[ ALBUM ] KACIMI, Gyrophare, pop songs personnelles.

Gyrophare, nouvel album de Kacimi (disponible le 30/10 chez Echo orange/Le pop club records).

C’est un peu l’album de ce mois d’octobre, celui que nous attendions non pas de pied ferme, mais de pied tendre. Quelques aperçus de Gyrophare nous avaient été donnés et nous étions en droit d’espérer un album d’esthète. Kacimi nous en donne pour nos attentes, avec une classe et une délicatesse, en français, folle.

Tout ici semble inspiré, dans les grandes lignes, d’un fantasme d’Amérique fantasmant elle-même d’Angleterre. La pop de Kacimi possède ceci de fascinant que derrière une approche presque americana, avec pedal steel en force, ces morceaux possèdent une grâce toute britannique soit-elle. Le tout, chanté en français, sans que cela lorgne le rayon textes en solde.

Non seulement les textes sont subtils, mais plus que cela, Kacimi les rend mélodieux, envoyant valser bien loin le préjugé disant que le français, ça ne sonne pas (et par la même occasion, mais non savons que cela n’est pas intentionnel, envoie au coin ceux qui prennent ce prétexte pour chanter des textes insipides, mais qui selon eux sonnent du tonnerre, en anglais).

Reprenons depuis le début.

Si nous devions citer des références, nous naviguerions du côté de la chanson française des années 60. Cela se ressent dans la production, avec quelques effets nous incitant à laisser survenir une nostalgie lumineuse de ces années où le monde de la musique était vaste comme un univers à conquérir. Si aujourd’hui, tout a été fait (et même son contraire), Gyrophare se place dans la lignée des grands disques en français, toutes époques confondues.

Pourquoi ? Parce que Kacimi arrive naturellement, comme si sa place se situait simplement au milieu de ses chanteurs et musiciens qui ont apporté leur pierre à la Culture française, à son exception. On y retrouve un peu de Gainsbourg ou de Bashung, pour le côté parfois chanté parlé (A quoi ça rime tout ça), pour la poésie des textes. Néanmoins, celle-ci se situerait plutôt dans la veine d’une Françoise Hardi, à savoir une poésie de l’intime et non une poésie des images. En effet, Kacimi, dans Gyrophare, est explicite, se livre à nous entièrement, avec une sensibilité à fleur de peau.

Musique des grands espaces/swinging London.

Pour ne rien heurter, le chanteur, auteur, compositeur, prend le temps de ne rien précipiter. Ses chansons se posent sur la platine comme une plume tombée du ciel se poserait sur un brin d’herbe. C’est-à-dire que tout est fait pour nous envelopper dans un cocon sensoriel, chaud, doux. Comme si par grand froid (et Dieu sait qu’il fait froid depuis mars) nous nous réfugierions sous un épais édredon.

Alors, avec une base rythmique low tempo, légère, roulante (quelle basse!), des guitares électriques vintages, sans jouer de la distorsion pataude, quelques effets, vintages (analogiques) eux aussi, des carillons, un cuivre parfois, l’univers de Gyrophare se déploie devant nous sans vouloir nous en mettre plein les yeux et, surtout, toujours avec ce soin tout particulier apporté aux ambiances feutrées, de celles qui prêtent à la confidence. Mais il y a aussi ici une ampleur émanant de l’écho qui règne sur les accords en suspens.

Cette ampleur contenue permet à la musique de prendre ses aises, de se poser dans un environnement évoquant une certaine Amérique. Mais elle s’accouple, dans un mariage irréprochable, à une certaine vision du swinging London. L’équilibre entre pedal steel et basse roulante so british (qui évoque le Gainsbourg pop) séduit à plein régime. On retrouve une vision, un art de faire de la musique de façon assumée, sans cacher la pauvreté d’un propos sous une couche d’effets mal sentis.

Conviction pop classieuse.

Dans ce nouvel album élégant, Kacimi nous démontre qu’il assume pleinement qui il est, son propos, sa sensibilité. Il prend grand soin à ce que sa diction soit irréprochable, tout comme sa musique. Tout est millimétré, à sa place, sans pour autant perdre en spontanéité et surtout en sincérité. Il s’agit d’un travail d’orfèvre, aux arrangements très bien sentis, aux surprises effleurant sous une musique dont on pense qu’elle n’est que banale, pour en réalité nous démontrer exactement le contraire.

Gyrophare s’avère être au final un chef-d’oeuvre instantané, complètement hors mode, hors du temps, un intemporel, qui ne vieillira jamais, à la cohésion inébranlable, sans fausse pudeur. Gyrophare est l’album que nous n’attendions plus.

LE titre de Gyrophare.

Comme nous vous avons déjà dévoilé Sous les eaux (que nous adorons) et Il venait d’avoir 20 ans (que nous adorons), nous n’allons pas les citer. Nous avions aussi parlé du titre Gyrophare. Alors, vers quel autre titre porte notre coeur ? La nuit t’appartient est le titre le plus « exubérant » de l’album, ou du moins celui qui développe un univers totalement à part. L ‘équateur est le titre où la guitare est la plus chargée en électricité. Ces deux titres nous font forte impression, mais moins que, par exemple, La nuit s’endort. Et moins encore que À quoi ça rime tout ça.

Ce titre, en forme de questionnement, nous amène, comme Kacimi, à nous interroger sur le sens de la vie, de l’amour. Ce titre est nimbé de cette poésie du concret, qui nous attire non pas en voyeur d’une relation qui met les sens à ébullition, les hormones en ordre de guerre, mais en acteur de nos propres expériences amoureuses. Ou de vie. Pour nous, il est le titre de l’album (mais le choix fut rude).

kacimi gyrophare

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