ERWAN BARGAIN SUITE ET FIN de l’interview
Suite et fin des questions à Erwan Bargain.
Nous vous dévoilons la fin des réponses à l’interview à laquelle à répondu Erwan Bargain. Notez bien qu’il sera en séance de dédicace très prochainement, une occasion de le rencontrer et de discuter avec lui de son univers. On vous engage, dès que vous le pouvez, à aller à la rencontre des auteurs et autrices lors de telles séances. Les échanges y sont riches et les écrivain.e.s sont toujours ouverts à la discussion. Découvrez sans plus attendre la suite et fin de l’interview de notre auteur du mois.
L’interview
Litzic : Comment t’organises-tu pour écrire ? Qu’est-ce qui t’incite à te diriger plutôt vers la poésie que le roman jeunesse par exemple ? As-tu un calendrier devant toi afin de te forcer, peut-être, à aller dans des directions différentes quand tu « tournes » en rond sur une thématique particulière ?
Erwan Bargain : Je n’ai pas d’organisation particulière et je suis même d’un tempérament désordonné voir « bordélique ». Tout dépend de l’inspiration. En général, pour les romans jeunesse, je pars d’une simple idée, d’une situation ou d’un personnage. Je note cette idée sur un carnet, puis j’y réfléchis tout en me consacrant à autre chose ou à un autre projet. Et dès que le fil de l’histoire se met en place alors je me lance dans l’écriture. Pour la poésie, c’est un peu pareil. Il me suffit d’avoir les deux premiers vers en tête, les rimes adéquates et les thèmes que je souhaite aborder à travers le poème et je me lance. Mais pour la poésie, je dirai que c’est moins rationnel, qu’il y a une part de liberté, d’improvisation plus importante que pour un livre jeunesse, un roman ou une nouvelle car la fiction répond à des codes et à un cadre plus précis. Une histoire à un début, un milieu, une fin, il faut qu’il y ait des évènements, des accidents, un certain suspense qui incite le lecteur à poursuivre la lecture. En poésie, la forme est plus libre, il y a moins de contraintes même si j’ai une poésie qui très rythmée et rimée et qui impose, d’une façon ou d’une autre, même inconsciente, un certain cadre. Mais dans l’ensemble, je considère la poésie comme un espace de liberté où je joue avec la langue, où je me permets des néologismes, où je peux tordre le cou à certains mots. Bref où je me lâche sans doute plus que pour une fiction. Mais comme j’écris actuellement des poèmes de plus en plus en longs (à l’image de ceux de Qui Soliloque et autres Solos, publiés aux éditions Caractères), il m’arrive de passer plusieurs semaines sur un texte poétique comme c’est le cas actuellement car je le remanie continuellement, je change des mots, des rimes, un peu comme si j’assemblais les pièces d’un puzzle mental. Ce qui n’était pas le cas sur mes premiers recueils où mes poèmes étaient plus courts et donc finalisé plus rapidement, parfois même en quelques minutes.
L : Quel processus se met en place pour te lancer dans l’écriture d’un roman ? Tout démarre-t-il d’une inspiration ou, comme je le pressens, d’un élément vécu que tu retranscris au plus près des ressentis ?
Erwan Bargain : A vrai dire, ça dépend. Il est vrai que pour mes romans jeunesse, je pars souvent de mon vécu et de mon ressenti et de thèmes liés à l’acceptation de soi, la différence, l’amour, le temps qui passe, la nostalgie de l’enfance…Mais cela peut également venir d’une idée, d’un personnage, d’un début d’histoire. Par exemple, j’ai écrit il y a peu une histoire (destinée je l’espère à devenir un album jeunesse), intitulée Le Petit Sirein. Je suis juste parti de l’idée d’une sirène mais au masculin et j’ai ainsi pu traiter du thème de l’homosexualité. Pour les nouvelles fantastiques ou horrifiques que j’écris depuis quelques années, c’est différent. Il me faut une idée forte qui se prête à une chute tout aussi forte car dans mes nouvelles pour adultes, je travaille sur la chute et l’effet de surprise. Il est donc plus question de suspense, de faire monter la tension, de guider le lecteur là où il ne s’attend pas à aller. C’est un exercice différent, moins dans le ressenti et plus dans la construction narrative. Pour la poésie, c’est évidemment du ressenti, voir des opinions, des engagements, des colères, des révoltes par rapport au monde qui nous entoure.
je suis très fier de Bande de Sauriens
L : Comment se déroule l’écriture de tes romans : as-tu un plan clairement défini, ou bien y vas-tu la fleur au fusil et advienne que pourra ?
Erwan Bargain : Alors, ce n’est pas bien de l’avouer, mais j’y vais la fleur au fusil. Disons que j’ai en tête un début, un milieu, une fin et que je me laisse la plupart du temps embarquer par mes personnages (qui prennent vie au fur et à mesure de l’écriture même si quelques traits de caractère sont posés dès le départ) et par mon inspiration du moment. J’ai quelques étapes de l’histoire mais pas de plan défini ni définitif. J’aime ce côté improvisation (peut-être que cela me vient de mes expériences poétiques ou musicales, je ne sais pas, ou alors de mon côté bordélique). Et il m’arrive parfois de bifurquer, voir de changer la fin que j’avais prévue selon le comportement de mes personnages ou selon mes envies qui, entre l’idée et sa concrétisation, ont changé.
L : Comment procèdes-tu lors de tes phases de corrections ? T’imposes-tu une séance de lecture à voix haute ? Demandes-tu un regard extérieur ?
Erwan Bargain : Pour la poésie, je lis et relis à haute voix car je cherche une musicalité dans la langue. Pour la fiction, je ne relis pas à voix haute, mais silencieusement. Et après deux ou trois relectures, en ce qui concerne la littérature jeunesse uniquement, je donne le manuscrit à ma fille qui me donne son avis. Avec le temps, son opinion est de plus en plus aiguisée et elle est de bon conseil. Avant, mon épouse était ma première lectrice, mais ses activités professionnelles dans le monde du théâtre étant de plus en plus prenantes, elle n’a guère le temps de lire ce que j’écris. Bref, pour la poésie, les nouvelles, mes essais, mes livres pour adultes, je me fais confiance, pour la littérature jeunesse, j’ai le regard extérieur de ma fille Nao qui m’aide d’ailleurs parfois à trouver des titres, voir des idées. Comme ce fut le cas pour mon ouvrage La Petite fille qui voulait avoir un ciel publié aux éditions Le Pré du Plain où tout est parti d’un dessin qu’elle avait fait quand elle avait six ou sept ans. Elle avait dessiné une petite fille dans un univers coloré et verdoyant mais avait laissé le ciel en blanc. Je lui avais alors posé la question : Pourquoi as-tu tout colorié sauf le ciel ? Et elle m’avait répondu du tac au tac : Ben c’est une petite fille qui veut avoir un ciel. J’avais trouvé sa réponse très poétique et de là j’ai imaginé une histoire qui est devenue un livre.
L : Qu’est-ce qui s’avère le plus dur dans le métier d’auteur, pour toi ? Les relectures ? Le démarchage ? La promotion ?
Erwan Bargain : Sans hésiter la relecture et le démarchage. Car quand je relis un manuscrit, j’ai déjà, souvent, un autre ouvrage voir plusieurs en tête ou en cours d’écriture et que j’aime me « débarrasser » rapidement d’une histoire pour pouvoir passer à autre chose. Et le démarchage car attendre la réponse d’un éditeur qui peut prendre plusieurs mois à arriver est sans nul doute une position que je n’apprécie guère. Un auteur et un éditeur ne sont jamais sur la même temporalité et gérer ce décalage, même avec mes années d’expérience, n’est pas toujours simple. Mais, comme je travaille sur plusieurs projets en même temps, cela me permet de ronger mon frein, comme on dit et de penser à autre chose. En général, je travaille sur deux ou trois projets simultanément donc je me replonge vite dans l’écriture.
Le métier d’écrivain est fait d’incertitude constante et parfois on envoie des coups d’épée dans l’eau.
L : Quel est l’ouvrage dont tu es le plus fier ?
Erwan Bargain : C’est difficile à dire. En général, on aurait tendance à répondre du dernier ouvrage, en l’occurrence Zombies des visages, des figures et du prochain livre à sortir. Mais disons, que je suis très fier de Bande de Sauriens, car je pense qu’il s’agit d’un texte qui dans sa forme et son fond est assez original étant donné qu’ il s’agit d’une fable en rimes. Je suis également très fier, pour d’autres raisons, de La Petite fille qui voulait avoir un ciel car tout est parti d’un dessin de ma fille, comme je te le disais auparavant. Et puis de Qui soliloque et autres solos, car c’est un livre sur lequel j’ai travaillé plusieurs années, que j’ai pris le temps de peaufiner, de fignoler et je pense que le résultat est à la hauteur. Je pourrais également te citer Poèmes Carnivores car c’était mon premier ouvrage publié et qu’il conserve à mes yeux une saveur particulière ou encore Trois Histoires de Cœur car il résume bien mes thématiques abordées dans la littérature jeunesse. Dans l’ensemble, je suis relativement satisfait de la plupart des livres que j‘ai publiés. Hormis deux ou trois qui sont vraiment très mauvais, je pense notamment à Altérations ou la théorie de Corto, un roman de Science-Fiction dont j’aurai dû me passer. Il faut en effet avouer qu’il arrive parfois que je me plante carrément et que j’écrive de la m*****. Mais comme je suis têtu, je vais jusqu’au bout, je n’aime pas commencer quelque chose et ne pas aller au bout. Et quand ce genre de mauvais bouquin naît, même s’il trouve un éditeur, je n’en suis pas fier, crois-moi.
L : Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
Erwan Bargain : Comme souvent je travaille sur plusieurs projets à la fois. J’ai achevé L’île et nous (titre provisoire), un album jeunesse à sortir en novembre chez Hélium/Actes Sud. Je suis en contact avec un ou deux éditeurs pour Le Petit Sirein, autre projet d’album illustré autour du thème de l’homosexualité. Je viens d’achever la rédaction d’Ursule, loup comme un agneau, encore une histoire pour enfants pour lequel je me suis mis en quête d’un éditeur. Parallèlement, j’espère achever prochainement un recueil de nouvelles fantastiques et horrifiques sur lequel je travaille depuis quelques années (certaines de ces nouvelles ont été publiées dans les anthologies collectives Ténèbres, aux éditions Dreampress). J’ai également commencé un nouveau recueil de poésie provisoirement intitulé Cheval Fou (je dois par ailleurs apparaître dans une anthologie de la poésie mondiale à paraître à la rentrée aux éditions Caractères). Et je me suis lancé dans un Dictionnaire amoureux et passionné du cinéma d’horreur et d’épouvante contemporain, dictionnaire subjectif pour lequel je suis en contact avec quelques éditeurs sans véritable garantie qu’ils le publient car c’est un pavé et un projet un peu titanesque. Sinon, j’ai plusieurs idées pour des livres destinés à la jeunesse, idées pour le moment jetées sur le papier et auxquelles je vais rapidement m’atteler. Et puis, je suis également sur l’écriture d’un scénario de BD intitulé De Tout Repos mais pour lequel je n’ai pas encore trouvé de dessinateur et qui ne verra peut-être jamais le jour. Le métier d’écrivain est fait d’incertitude constante et parfois on envoie des coups d’épée dans l’eau.
Ecrire est un acte solitaire et c’est un moment où je me retrouve face à moi-même
L : As-tu quelques recettes à nous dévoiler concernant l’écriture de roman jeunesse ? Le public y est très exigeant !
Erwan Bargain : Je n’ai pas de recettes à proprement parler. En ce qui me concerne, je pars d’une situation ou d’un personnage, parfois j’ai un plan en tête, parfois non, mais si je le sens bien je me lance rapidement dans l’écriture en gardant en tête que le public jeunesse est un public exigeant. Il faut avoir un vocabulaire adapté sans prendre les enfants pour des idiots. C’est pourquoi, parfois, je glisse dans mes textes quelques mots un peu plus difficiles ou des jeux de mots qui peuvent, je l’espère éveiller leur curiosité. Après, même si j’ai des thèmes de prédilection, je ne m’interdis aucun sujet car les enfants sont parfois plus ouverts d’esprit que les adultes.
L : Comment conçois-tu l’écriture ? Je veux dire, si à l’origine elle était présente pour exprimer ton mal être, aujourd’hui, que te procure-t-elle ?
Erwan Bargain : Tout dépend des jours. Ecrire est un acte solitaire et c’est un moment où je me retrouve face à moi-même. Cela peut m’apporter de la sérénité, un certain bien-être, de la satisfaction ou au contraire me mettre en danger, créer une certaine forme d’instabilité. Tout dépend de ce que j’écris. Quand j’écris de la littérature jeunesse et de la fiction, en général, je suis dans mon imaginaire, un peu comme dans un cocon, c’est assez rassurant même si je me prends la tête pour trouver les mots justes, pour rendre le récit fluide et intéressant. Quand j’écris de la poésie, c’est différent, je me fais parfois violence car j’exprime réellement ce que je suis, mes émotions, mes sentiments, mes colères…En poésie, c’est un peu comme si je me tendais un miroir et le reflet que j’y vois n’est pas forcément flatteur même si avec le temps, je m’y suis habitué. Ecrire un essai est encore un autre exercice, c’est un travail qui repose beaucoup sur des recherches, sur l’élaboration d’une pensée que je tente de rendre accessible au lecteur. Il s’agit d’une écriture plus cartésienne, plus cadrée. Mais disons que comme écrire est l’une des seules choses que je sais faire, quand je suis devant ma feuille blanche ou devant mon écran, je suis dans mon élément. Un peu comme un poisson dans l’eau même si parfois la mer peut être agitée.
L : Combien de temps écris tu par semaine approximativement ? Dois-tu être dans des conditions particulières pour le faire ?
Erwan Bargain : J’écris au moins six heures par jour, au minimum. Il m’est parfois arrivé d’écrire durant douze heures, mais pas forcément d’affilée. Tout dépend de l’état d’esprit et du projet sur lequel je travaille. Certains jours, les mots viennent tout seul, un peu comme par magie et à d’autres moments, je dois sortir les rames, me faire violence. Il m’arrive aussi d’écrire la nuit ou d’aller au lit avec mon carnet posé sur la table de chevet, au cas où une idée me viendrait. Une chose est sûre, je dois être au calme, dans un environnement que je connais.
L : Si tu ne devais en citer qu’un :
Erwan Bargain : Un livre : Il pleut en Amour, de Richard Brautigan
Un film ; L’Exorciste, de William Friedkin ou Zombie de George A. Romero
Un disque : Doolittle des Pixies
un artiste ou une œuvre d’art : Jean Tirilly (Art Brut/Art Spontané. C’était un ami, un compagnon de route, un père spirituel qui a illustré mes trois premiers recueils de poésie)
J’écris au moins six heures par jour, au minimum.>/h3>
L : Que peut-on te souhaiter de beau dans les jours/semaines/mois à venir ?
Erwan Bargain : Continuer à écrire et à convaincre des éditeurs. Notamment pour mon dictionnaire amoureux du cinéma d’horreur et d’épouvante contemporain qui est un gros pavé. Préparer la sortie du premier album d’Arion Rufus, Dehors c’était la nuit et reprendre les concerts avec ce groupe ou avec mon autre projet Apocope (du jazz-rock poetry). Et réussir à sortir ma première BD en tant que scénariste car c’est un exercice différent et que je souhaite depuis déjà plusieurs années m’essayer au 9e art. Et je souhaite également, comme tout le monde, retrouver une vie normale, sans ce foutu virus. Et voir mes enfants grandir mais pas trop vite !
L : Tu as une séance de dédicace prévue prochainement, où et quand ?
Erwan Bargain : Oui, je serai en dédicace le 12 juin au café-librairie Gwennili au Faou puis quelques jours plus tard (la date reste à définir) à la Maison de la Presse à Châteaulin. Ensuite en août au festival Des Mots dans les Nuages à Camaret, festival au cours duquel je me produirai, comme tous les deux ans, avec mon groupe Apocope. C’est un évènement qui me tient à cœur qui réunit des artistes de différents horizons (comédiens, poètes, marionnettistes, conteurs…) qui se déroule dans un cadre bucolique et dans une ambiance très familiale.
L : Merci d’avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions.
Relire la chroniques de ses trois ouvrages jeunesses
Chronique de Zombies, des visages des figures.
Relire les chroniques de Lettres à rêver et Dans de beaux draps , ainsi que celle de En marche arrière (nouvelles)
Redécouvrir la chronique d’Old School.
Erwan Bargain évolue aussi en musique, avec e.Sens.
Chronique radio des écrits d’Erwan Bargain (En marche arrière et Bande de sauriens)
Interview d’Erwan Bargain diffusée sur Radio-activ 101.9 FM le 05/05/21 dans l’émission B.O.L