouche ouverte comme une plaie de luxure sublime, vermeil profond sous le bleu de ses yeux.
Sous mi, il y a do.
Ton dos.
Ton dos que je flatte, lissant ta chute de reins jusqu’à ton cul que je fends de ma main. D’un doigt, j’agace, provoque le creux, et puis comble le vide, t’envahis, du majeur, de l’index en plus, tournant, doigts en serre massant ta prostate, doigts en ciseau t’ouvrant pour moi et pour moi seul, doigts en pistant déflorant cette trouée profonde, calquant ton rythme qui s’accélère. Je veux plus. Je veux l’extase, le paroxysme musical, explosion de cuivre, cymbales de nos peaux battant une mesure organique, orgasmique, et je te veux maintenant.
— Stop. Ne bouge plus.
Elle laisse échapper un râle de frustration qui m’enchante. Je darde mon sexe contre ta rondelle, agace ton seuil avant de m’empaler en toi. Chaleur de ton fourreau de soie. Pris de la queue jusqu’au cul, l’apnée t’emporte quelques instants sur les rivages d’un plaisir entier. Lorsque je me recule pour m’enfoncer plus loin dans ton cul, c’est elle qui gémit. Tu es devenu pont sur la rivière ; je te prends, et c’est elle que je baise à travers toi. Chacun de mes assauts devient onde traversant ton corps, te précipitant en elle ; je suis l’épicentre, tu te fais séisme, elle se fissure d’un plaisir dévastateur. Magnitude neuf, Richter enculé ravageant sa chatte, et ses murs cèdent, et elle crie à en éclabousser les murs, et elle mouille à en éclabousser les draps, si belle ainsi drapée de ton corps, si belle ainsi vernie de ta sueur, si belle que je ne sais plus si c’est au fond de ton cul ou de son con que je veux mourir.
Tu halètes, tu grognes, râles sourds que je viens t’arracher, dis, tu me sens qui t’écartèle ?, tu me sens qui te creuse jusqu’à la garde ?, tu sens mes couilles contre les tiennes ?, tu sens sa fournaise liquoreuse qui te branle mieux qu’une main ?, tu sens ses mains sur tes épaules, et les miennes sur tes hanches ?
Dis, tu sens à quel point tu es nôtre, soumis à nos envies, à notre urgence de jouir, là, en toi, sur toi, de toi ?
Sous mi, il y a ré.
Ta raie qui s’inonde de sueur, tes digues te fissurent, torrent qui bouillonne dans tes testicules, la pression qui monte, je le sais, je le sens, elle doit le sentir aussi.
Alors je décule et d’un bras t’arrache à elle, tremblant de frustration. J’impose ta main sur ta queue, rythme erratique, je veux que tu te caresses au-dessus de son corps ouvert comme un fruit trop mûr, je veux voir ton foutre gicler et napper sa fente, je veux que tu me voies m’en maculer les lèvres en la butinant, m’abreuvant à la source de vos amours soumises à mon bon vouloir, alors retire ce bandeau, regarde-moi, regarde-moi la faire jouir à ta place, papilles explosées de sperme et de cyprine, encore, encore, jusqu’aux cris, jusqu’à la note parfaite…
Sous mi, il y a toutes les notes de sa poitrine et de la tienne sous ma baguette.
Soumis, il y a des fantasmes qui ne se racontent qu’en musique…
Ce texte, Sous mi, est publié avec l’aimable autorisation de Gabriel Kevlec.
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