Chronique musique EP-mini album
[3 EPs] PERIODS, SHEITAN & THE PUSSY MAGNETS, MASSTØ
3 EPs à ne pas manquer.
Alors que les vacances se profilent à vitesse grand V, nous revenons sur 3 EPs sortis récemment ? enfin plus ou moins, et qui ne doivent absolument pas passer aux oubliettes. D’un côté, le rock fortement inspiré d’une aura britannique très bien senti de Sheitan & the Pussy Magnets, de l’autre le synth punk pop minimaliste de Periods. Enfin, un rock gorgé de soul, presque old school, de Masstø.
Ces trois disques n’ont absolument rien à voir entre eux, et ce grand écart stylistique ne peut que nous ravir, preuve que de la qualité, il y a en a partout, tout le temps. Et surtout, qu’il n’y a pas de recettes pré-établies pour faire un bon disque. Il suffit juste de s’y exprimer avec sincérité. Cette qualité, celle de s’exprimer sans fard, est le point commun de ses trois EP. Pour le reste, on vous décrypte les ouvrages.
Nothing to be said de Sheitan & the pussy magnets.
Une intro qui en dit long. Puis un titre qui part sur les chapeaux de roue, à la manière d’un Franz Ferdinand (des débuts). Par la suite, le rock du groupe originaire de la banlieue sud de Paris lorgne avec talent la classe des Artic Monkeys, The last shadow puppets (ce qui revient un peu à la même chose, mais en un peu différent). Étonnant ?
Pas forcément puisque l’un des deux compositeurs (également à la guitare et aux choeurs) se prénomme Alec (Alex Turner étant le leader des Artic Monkeys et l’un des deux compositeurs de The Last shadow puppets, leurs prénoms les rapprochent donc). L’autre compositeur se prénomme lui Rawad, ce qui n’a pas de relation proche ou lointaine avec les deux groupes cités, mais on s’en fiche, c’était juste une forme de clin d’oeil, et œuvre lui œuvre au chant et à la guitare.
Les deux compagnons d’écriture sont complétés par Vincent, batterie, Étienne, basse, et Michael aux claviers. L’ensemble forme donc Sheitan & the Pussy magnets et délivre un rock élégant, délicatement auréolé d’une touche rétro, notamment par ses claviers, parfois légèrement arabisants (sur Closer to the limit), mais également par ses choeurs vintages. Les lignes de chant sont limpides, la voix étant peu trafiquée mais enregistrée d’une façon telle qu’elle semble provenir de la fin des sixties.
On fire
Les compositions sont riches, superbement arrangées. Elles dégagent un imaginaire Londonien, où la brume oblige les habitants à se réfugier dans un pub, ou un club, pour y entendre une musique propice à l’énergie du live. Celle-ci n’enlève rien à la finesse des différents titres, proposant son lot de changements de rythme, d’émotions servies sur un plateau d’argent. Résultat, un plaisir sans cesse renouvelé, sans pour autant forcer le groupe à aller bouffer à tous les râteliers. Cohérent, homogène, les franciliens ont trouvé avec Nothing to be said une formule qui leur colle parfaitement au teint, et on espère les retrouver très vite avec toujours ce même plaisir.
PS : le groupe revient avec un nouveau clip le 17. Il figurera dans notre playlist en bonus (à ne pas manquer donc)
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Āpī de Masstø.
Rock aussi ce 6 titres de Masstø. Mais rock sensuel, rock soul, rock blues, avec un petit parfum légèrement rétro, évoquant la fin des années 80 début années 90 (Ocean par exemple), ou celles, plus lointaines, des années 70 (sur I’m not your man anymore), voire année 50 (Misery, avec ses choeurs « typiques » et ça rythmique de « comédie musicale »). Pourtant, l’ensemble reste très cohérent. Cela est en partie dû à l’empreinte vocale, qui ne varie pas d’un titre à l’autre, lui instillant une force et une identité forte.
Musicalement, les titres prennent le temps d’aller au bout de leur idée, en appuyant particulièrement sur des compositions d’aspects classiques mais dont les changements de couleurs sont bien présents, variés. Résultat, on ne s’ennuie pas une seconde. La linéarité, que nous craignons de prime abord, est vite relayée aux oubliettes.
Les arrangements sont hyper soignés, tout comme la production. Là où elle aurait pu basculer dans un côté sirupeux, elle reste au contraire légère, appuyant joliment les basses mais restant un poil revêche, ce qui loin de la rendre froide lui donne une énergie communicative. Le très blues Black snake lui s’avère très abrasif, avec un effet « téléphone » sur la voix, très léger (ce qui fait qu’il ne dépareille pas outrageusement des autres compositions). Il est l’autre facette de Masstø, peut-être plus « sulfureuse », l’autre étant plus « enjoleuse ».
Quoi qu’il en soit, dans un cas comme dans l’autre, Masstø séduit, avec peu d’artifices racoleurs, mais avec au contraire un doigté de chirurgien de la chose rock. Et c’est une très bonne surprise !
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Ruptures de Periods.
Cet EP de Periods est aussi le plus fourni en titres de cette sélection puisqu’il en comporte 7. Ce qui le caractérise, cet EP, c’est en partie son minimalisme. En effet, il réside dans une boîte à rythmes et quelques synthés rétro, du plus bel effet. Nous naviguons dans un univers synth punk, mais avec un vrai côté pop aussi. Les musiques nous rappellent un peu ce que peuvent faire les américaines de Au revoir Simone, bien que les univers soient un peu différents, les américaines possédant un côté romantique plus marqué, là où Periods déclame des textes plus francs du collier, pour ne pas dire franchement rentre dedans.
Sa cible ? Les hommes, les lourds, ceux qui croient que les femmes ne sont pas capables de jouer d’un instrument correctement, qu’elles ne sont pas dignes de monter sur scène (Déso pas déso). Elle est aussi féministe, Periods (Dana Colin de son vrai nom), mais pas du genre à réclamer en geignant, mais en s’imposant en tant que personne. Par exemple, en assumant son envie d’un homme ce soir, mais qu’elle compte bien qu’il soit parti le lendemain matin (Seule) ou en voulant exorciser le mal de l’homme mauvais (Cauchemar).
Si le début de l’EP est assez virulent, la deuxième partie est plus introspective, plus douce. Periods ose parler de ces tracas personnels en leur conférant une dimension plus vaste, dans laquelle toutes et tous pouvons nous retrouver. C’est-à-dire que même si elle s’exprime souvent à la première personne (singulier ou pluriel, ce qui nous inclut dans ses scènes de vie, dans ses pensées), que nous soyons femmes ou hommes, les mots nous parlent (Fantasmes, Période).
Les textes
Ses textes sont assurément le point fort de son disque, même si musicalement de très bonnes choses émergent, notamment cette capacité à produire des mélodies entêtantes, des rengaines qui ne nous quittent pas de la journée, un très bon travail également sur les overdubs de voix (elle se double elle-même pour les choeurs autrement dit). Les textes, eux, jouent sur la presque violence vindicative qu’ils déclenchent, couplés à une forme d’écriture très instinctive, presque enfantine/innocente, n’hésitant pas jouer des redites pour appuyer son propos. C’est donc un langage non-filtré qui nous parvient aux oreilles, des explicits lyrics qui ne heurtent pas mais qui portent leur sens en étendard.
Les textes sont donc simples, directs, mais possèdent étrangement un côté très poétique. Impossible de décrire la chose autrement. Sans doute que les mots sont également portés par des lignes de chant « évidentes », qui ne cherchent pas à séduire, mais qui le font contre toute attente, sans doute parce que cette manière de s’exprimer fait tomber les barricades, créent une proximité directe avec l’artiste. Du coup, on succombe, de bien bonne grâce, à cet univers flashy destroy, mais jamais de mauvais goût, bien au contraire.