METAWAVE, Means/end, tristesse insondable.
Premier album disponible.
Nous avons parlé de ce groupe, un duo, dans notre récente playlist (et dans un article un peu plus éloigné), il nous apparaissait donc plus qu’intéressant de nous pencher sur leur album (sortie il y a quelques jours). Grand bien nous en a pris ! Car Means/end, de Metawave est d’une force rare, de celle qui remue la tripaille en mélangeant ténèbres et lumière (sépulcrale, un peu, quand même).
Il y avait la new wave, la cold wave, il y a désormais Metawave (oui, facile…Mais pas dénué de sens puisque nous pouvons lire dans ce nom « vague métaphysique », ce qui nous plait bien). Le duo composé de David Monteiro Afonso et Olivier Feuillet propose une musique brassant inspirations hip-hop (une base proche de la trap), électro (rythmiques et programmations), inspirations orientales (lignes de chant) et implication punk et/ou post-punk(dans l’intonation des voix, le côté no futur de certains titres et l’électricité des guitares). Le tout dégage un brasier infernal, ou un marécage bourbeux, à vous de voir, duquel nous ne parvenons jamais à sortir totalement.
Auditeur en prise.
Nous nous retrouvons pris, dès Ablaze, dans une spirale infernale d’émotions contradictoires. La musique, sombre, de Metawave nous fore la poitrine sans autre forme de procès. Trois accords (on exagère), un peu de percussions, une voix parfois lyrique, parfois introvertie, constituent le socle de la plupart des morceaux. Les ambiances sont posées par des claviers aux tessitures opaques, véhiculant un parfum de ténèbre et d’urgence. L’esprit No futur semble régner en maître, et effectivement, que l’on comprenne l’anglais et/ou le portugais, ou pas, nous sentons que le duo est parfaitement en phase avec notre époque incertaine.
Il y a comme une envie de révolte, étouffé par la sensation que quoi qu’il se passe, elle ne servira pas à grand chose. Les sonorités orientales pourraient d’ailleurs nous faire penser à ces printemps arabes, mais vu du côté syrien de la chose (plus de 500 000 morts là-bas depuis le début de la guerre civile réprimée par Bachar Al-Assad tout juste « réélu »). De la même façon, d’un point de vue plus introspectif, nous ressentons la chose comme suit : un besoin de changement, d’émancipation avortée de schémas internes qui nous pourrissent la vie, comme une addiction vers laquelle nous retournerions sans cesse.
L’ambiance est donc proche, dans l’esprit, de celles de fin du monde, sans réel espoir d’y couper. Il y a aussi une ambivalence entre un groove terriblement prenant, nous invitant à une danse tribale, ou urbaine, d’acier et de béton (de nuit toujours), et une retenue face à la gravité qui émane des thèmes musicaux.
Équilibre sur le fil du rasoir.
La force de Metawave et de Means/end réside dans ce juste mélange de divertissement et d’introspection. Les deux musiciens ont parfaitement compris que la frivolité tous azimuts n’était plus de mise, que les derniers événements imposaient une certaine retenue. Qu’il convenait de poser de nouvelles bases, de faire prendre conscience que les paradigmes avaient changés. Mais il n’est pas complètement fou puisqu’il a aussi compris que la danse, le lâcher prise sont indispensables, à l’image d’une soupape de sécurité. Sans celle-ci, c’est l’explosion (interne) assurée. Alors, des compositions comme Cloubuster (suite directe du premier titre, le côté électro post punk plus assumé et surtout plus dansant) ou Heights and abysses relâchent la pression, nous entraine dans un tourbillon de plaisirs durant lesquels nous faisons abstraction du sens pour évacuer le trop-plein de noirceur.
Les compositions de Means/end. s’enchainent donc sur ce fil du rasoir qui nous écorche l’âme tout en la guérissant paradoxalement. Nous sentons que nous faisons corps avec le son du groupe, parfaitement défini/produit/mixé, d’une cohérence absolue. Que nous avons face à nous des gens qui perçoivent du monde ses contours agressifs tout en l’aimant profondément . Ce monde, Metawave ne veut pas le voir disparaître au profit des cendres (revoir Monte Amarelo qui ne figure pas sur l’album). Il propose alors sa vision des choses, un peu comme avait pu le faire un groupe comme Sing sinck, sing ou encore Les marquises (avec son album La battue paru l’an dernier). Si elle n’est pas des plus optimistes, elle a au moins le mérite d’être sincère, honnête. Forcément, ça nous parle.
Des émotions contrastées.
Au premier abord, c’est la tristesse et la mélancolie qui nous assaillent. Elles sont ultra-présentes, visqueuses, comme une mauvaise fièvre. Elles sont moites, on ne s’en débarrasse pas comme ça. Elles représentent un peu tout ce qui ne va pas, tous nos travers, nos errances, ce qu’elles ont généré chez nous de sentiments négatifs. Mais ces sentiments laissent place à la clairvoyance, à l’idée qu’en ouvrant les yeux, même si on voit toute la merditude qui nous entoure, au moins nous ne sommes plus aveugles.
La conscience s’aiguise, les actes suivent cette perception nouvelle. Comme un catalyseur, la musique de Means/end nous pose la question : et maintenant ? Et paradoxalement, c’est la force qui nous secoue, cette volonté de ne pas en rester là, d’agir pour tenter, à notre échelle, de changer le monde (de toute façon, c’est à nous qu’il incombe de le faire, on a parfaitement pigé que les gouvernements ne feraient rien). Petit à petit, à l’image de ces claviers qui semblent s’élever de la masse grouillante de constats sombres, c’est notre spiritualité qui émerge. Le pouvoir réside dans ces gestes qui font, petit à petit et mis bout à bout, la différence. Ça n’enlève pas la mélancolie, ça ne fait pas en sorte que l’on gagne le combat, mais nous ne serons pas aveugles à la nécessité de changer.
Un disque qui réveille les consciences.
Forcément, tout cela n’est que subjectif. Cela ne concerne que notre ressenti et notre interprétation. Nous pourrions être objectifs, décortiquer les textes, mais nous préférons vivre la musique de Metawave dans ce qu’elle évoque chez nous, plus que dans ce qu’elle nous dit « réellement ». Le pouvoir de la musique réside encore et toujours dans le fait qu’elle peut changer le monde. Ici, elle le fait avec des compositions qui laissent la place aux interprétations les plus diverses, mais toujours dans une tonalité sombre qui, forcément, attend du répondant de notre part.
Ce disque fait partie de ceux qui remettent les pendules à l’heure, qui impactent, qui ne peuvent pas laisser indifférents. Ils ont un tel impact émotionnel qu’ils peuvent déranger certaines âmes sensibles dont les oeillères refusent obstinément de disparaître. Mais, aux forceps, et ne serait-ce que de quelques millimètres, c’est pourtant ce que produit Means/end. Alors l’espoir est de rigueur. Conscient, cet album nous paraît essentiel à l’heure où nous pouvons esquisser un autre monde. Bravo !
LE titre de Means/end.
Nous évoquions La battue, qui était parmi nos trois albums préférés sorti l’an dernier, et c’est donc « naturellement » que The Well s’impose à nos oreilles comme le titre phare de Means/end.. Par ses traitements sonores, par cette gravité qui réside dans ses ambiances, par cette voix pleine de vie, pas forcément puissante, pas forcément la plus technique qui soit, mais assurément humaine, assurément portée par une exaltation personnelle qui gueulerait qu’il faut se tirer les doigts du cul, que ça en vaut la peine, que rien n’est perdu, que tant que l’on ressentira le monde, tant qu’on sera vivant, il y a de l’espoir. Oui, on extrapole encore, on interprète subjectivement ce titre, mais c’est ça la musique, des paroles et du son, qui peuvent laisser des impressions contradictoires et pourtant complémentaires et qui donnent envie, encore une fois, de changer le monde.
Attention : ce titre ne figure pas sur l’album !