THE FREAKY BUDS, Hard days fuzzy nights

the freaky buds hard days fuzzy nights

Premier album disponible le 17/09 chez Music records

Le visuel de l’album parle quasiment de lui-même : une tête d’alligator, version squelettique, sur fond bleu nuit. Une certaine idée de marécage, celui dans lequel peut se vautrer un blues épais, un boogie boueux. The Freaky Buds nous offre son nouvel album, Hard days fuzzy nights et nous transporte dans un univers nous évoquant la Louisiane, le swamp, une chaleur moite, un heavy blues qui nous colle à la peau comme une bonne mauvaise fièvre.

Impossible d’essayer de résister. Way too wild donne le ton avec son boogie poisseux, lourd. La guitare y est saturée, le groove lourd, l’harmonica violemment obsessionnel, la voix magnétique. Ces éléments, nous les retrouvons à chaque morceau, avec des rythmiques plus ou moins lentes. Mais jamais nos pas ne décollent de ce sol qui, comme du chewing-gum, colle à la semelle de nos boots.

Nuit vaudoue.

La nuit, tous les crocos sont gris. Les esprits rôdent, la magie aussi. Des créatures dangereuses nous guettent depuis la mangrove, depuis des fourrés impénétrables, nous épient de leurs yeux jaunes, font couler la sueur le long de notre colonne vertébrale. On se sent mal, acculé, sur le qui vive face à ce danger que nous ressentons jusqu’au bout des doigts. Nous avançons doucement, prudemment, de peur que sous nos pas le bois mort craque, alertant les créatures de l’ombre que nous sommes bien vivants, présents sur leur territoire.

Magie de vie, de mort, la passion dans la voix, dans les riffs, The freaky buds est la lanterne que l’on tient à bout de bras afin de percer l’obscurité effrayante nous entourant, nous avalant tout crus. Sa musique nous possède, éveille un sentiment de puissance néanmoins, sans perdre, jamais en urgence. La batterie appuie là où il faut, suppléée par une basse lourde, tandis que guitare et harmonica rehausse le tout d’électricité, de nervosité.

Les mélodies évoquent autant les bouges de la Nouvelle-Orléans que certaines étendues désertiques. Musique cinématographique pour road movie fantomatique, où les âmes en peine, en quête de rédemption s’abiment dans l’alcool, le jeu, les filles de joie. Pourtant, un mal-être existentiel réside, teintant le sang de son hôte d’un pourpre si foncé qu’on le croirait noir. Comme la nuit.

Fuzz mon amour.

Hard days, les jours difficiles, ceux durant lesquels tout va de travers. La poisse comme une seconde peau, le moral en berne, ce sentiment d’insatisfaction récurrent, prégnant, tout cela habite le disque qui, loin d’enfiler les poncifs, réussit le pari de nous éviter les stéréotypes tout en restant fortement inspiré et respectueux des codes du genre. Pourtant, l’ensemble reste moderne, auréolé d’une production au cordeau, qui fait que jamais The Freaky Buds ne se fait engloutir par le fleuve en crue.

Tout reste en effet cadenassé dans ce genre musical qu’affectionnait ZZ top par exemple, mais qui, peut-être parce que le groupe est français, ne joue pas avec les clichés des trois barbus mythiques. L’envie de bien faire est ici évidente, mais elle n’est pas sclérosée par la peur de mal faire. Cela signifie que le groupe parvient à s’affranchir d’un « tout » pesant en y imposant une part de leur personnalité qui donne tout son charme à l’album.

Peut-être que cette originalité vient de la voix d’ailleurs. Nous aurions pu la penser rauque, lourde, voire même impressionnante, d’outre tombe, ce qui aurait, à coup presque sûr, donné une dimension peut-être plus cafardeuse à Hard days fuzzy nigts. Pourtant, ici assez claire, nécessitant parfois l’apport d’un effet « téléphone » pour lui conférer une touche électrique, elle permet de rendre l’ensemble plus digeste. Grand bien lui a pris car sans cela, le disque aurait pu nous gaver, ce qui n’est au final absolument pas le cas.

L’obsession du groove.

Le groupe a tout pigé à l’art délicat du boogie. Ne pas s’enflammer, rester dans des limites bien définies. C’est là que toute la musique prend son ampleur, sa dimension dansante. Parce que ce disque est une machine à danser, même si cette danse n’est pas démonstrative. Nous sommes électrisés dès le premier titre, de la même façon que She’s maid of fire nous avait séduits lors de sa première écoute.

Même si ce titre fait partie des plus emballés, des plus tape-à-l’oeil pour ainsi dire (sans être putassier), les autres morceaux, ensemble, dégagent une forte cohérence, une homogénéité à toute épreuve, alternant tension et relâchement, tempo lent, mid ou high, en fonction de l’humeur des Buds, de la fièvre qu’ils veulent nous inoculer.

Ce disque est une réussite qui s’impose dès la première écoute. Ensuite, il ne nous lâche plus d’une semelle. D’ailleurs, on se surprend à constater que, sur le carrelage, derrière nous, des traces des pas, chargé en terre noire, nous suivent de près. Celle d’un reptile qui ouvre grand sa gueule, sans espoir que nous lui échappions. Très bien joué.

LE titre de Hard days fuzzy nights.

Way too wild ouvre le bal de façon impeccable, mais on ne peut s’arrêter sur ce premier titre, aussi parfait soit-il, alors on continue l’écoute. Le grain de Night time is my time, sa ligne de chant, sa mélodie, confirment la donne. Plus profond, moins ostentatoire peut-être, il est une facette toute autant séduisante du disque. Live my life est peut-être plus vaudou, plus séducteur, toujours aussi efficace, possède des choeurs discrets mais d’une redoutable efficacité, et son rythme chaloupé nous ensorcelle. The old factory, plus blues, voix plus épurée, marque notre esprit au fer rouge. Runaway, plus lent, plus minimaliste, nous conduit en enfer par son caractère implacable, d’une lourdeur aérienne (ouais c’est possible).

Too far gone et She’s made of fire sont plus enlevés, comme pour contrer l’effet ventre mou de l’album. Le vaccin du boogie est réinjecté pour nous électriser les sens par leur groove démoniaque, fort en images. Stalking blues renoue avec le minimalisme, les fantômes du passé, d’une perte d’espoir, d’un constat amer, de l’oeil que nous jetons dans le rétro. Orageux, ténébreux, le titre fait des merveilles. When you’re not around est un reste d’électricité statique, une forme d’apaisement qui laisse sa place à The place is burning est ses aspects tribaux, d’inspiration africaine, peut-être même malienne; le titre est le plus « joyeux » du disque et le clos avec pertinence.

Alors lequel choisir ? Grosse tendresse pour Stalking blues. Mais tout dépend de l’état du jour. Aujourd’hui, c’est lui, demain ça sera un autre, après-demain encore un autre. Le disque s’adapte à nous, et non le contraire. Ce qui en fait un disque essentiel.

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