[ALBUM] EMEL MATHLOUTHI, Everywhere we looked was burning

Nouvel album d’Emel Mathlouthi, disponible chez Partisan Records/ [PIAS]

Une voix puissante, une musique organique, le chant des pierres, de la terre, un album transcendantal, dépassant les frontières de la pop, de la world music. Une pépite. Emel Mathlouthi nous fait prendre conscience de la nature en péril avec Everywhere we looked was burning.

Tellurique.

Il ne faut pas user de sortilèges pour émouvoir. Ni d’en mettre plein la vue avec des moyens technologiques avancés. Non, il suffit de parler juste, de ressentir le battement du cœur de la terre, le souffle du vent, la fraîcheur d’une pluie de printemps, d’entendre le chant des oiseaux, de contempler l’immensité de la mer. Nous usons volontiers de terme évoquant les sens pour parler de cet album profond, puissant, indiscutablement beau, dans tous les sens du terme.

Cet album d’Emel Mathlouthi est en prise directe avec le monde tel qu’il est aujourd’hui. Il est un constat de ses détériorations, de sa course effrénée au profit, au détriment d’une nature que les hommes détruisent. Il est un condensé de sensations, de celles que portent haut et fort une voix magique, et une musique organique qui retourne la tête.

Perfection vocale.

Emel est une grande chanteuse. Sa pratique vocale est sans faute d’un point de vue technique, du point de vue de sa puissance également. Or, sans émotions, cette puissance et cette maîtrise technique pourraient ne rien déclencher chez nous. Mais il se trouve qu’en plus de maîtriser sa voix, Emel y insuffle une émotion vibrante, que nous ressentons à travers un léger trémolo parfois, dans une teinte plus grave à d’autres moments.

Un frisson parcoure notre peau à l’écoute de morceaux où cette voix dépasse tout, comme sur le superbe Womb. La musique, derrière cette voix, n’y est certainement pas pour rien, mais nous sentons que même sans elle, Emel nous ferait pleurer tant la charge émotionnelle qu’elle dégage chez nous est forte, est spontanée car ne répondant à aucune forme d’analyse. Elle nous touche aussi profondément que le message qu’elle porte (et pas besoin de parler anglais ou arabe/tunisien pour la comprendre).

Musique minimaliste pertinente.

La musique qui sert d’écrin à cette voix somptueuse l’est tout autant. Nous aurions pu craindre une musique minimaliste désincarnée, mais il n’en est rien dans Everywhere we looked was burning. Souvent, des nappes de claviers appuient le propos en instaurant un climat propice à la rêverie. Quelques arpèges de guitares par-dessus, comme pour approfondir le sillon de ces nappes, apportent une dimension onirique/tragique supplémentaire.

Les arrangements sont superbes, dosés très à propos. L’équilibre est fragile, aussi fragile que la voix d’Emel est forte. Il convient de permettre à la musique de s’exprimer aussi justement que la voix, sans que l’une ou l’autre ne s’efface ou ne prenne le dessus. C’est le cas ici, le dosage étant absolument parfait, entre légères bidouilles électros et esprit analogique, entre nappes et arpèges, entre tension et moment de relâche.

Humain après tout.

Everywhere we looked was burning allie parfaitement l’univers d’Emel dans un mouvement moderne, combien même elle sait y incorporer des fragments de « tradition ». Nous mettons ce terme entre guillemets car nous l’utilisons faute de mieux. L’emploi de l’Arabe/Tunisien sur quelques titres (dont le très beau Merrouh) semble nous ramener à quelque chose ne possédant pas d’âge, comme pouvait l’être le chant du monde à ses premiers balbutiements. L’usage d’accordéon, de cordes, contribue à renforcer cet aspect traditionnel en opposition avec les apports modernes, électroniques, tout en s’y mariant à merveille.

Il apporte quelque chose de très humain à ce disque qui ne manquait pourtant pas d’humanité. Les chœurs qui le peuplent sont autant d’indication de cette humanité qui l’habite. Ils sont absolument significatifs du partage qui règne dans l’univers d’Emel, un partage de valeurs, de cri d’alerte, un partage de sentiments contrastés, entre l’urgence et la quiétude.

Everywhere we looked was burning nous met une claque terrible. A vrai dire, nous n’avions que rarement été ébranlés de la sorte par la conviction qu’il faut agir pour préserver tout cela, notre planète, la culture, l’amour entre les Hommes. Emel nous offre un disque absolument essentiel. Vital !

LE titre de l’album.

Pour nous le titre qui symbolise Everywhere we looked was burning est le deuxième du LP, à savoir Footsteps. Il est la parfaite symbiose entre l’usage de la technologie et du naturel. À la fois atmosphérique et déstructuré, il nous montre à quel point la recherche d’Emel est poussé vers une quête du beau s’affranchissant des moyens. Pour le reste, ce morceau regroupe un peu tout ce qui avait été dit plus haut, à savoir mélange d’énergie, d’émotions et de sensations.

emel mathlouthi everywhere we looked was burning

 

Site officiel Emel Mathlouthi

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