MUET, Le pic de tout (Upton Park)

Muet le pic de tout

Hors sol

Deux hommes recouverts d’une couverture de survie sur une lande rocheuse. Regards vaguement éteint. Le pic de tout. Comme si tout avait été réalisé, atteint. Avant le premier titre de cet album de Muet, du nom de celui-ci, l’impression dégagée se veut étrangement mélancolique, désincarnée de passion.

Pourtant, le premier titre impose une vision différente. Une poésie un peu lunaire portée par des instrumentations électropop et une poésie aérienne. Les autres chansons ne disent pas le contraire. Avec un choix de production chaleureuse, le duo donne au contraire envie de se draper dans leur univers à la fois énigmatique et viscéral. Énigmatique car les mots utilisés évoquent mais ne démontrent pas. Viscéral parce que la musique, habillée d’un habile manteau de percussion et de sonorités synthétiques rêveuses rappelle notre condition d’humain.

Suspendu

Nous croisons au fil des 10 chansons des arrangements évoquant à la fois Radiohead (à partir de l’album Kid A), Jeff Buckley (pour certaines douces envolées vocales, sur Devant par exemple) et Air, tandis que Nougaro vient nous surprendre dans une reprise (Le cinéma) d’une sensualité rare. Le duo sait y faire pour créer une atmosphère intimiste qui touche à l’universel des émotions.

En effet, nous sentons aisément une mise à nu pleine de pudeur dans laquelle le chanteur se livre avec honnêteté et franchise, sans surjouer son rôle de conteur. La voix (qui pourrait ne pas plaire à tout le monde), véhicule sa sensibilité avec la grâce d’un funambule, tandis que les motifs instrumentaux lui tisse un tapis sonore propice à la confidence. Nous aimons particulièrement le travail de programmation rythmique se mélangeant avec maestria à celui des percussions acoustiques, le tout permettant de concrétiser de façon charnelle une évocation presque onirique.

Des sensations à perte de vue

Les mots ont évidemment leur importance. Romantiques, poétiques, ils sont également chargés de spleen, d’un léger mal-être (jamais étouffant), d’espoir, d’une énergie vitale qui nous aide à toujours aller de l’avant. Les lignes de chant accompagnent à la perfection chaque thème abordé, le propulsant à vitesse stellaire directement vers notre cœur.

Si l’on sent une sincérité dans Le Pic de tout, Muet (Colin Vincent et Maxime Rouayroux) n’imaginait peut-être pas qu’il nous troublerait autant et imposerait son disque comme l’excellente surprise de cette fin d’année. Si tous les albums électropop ou synthpop pouvait avoir une telle élégance, nous serions aux anges. Mais ils sont rares de tels disques, précieux, à garder juste à côté du cœur, pour se dire qu’atteindre le pic de tout permet simplement d’aller vers une étape supplémentaire, suspendu, hors, des étendues à perte de vue.

Patrick BEGUINEL

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