VICTOR PROVIS, Gothic rock, faire tomber les clichés

gothic rock Victor provisUne anthologie en 100 albums chez Le mot et le reste.

Le noir, c’est chic ! Les mines tristes, les regards fuyant, des tenues qui étouffent la lumière, la mort comme point de mire… Le gothic rock est un amalgame de clichés, d’idées préconçues qui ont généré, lors de l’apparition du mouvement dans les années 80, moqueries, snobisme, voire une incompréhension totale de la part des médias ainsi que d’une grande partie du public. Pourtant, cette musique possède des codes, des visions artistiques qui, 40 ans plus tard, ont redoré le blason de certains groupes mythiques. Victor Provis, que nous connaissions amoureux du shoegaze, autre style longtemps marginalisé par la presse spécialisée, nous fait une démonstration de tout ce que le gothic rock a de fascinant.

Bien évidemment, nous n’allons pas vous cacher que le thème principal de ce courant musical reste la mort. Et alors ? Qui chante la mort est bien vivant, et, par conséquent, transmet une émotion, une vision quant à ce qui nous attend tous un jour. Cette expression pour cette inéluctabilité de notre existence permettait à certain d’exorciser leur mal-être (Chrsitian death), de simplement s’interroger, ou de déclarer au contraire un amour infini envers la vie (oui, paradoxalement, c’est bien le cas, sauf dans quelques cas tragiques, celui de Ian Curtis par exemple).

Des groupes renommés, d’autres moins (et pour cause).

La couleur est donc au noir, et musicalement cela se traduit bien souvent par une musique faite de frustration, de rythmiques lourdes à la basse prédominante. Les guitares sont souvent en appui rythmique, rarement mises en avant, au détriment des claviers qui y gagnent en présence (des fois écrasante). Les paroles étaient elles souvent, presque toujours, morbides, désespérées, mais dégageaient un romantisme puissant, romantisme porté à son paroxysme par un chant habité, possédé, même lorsqu’il était susurré (à la manière du shoegaze). Cette passion rendait les morceaux souvent brûlants, fiévreux, ce qui contrastait avec l’apparente froideur des orchestrations.

Tous ceux qui pensent que le gothic rock ne s’arrête qu’à Siouxsie and the banshees, ou à Closer de joy division, se trompent puisque de nombreux groupes s’installent, par « hasard », dans leur sillage. Les plus connus répondent au nom de the Cure, Bauhaus, Cocteau Twins, This mortal coil, mais ils ne sont qu’une partie immergée de cet immense iceberg dont bien des noms et personnalités restent inconnus à cause de cette marginalisation médiatique (et parfois voulue par les groupes dont les membres n’espéraient en rien une reconnaissance ou même un succès). Hormis ces célèbres non donc, d’autres formations citées dans cette anthologie sont moins réputées, à quelques exceptions près, car n’ont pas pu bénéficier d’une aura suffisante pour briller auprès du grand public. Si une reconnaissance tardive n’avait pas vu le jour, ils se seraient simplement évanouies dans la nature.

Où et pourquoi ?

Le Gothic rock est né des cendres encore fumantes du punk. Ne croyant pas en la durabilité de ce mouvement éruptif, violent, mais bref et voué à s’auto-parodier, porté par des groupes phares comme les Sex Pistols, les groupes gothiques s’orientent, presque spontanément vers des rythmes plus lourds, plombés. Les années Tatcher se mettent en place, ce qui n’est pas pour rien dans la profonde noirceur qui assaille les membres des différentes formations qui, ne croyant pas en la possibilité d’un avenir radieux dans lequel ils seraient autre chose que des bêtes que l’on mène à l’abattoir de l’ultra libéralisme, ils se fondent dans ce mouvement qui leur permet d’exprimer leur mal-être.

Mais, à l’instar du shoegaze, la presse musicale n’est pas tendre, les rabaisse, les ridiculise, voire les enterre avant même qu’ils n’aient pu faire leurs armes. Forcément, ça dérange qu’on soit aussi noir, aussi… lucide. Car cette lucidité terrifie et, à l’heure de l’émergence de la new wave, bien plus catchy, colorée, insouciante (et inconsistante), s’avère très peu vendeuse. Les majors s’orientent donc vers la frivolité et l’argent rapide, décevantes comme à leur habitude.

En Allemagne, le mouvement connaît un grand succès (Pink turns blue en est un bel exemple). Aux États-unis, le constat est sinistre, à une ou deux exceptions près puisque de petits labels se battent pour permettre au gothic rock d’exister. Dans les autres pays du globe, le genre est quasiment inexistant, ou au mieux très marginalisé, au pire folklorique et absolument pas pris au sérieux.

La renommée tardive.

Cette anthologie s’arrête aux 20 années s’étendant de 1980 à 2000. C’est en gros à la fin de cette période que la reconnaissance se fait ressentir et que le mouvement commence à renaître de ses cendres. Aujourd’hui, le terme gothic rock n’est plus forcément utilisé, trop réducteur pour qualifier la musique de ces groupes et l’immense panache des possibilités qui s’en détache. La presse parle désormais plus de cold wave ou de dark wave pour englober le death rock (Christian death, Community FK…), le positive punk (Virgin prunes, Sex gang children…), la scène ayant émané du Batcave (Alien sex fiend, Flesh for lulu…), l’etheral wave (Cocteau twins, Dead can dance…), la scène de Leeds (The sisters of mercy, Red lorry yellow lorry…) etc.

Le post punk, mené par Siouxsie, Joy division, Bauhaus, The cure, aura fait des adeptes et su fédérer une communauté de fans solide, ayant perduré dans le temps. La résurgence du mouvement et ses ramifications avec le metal, l’indus lui auront donné la légitimité qui lui a toujours fait défaut par le passé. Ainsi, l’avenir semble lui tendre les bras ce qui, finalement, n’est que justice.

Victor provis démystifie avec précision et rigueur ce genre musical, nous propose une plongée dans son essence avec une passion communicative. Celle-ci nous donne une seule envie, (ré)écouter les nombreuses références citées afin de nous faire notre propre idée sur le gothic rock. Pari réussi de façon magistrale !

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