[ ALBUM ] BT93, résurgence d’un passé encore d’actualité.

BT93 sort (enfin) son premier album.

Quel est le meilleur déguisement pour un punk ? Se dissimuler sous un costume cravate digne des meilleurs golden boys. Et c’est exactement ce que fait BT93 sur sa pochette, et dans la vie. Mais pas dans la vie d’aujourd’hui, mais dans celle du début des années 90. Parce que son album, alors à l’état de maquette dans ses années-là, n’a jamais été publié (refusé par certaines maisons de disque pas très visionnaires).

Mais voilà, même si le (no) futur semble parfois tout tracé, il se peut qu’au détour d’une soirée parisienne certaine de vos chansons ressurgissent. Et avec elle l’envie se retrouver imprimer sur disque. C’est un peu ce qui est arrivé à BT93 puisque sa musique avait trouvé un petit cercle de fans qui a conduit cet artiste dans l’âme à sortir, presque 30 ans plus tard, son premier album.

Golden boy dépressif.

BT93 avait une vie toute tracée devant lui, celle d’un homme pressé (pour reprendre le titre d’une chanson de Noir dés, même si BT93 n’a rien à voir avec le groupe). Homme d’affaires, golden boy, on se sait pas trop ce qu’il fait comme taf, nous savons juste que, comme tout bon punk qui se respecte, il crache sur ce monde cynique des affaires. Mais il le fait bien, avec un choix de mots calibré punchline, même si un titre comme La hierarchie chie ne le laisse pas présumer.

Dans ces vignettes acerbes de la société qu’était celle des années 90 (les titres de l’album ont été enregistrés entre 1989 et 1994), BT93 dépeint, de façon détournée, son quotidien. Évidemment, tout cela est encore d’actualité, peut-être de façon encore plus assumée. Peu importe, le portrait de l’époque est saisissant et mis en musique de façon presque avant-gardiste.

Synth pop.

En effet, BT93 utilisait à l’époque des claviers et autres machines devenues aujourd’hui des références presque incontournables, ce qu’elles n’étaient pas à l’époque. Nous retrouvons parmi ces synthés, le Ensoniq ESQ1, le Korg 01W, le Yamaha TX7 et le Roland TR707. Aujourd’hui incontournables, ils ont laissé un goût plus que mitigé en bouche des labels et autres maisons de disque de l ‘époque. C’est balot, non ?

Toujours est-il que, remixée et masterisée cette année, la maquette d’alors déploie ses ailes et, tel un phénix, renaît de plus belle de ses cendres. Le disque, qui sonnait forcément futuriste à l’époque, se nimbe aujourd’hui d’une aura rétro futuriste du plus bel effet. Le charme est au rendez-vous, colle parfaitement aux standards actuels et, par voie de conséquence, ne sent absolument pas le renfermé. Il aurait pu être enregistré la veille et non il y a presque 30 ans que ce serait la même chose.

Spoken word et constat désabusé.

Pour accompagner ces claviers synthétiseurs, nous retrouvons les classiques instruments utilisés dans la new wave/cold wave/synth pop : basse, batterie, auxquelles s’ajoutent ici des percussions. Côté voix, outre des choeurs féminins, nous retrouvons la voix de BT93. Celle-ci égraine des paroles désabusées sur cette société inhumaine vantant les mérites de la productivité à tout prix. En optant pour le chant parlé plus que chanté, BT93 dépose, de sa voix auréolée d’un spleen blasé, des chapelets de vérité ayant encore, malheureusement, cours aujourd’hui (en pire peut-être, certainement, aujourd’hui).

Elle colle parfaitement au propos, lui donne une force d’autant plus présente qu’elle est déshumanisée, dépourvue d’oripeaux sensuels. Elle est le constat d’une époque, d’un monde que nous espérons révolu mais qui hélas n’a cessé de croître jusqu’à présent. Si BT93 chantait ce même monde des affaires aujourd’hui, nul doute que des thèmes plus actuels, comme celui du sexisme ou du réchauffement climatique, se verraient accorder une petite place.

Au final, ce disque nous prouve deux choses. La première, c’est qu’un punk dans l’âme peut se travestir en homme d’affaires mais ne pas être dupe de la situation. La seconde étant qu’il faut toujours garder sur soi une veille maquette, même vieille de près de trente ans, car on ne sait jamais ce que le futur nous réserve.

LE titre de BT93.

Nous avons une tendresse toute particulière pour Les nuits d’un ex-winner part I et II. Pourquoi ? Pour son titre dans un premier temps. Ex-winner, certes, mais au regard de qui ? Est-ce qu’un winner (vu par les yeux d’un patron) l’est aux yeux de ses idéaux ? Et puis, un ex-winner ne signifie pas forcément loser. Juste quelqu’un qui prend conscience que la win, ça va un moment mais c’est comme une drogue au final, un sorte de fuite en avant qui peut-être gonfle un peu l’ego mais au final n’apporte rien à l’âme.

Musicalement, c’est un titre moins enlevé que les autres, qui laisse planer une mélancolie certaines, mais avec un panache dingue. Nous sentons chez BT93 une vulnérabilité ténue qui nous le rend moins « mécanique » que sur l’ensemble du disque. Ce qui lui va bien au ton et au teint. Bref, ce morceau, dans la deuxième partie du disque, nous procure un indéniable frisson de plaisir, de ceux qui nous font aimer un disque (presque) jusqu’à la déraison.

BT93

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