[ LIVRES JEUNESSE ] ERWAN BARGAIN, pour enfants, petits et grands.

Découvrez 3 livres jeunesse (Comme le noir et le blanc, L’étrange pouvoir d’Hector et Trois histoires de coeur) par Erwan Bargain.

L’univers de l’enfance est peuplé, souvent, d’êtres farfelus, aux pouvoirs parfois magiques, de super-héros, de héros tout court. Parfois, ils sont « durs » comme la pierre, ne pleurent pas, se pensent invisibles ou partent en quête d’un corps qui leur fait défaut. Avec ces trois livres jeunesse, Erwan Bargain nous offre une littérature sensible, tendre, où les héros sont très loin de tout stéréotypes.

Ces trois livres jeunesse ont tous été édités aux Editions Ex aequo. Nous avions déjà eu vent de cette maison d’édition grâce au roman Mamie Bonbon, de notre chroniqueur BD Florent Lucéa. L’objet-livre est déjà une invitation au voyage en monde féerique : couleurs chatoyantes, personnages énigmatiques, les couvertures sont soignées et adaptées à l’imaginaire des 7 – 12 ans.

Si nous vous parlons de trois livres, c’est de cinq histoires dont il s’agit en réalité puisque Trois histoires de coeur renferment, comme son nom l’indique, 3 fables dédiées « à ceux qui assument leurs émotions ». Il s’agit de Le garçon qui n’avait jamais pleuré (nom éloquent), Coeurling (un jeune garçon, par amour, s’inscrit dans un club de twirling) et de À portée de main (une jeune fille découvre une étrange malle chez son oncle). Les deux autres livres sont Comme le noir et le blanc (un garçon, né sans ombre, quitte son foyer pour rencontrer un sorcier susceptible de réparer cette erreur de la nature) et L’étrange pouvoir d’Hector (un garçon possède le pouvoir de devenir invisible).

erwan bargain l'étrange pouvoir d'hector livre jeunesseCaractéristiques communes.

Écrire pour la jeunesse est un exercice périlleux, et c’est un euphémisme. En effet, il faut que l’auteur soit capable de puiser dans son âme d’enfance une partie de ces histoires, d’être capable de les écrire avec des mots adaptés, tout en étant attrayant pour un public extrêmement critique. En effet, les enfants, on ne la leur fait pas. La sentence est rapide : un livre ne leur plaît pas, ils s’en détournent instantanément. Dans le cas de ses romans, Erwan Bargain propose des univers distincts, qui collent au monde de l’enfance, de la féerie (de tous les jours), avec une poésie toujours justement dosée.

Chaque bouquin est écrit de façon à paraître totalement spontané, immédiatement attractif, sans perte de qualité littéraire entre le début et la fin de l’histoire. Pour ce faire, deux éléments surgissent ici : une plume proche du langage oral et un vocabulaire riche et adapté. Les points forts de ces deux caractéristiques : un rythme entraînant et un respect évident pour les lecteurs (jeunes ou moins jeunes).

Pour le fond, nous nous trouvons face à cinq histoires mettant en scène de jeunes héros, pour lesquels l’identification fonctionne à merveille. Ces « héros » sont des garçons et filles de l’âge des lecteurs, vivent dans des mondes parfois surréalistes (Comme le noir et le blanc, Le garçon qui n’avait jamais pleuré) ou au contraire très banal (les autres histoires). Nous notons héros entre guillemets car il s’agit là de héros ordinaires, des enfants parfois un peu timides, un peu mal dans leur peau, parfois forts, parfois complexés. Néanmoins, chacun d’eux l’est avec tact, c’est-à-dire que nous ne sombrons jamais dans une caricature, ou dans un excès (même léger). Ainsi, tout le monde peut s’y retrouver.

erwan bargain 3 histoires de coeur livre jeunesseFables sur l’acceptation, la tolérance.

Les univers d’Erwan Bargain sont décrits avec beaucoup de pertinence et de tendresse. Les descriptions sont brèves, nous plantent le décor de façon minimaliste. C’est donc aux lecteurs de créer leur propre monde (une cour de récréation, un pays où les hommes et garçons ne pleurent jamais, la maison d’un oncle) et de tisser leur imaginaire. De la même façon, l’auteur ne s’arrête jamais à décrire les différents personnages avec force détails. Il ne dit ici que leur sexe, leur couleur de cheveux, d’yeux, mais reste très évasif sur le reste (pas d’âge, pas de couleur de peau, par exemple). Cela facilite grandement l’identification des lecteurs.

De la même façon, les tourments de chaque personnage sont universels : un enfant est amoureux d’un autre enfant mais n’ose pas le dire, un garçon croit que les hommes ne pleurent pas et ne le doivent surtout pas etc. Dans le cas de l’histoire la plus surréaliste (celle du garçon ne possédant pas d’ombre), nous voyons, sous ce prisme fantastique, le sujet de l’enfant dit différent des autres, physiquement parlant. Donc des thèmes familiers, des thèmes qui évoquent les brimades de petits camarades méchants (le monde des enfants est cruel et l’auteur le restitue avec précision, sans en faire des tonnes). Tout ceci vise à ce que les enfants se sentent en présence de personnages qui leur ressemblent.

comme le noir et le blanc erwan bargain livre jeunesseUniversel, pas moralisateur.

Les sujets sont donc universels et proches des enfants. Nous sortons des mondes imaginés par Disney ou tout autres univers construits autour de héros Marvel (ou autres dessins animés/films dont pourtant les enfants raffolent). Et c’est tant mieux car ici, la poésie règne. Il s’agit d’odes à l’acceptation de soi-même, d’affirmation de sa personnalité, de ses goûts. Ce garçon qui par amour pour sa voisine de toujours décide de faire du twirling quand bien même il sait qu’il peut subir les moqueries des autres garçons s’y engage corps et âme plutôt que de s’inscrire dans un club de foot. Ce garçon né sans ombre qui, par la force d’une rencontre, accepte sa condition.

Seule la fable À portée de main ne porte pas sur ces thèmes d’affirmation ou autre. C’est peut-être notre préférée car l’idée y est géniale et peut faire de nous de super tontons ou tatas (nous piquerons volontiers l’idée à Erwan Bargain tant la poésie qui s’en dégage est magnifique). Pour autant, aucune des ces histoires ne se veut moralisatrice. Le ton est toujours léger, ne rend rien dramatique, ce qui permet à tous d’y prendre du plaisir. Et surtout, nous le répétons, c’est très très bien écrit, avec un vocabulaire irréprochable, un rythme qui l’est tout autant, ce qui favorise l’immersion rapide dans ces contes modernes, en phase avec la vie des jeunes écoliers/collégiens.

Du bon.

La littérature jeunesse offre de tout. Du bon, du moins bon. De notre point de vue, les machines écrasantes, séries au long cours, ne sont pas les seules alternatives possibles pour intriguer et stimuler les jeunes lecteurs. Avec ces romans relativement brefs, Erwan Bargain, en artisan magicien de ces contes de tous les jours, possède une plume virevoltante, excellente alternative aux blockbusters littéraires. Mieux, il offre à voir le monde d’une façon plus douce, plus tolérante, plus accessible, où les enfants héros sont comme nous tous. Preuve s’il en est, par un jeu de miroir, que nous sommes tous, jeunes et anciens jeunes, des héros, avec nos forces et nos faiblesses.

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