[Essai] MAGALI NACHTERGAEL Poet against the machine.

Poet against the machine, essai de Magali Nachtergael.

Il y a des livres comme ça, qu’on demande en service presse et que, dès que nous les avons entre les mains, nous terrorisent. Non pas par sa couverture, vert matrix, qui nous a tapé dans l’oeil, mais par leur sujet, et par la façon dont il est traité. Magali Nachtergael nous propose, avec Poet against the machine, une histoire technopolitique de la littérature ( aux éditions Le mot et le reste), une plongée dans les néo-littératures, mêlant poésie et toutes les technologies possibles et imaginables. Alors, on se dit que nous ne possédons pas le bagage intellectuel pour en faire une juste chronique, mais on se lance quand même.

Tout d’abord, il convient de dire que ce bouquin est très, très bien écrit. Ce n’est pas anodin car, truffé de références comme doivent l’être les essais, l’autrice prend autant le fond au sérieux que sa forme. Cette très bonne surprise nous rassure, d’autant que le jargon spécifique au thème aurait pu rendre l’ensemble imbitable. Fort heureusement il n’en est rien et nous plongeons avec avidité dans cette inconnue qu’est la poésie en relation avec la technologie.

Un peu d’histoire.

Pour nous faire entrer dans son sujet, Magali Nachtergael n’hésite pas à faire un peu d’histoire et à revenir sur l’histoire de la littérature au moment (en gros hein) de l’explosion de l’ère industrielle. Elle y parle surréalisme, beat generation, explosion des littératures numériques dans une chronologie qui nous sert de repères. Cela est plutôt bien senti et structure d’emblée l’essai (et évite de nous perdre dans un labyrinthe duquel nous ne serions jamais sortis).

Des poèmes cachés sous des peintures, sous des illustrations, des poèmes lus à voix haute, lus à la radios, de ceux distribués sous le manteau, photocopiés ou réunis sous forme de fanzine, ceux s’émancipant du format livre pour devenir totalement numérique (via le micro-bloging), le livre revient de façon exhaustive (nous paraît-il) sur toutes les formes qu’a pu prendre et que prend la littérature depuis l’avènement des technologies. Car il faut bien l’avouer, celle-ci à totalement pervertie (ou du moins changée) notre rapport à la lecture, à l’appréciation de toute forme poétique, et à la rédaction.

La technologie, prolongement du corps.

L’autrice revient sur les impacts de la technologie sur la production littéraire. Un exemple tout bête, qui montre que, pour ne pas citer de marque, internet tend à réduire l’ouverture des recherches. Nous cherchons des productions marginales poétiques, mais, par le jeu des algorithmes, entre autres via le moteur de recherche et le pagerank (algorithme définissant quel site se placera en haut du panier), nous sommes conduits vers ce que nous voulons ET qui a du succès. Cela sous-entend que nous nous contentons de ce résultat sans forcément chercher à aller plus loin (ce que l’on appelle, si nous ne nous trompons pas, le sentiment de récompense immédiat tant prisé par le cerveau). Résultat, une pensée unique, faite des mêmes références, émerge.

Bon, tout est mieux dit dans l’essai, étayé par des références de chercheurs, de poètes, et cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres. Le fait qu’aujourd’hui nous écrivions sur un clavier et un ordinateur, à contrario de l’écriture manuscrite, change également notre façon de composer des écrits puisque, par exemple, les jeux de copié-collé facilitent la tâche, visant parfois à créer des absurdités poétiques. D’ailleurs, certains s’en amusent, détournent les codes pour se les approprier, pour produire une nouvelle littérature, menacée, il est vrai, par les nouvelles formes d’intelligences artificielles.

Les I.A.

Celles-ci ont évolué, mais leur manque « d’âme » tend à produire des œuvres presque abstraites, dénuées d’émotions. C’est-à-dire, pour paraphraser, et nous espérons le faire de façon correcte, qu’un ordinateur doté d’un œil et d’une analyse artificielle produira un texte contemplatif sans aspérité, quand bien même le résultat sera « parfait » dans la forme. Et c’est peut-être là où le bât blesse et nous place en situation de spectateur : la machine, à l’instar de Terminator, peut prendre le relais de l’espèce humaine.

Fort heureusement, la conclusion de l’essai nous rassure, montre au contraire que sous des formes diverses et variées, comme par exemple votre webzine préféré, la néo-littérature continue à être produite, de façon plus ou moins efficace et poétique, mais toujours vivante. Et que le livre, qui paraissait un temps en perte de vitesse, regagne peu à peu des lettres de noblesse. Ce qui n’est absolument pas pour nous déplaire.

Au final, nous avons, avec Poet against the machine (nom emprunté au fameux groupe Rage against the machine, un essai réellement passionnant, truffé de références pop culture (mais aussi geek culture), qui nous montre que l’inventivité poétique et humaine n’a pas de limites, preuve que la poésie ne finira jamais de se régénérer. Et on aime cette idée. À lire absolument pour bien comprendre les enjeux du monde dans lequel nous vivons et nous vous conseillons donc vivement ce livre !

magali nachtergael poet against the machine

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