MARINA ALLEN – Candlepower // Et la lumière fut…

marina allen candlepowerAlbum disponible (Fire records/Rough trade)

Candlepower. À l’écoute du premier album de Marina Allen nous vient un mot. Douceur. Marc Aurèle, empereur, philosophe romain disait que “la douceur était invincible”, ce qui nous paraît à première vue assez contradictoire, cependant, est-ce que cette qualité amorphe qui procure aux sens un plaisir délicat ne serait pas aussi une force, un acte de résistance ? Dans un monde où les excès de violence sont permanents, quelle que soit leurs formes, allant de la simple dispute avec le voisin, gesticulation et énervement au volant de son automobile en passant par la violence gratuite, et tous les actes ignobles que nous pouvons entendre ou lire dans l’actualité, ne serions- nous pas en manque de douceur, de bienveillance, de tendresse ?

Un temps passé, révolu

La douceur n’est pas une faiblesse bien au contraire, la douceur s’apprivoise et doit se propager, se véhiculer. Est-ce que Jésus Superstar, dont le nombre de groupies dépassent largement ceux des Fab Four de Liverpool, ne disait-il pas “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”? Il en est de même pour la douceur dont la nitescence est sans failles, sans fin. Si nous souhaitons un monde plus calme, commençons par l’être nous-mêmes. Nous savons peu de choses sur la jeune Marina Allen. Elle est auteur-compositeur aux allures de bohème et nous vient de Los Angeles. Elle livre ici son premier album composé de sept titres bouffis de candeur, courts (19 minutes), mais infaillibles.

Candlepower, bougie en français, c’est cette unité de mesure obsolète de l’intensité lumineuse. Candlepower nous évoque, alors, une incandescence poétique, un temps passé, révolu, mais aussi une forme de fragilité à l’image de cette flamme instable, chevrotante au moindre mouvement d’air. Dans l’ombre de la musique de Marina Allen, nous pouvons apercevoir tout un pan de la musique folk, avec des artistes féminines comme Joni Mitchell, Mary Carpenter, ou plus récemment Alela Diane et Marie Sioux. Suivez-nous, la balade commence.

Une prêtresse clémente et providentielle

Le titre Original Goodness en est le plus bel exemple et nous rappelle en substance la philosophie de J.J. Rousseau à savoir que “L’Homme naît naturellement bon et heureux, c’est la société qui le corrompt et le rend malheureux”. En écoutant ce titre nous nous imaginons assis dans une forêt mystique buvant les paroles d’une prêtresse clémente et providentielle. Believer, morceau sous forme de spoken word et tout en dualité vocale, abonde dans cette continuité spirituelle. Ici Marina fait référence à Hejira, album  de Joni Mitchell. Hejira signifiant “Exil” en arabe, désigne le départ en 622 de Mahomet et ses “frères” de La Mecque vers l’oasis de Yathrib, ancien nom de Médine. Il est question aussi de l’arbre de Josué, nom donné à un arbre par les Mormons car celui-ci, de par sa forme singulière, leur rappela Josué montrant, bras tendus, La Terre Promise.

Marina met en avant deux figures féminines. La première avec le titre au prénom intemporel, Oh, Louise. La voix de notre californienne est claironnante et rassurante. Entre deux vers, une référence au Contrats Sacrés, livre écrit par Caroline Myss, attire notre attention. Ce livre est un outil ayant pour but de répondre à la question existentielle : Quelle est notre vraie mission dans la vie? La tâche n’est pas aisée. Un peu plus loin nous faisons la rencontre d’Ophelia, ce personnage pur et sensible présent dans Hamlet de Shakespear. Pur et sensible comme Marina Allen qui est modestement accompagnée d’une guitare et d’une batterie sur ce morceau. Ophelia, c’est ce personnage au destin tragique, qui rongé par la culpabilité de savoir son père assassiné par son propre amant, ira se noyer dans un ruisseau.

Des retrouvailles fatidiques

Belong Here résonne comme un cri d’alerte climatique. La Californie est en proie aux flammes tandis que New-York est submergé par la montée des eaux. Le rythme est hypnotique alors qu’en arrière plan le son de clochettes retentissent et des bruits de miroirs scintillent et nous éblouissent. Sleeper Train de son côté, nous entraîne à mi-chemin entre le rêve et le voyage. Le train couchette circule sur des rails de velours, sans un bruit. Le morceau nous apaise. L’eau à la fois incolore et indolore est omniprésente dans le texte. Marina nous parle de frozen seas, quiet pool, cool water to drink, rain falls, swim, fountain,… L’eau sous toutes ses formes, peut aussi bien évoquer la naissance, la mort, le renouveau ou encore la purification.

L’album s’achève avec Reunion, une voix lente et lascive, posée sur un bout de piano, se lamente. Une envie de changement, de renouveau se fait ressentir, cependant le narrateur semble toujours revenir à son point de départ. Des retrouvailles fatidiques.

Ce premier album est féérique, et nous laisse sans voix. Au-delà de la douceur et de la bonté, nous notons également un sentiment indescriptible d’appartenance et de spiritualité, formant un tout vers lequel l’humain devrait tendre pour vivre en harmonie avec lui-même et les autres! Candlepower nous offre 19 minutes de douceur dans ce monde de brutes. À prendre ou à laisser. Nous avons fait notre choix.

LGH

LGH
(Le Gosse hélicoptère) j’adore découvrir de nouveaux artistes encore inconnus du grand public
et chercher ceux qui dans le passé ont fait ce qu’est la musique aujourd’hui.
La musique m’accompagne en permanence et tient une place primordiale dans ma vie.
Mon maître-mot est l’éclectisme même si mon cœur balance pour le rock sous toutes
ces formes. J’affectionne également la littérature et plus particulièrement la littérature
anglo-américaine (Bret Easton Ellis, Don Delillo, Jonathan Franzen,…).

Relire la chronique de Deap Vally

 

 

 

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