Erwan Bargain, En marche arrière (nouvelles)

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Poursuite de l’exploration du travail de notre auteur du mois.

Ce mois de mai est d’une richesse (presque) insoupçonnée. En effet, nous avions déjà découvert une petite part du travail d’Erwan Bargain au travers de ses livres pour le jeune public, nous avons découvert celui du musicien et désormais celui du nouvelliste.  Avec En marche arrière, paru chez Les alchimistes du verbe, Erwan Bargain nous propose une plongée, en 18 textes, dans son imaginaire adulte. Et le voyage vaut, croyez-nous sur parole, le détour.

Pour ceux qui craignent des textes à rallonges, pour ceux que la lecture effraye, sachez que les 18 nouvelles ici présentes tiennent en moins de 100 pages, certaines n’en faisant que 2 (s’approchant ainsi des micros nouvelles). Pour autant, malgré cette brièveté, vous vous retrouvez embarqués dans des histoires fortes en personnalité, et vous n’avez aucun mal, fluidité de la langue, cohérence des thèmes abordés, à passer de l’une à l’autre, toujours avec un plaisir jubilatoire.

Scène d’une vie quotidienne un peu morne.

Toutes (ou presque) s’articulent autour d’un personnage principal, alter ego de l’auteur, fracassé par la vie. Il règne dans sa vie un désert affectif, un vide, une solitude, que rien ne peut venir combler, ni la télé, ni les amitiés. La base est donc sombre, mélancolique, pleine d’un spleen qui vous colle aux semelles comme un vieux chewing-gum sur lequel vous auriez marché. C’est dégueulasse, ça colle, et on ne parvient jamais à véritablement s’en débarrasser.

Néanmoins, chaque chute, ou presque, est un pied de nez à la morosité. Elles sont toujours inattendues, toujours pleines d’un humour, souvent noir, toujours des cheveux sur la soupe qu’on aurait bien voulu pouvoir éviter de voir s’inviter à la fête. L’art de notre auteur du mois réside, dans En marche arrière, à justement ne pas tout dérouler en marche avant. Comme pour se moquer de nous, de la pensée prémâchée, il joue avec nos réflexes, joue à nous déstabiliser, avec une langue d’une évidence démoniaque (qui montre justement à quel point nous pouvons nous leurrer dans nos hâtives conclusions).

Rythme.

Là où nous aurions pu craindre des nouvelles avec des univers fades, c’est au contraire des histoires qui nous embarquent dans un quotidien qui ne dit pas vraiment son nom. Inspiré par des moments vécus (réellement ou par procuration), Erwan Bargain fait du normal, du banal, de l’extra pas si ordinaire que ça. Nous ressentons parfois un malaise léger, comme si nous connaissions cet Ivan, ce vieux pote obnubilé par sa voiture, par ses histoires de couples étranges, par ses amitiés bancales. Et ça fonctionne à tous les coups, nous plongeons dans les psychés vaguement esquissées mais qui sont toujours en résonance avec une part de nous. Universel,donc.

Le rythme y est toujours soutenu. Pas trépidant, parce que chaque histoire nous laisse venir à elle, mais celui d’un fleuve à débit constant, pas tranquille. Nous sommes embarqués sans que nous puissions nous défendre et Erwan Bargain le sait puisqu’il nous caresse dans le sens du poil avant, évidemment, de repasser en marche arrière. Dérapage contrôlé de l’écriture, il fracasse nos certitudes.

Plume habile.

La plume est ainsi habile. Elle est également maligne. Il ne suffit pas de vouloir surprendre pour y parvenir. Il faut y mettre du corps, du vrai, du tangible. Alors quoi de mieux que des histoires d’apparences anodines pour nous retourner la tête. Jamais baigné dans un mauvais esprit qui ici serait purement racoleur, l’auteur dévoile des faces cachées parfois horribles, parfois tendres, souvent amères, de ce que nous recélons tous en nous. Ce n’est jamais racoleur car il sait garder la mesure, le tempo, proposer son univers propre qui ne surfe sur aucune recette toute faite. La nouvelle prend donc ici tout son sens, celui d’une brièveté bienvenue à la chute tranchante.

Loin de son univers « enfantin », même si nous retrouvons évidemment cette science du mot juste au moment adéquat (magnifié justement par le format nouvelle), Erwan Bargain prouve que l’écriture peut être à la portée de tous, même si tous n’arriveront jamais à cet art de la concision qui fait mal (c’est-à-dire qui laisse une empreinte bien présente même lorsque la nouvelle est achevée). Par exemple, la toute dernière du recueil, Dans le noir, ne cesse de nous hanter. Et forcément, cela nous plait au-delà de tout.

D’autres écrits d’Erwan Bargain.

Nous n’avons pas parlé de la fable écologique, toujours critique sur les errements de l’être humain, Bande de sauriens! Dans ce conte, fort joliment illustré par Francine Vergeaux (c’est un euphémisme, nous adorons la flamboyance des couleurs, très enfantines, mais dégageant également un onirisme vaguement psychédélique), un alligator décide de quitter le bayou, n’en pouvant plus du braconnage (et de la disparition de son pote Théophile, capturé pour être transformé en sac à main ou pour être exposé dans un zoo).

Tout en rime, ce poème/conte/fable suit le parcours du saurien qui découvre la pollution, la mentalité de ces hommes qui ne vivent qu’au jour le jour, inconscient du danger qui les guette. Texte riche de sa poésie, des rencontres qu’Harry, le saurien en question, fait sur son chemin et cette conclusion en forme de pied de nez, Bande de sauriens! propose plusieurs niveaux de lecture et plaira autant aux petits qu’au grand. Le livre est paru chez Un chat la nuit édition.

Spoken words.

Recueil de textes, Spoken words réunit en son sein divers textes chantés. Nous y retrouvons certains de ceux qui ont vu le jour sous la forme jazz/trip-hop/rock d’e.Sens, mais aussi d’autres projets musicaux, inédits ou même de certains n’ayant jamais abouti et vu le jour. C’est un plaisir de retrouver la poésie d’Erwan Bargain, nue de toute musique, pour la redécouvrir dans toute la richesse de la langue, sans autre mélodie que celle lui étant propre. Si vous aimez la musique d’e.sens, nous vous conseillons fortement l’achat de ce livre forcément précieux (aux éditions caractères)

Page FB d’Erwan Bargain

Relire la chroniques de ses trois ouvrages jeunesses

Chronique de Zombies, des visages des figures.

Relire les chroniques de Lettres à rêver et Dans de beaux draps

Son portrait

Redécouvrir la chronique d’Old School.

Erwan Bargain évolue aussi en musique, avec e.Sens.

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Interview d’Erwan Bargain diffusée sur Radio-activ 101.9 FM le 05/05/21 dans l’émission B.O.L

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